SEISME POLITIQUE EN FRANCE

Législatives en France : la gauche disparate dégaine un programme de 300 milliards pour gagner

Le député français du parti d'extrême gauche La France Insoumise (LFI) Manuel Bompard (au centre) prononce une allocution, flanqué de la secrétaire nationale des Eco-logistes (EELV), Marine Tondelier (5e à partir de la gauche, veste verte) ; Olivier Faure, premier secrétaire du Parti so-cialiste français (PS, avec des lunettes) et Fabien Roussel, secrétaire national du Parti communiste français (PCF, l’homme à la cravate). AFP

Des visages illuminés par le sourire dans la salle de conférences de la Maison de la Chimie, dans le 7ème arrondissement parisien. Des mots qui, tels des leitmotivs, reviennent : espoir, justice, laïcité, rupture, etc. A la mi-journée de ce 14 juin, en prévision des élections législatives des 30 juin et 7 juillet prochains consécutives de la dissolution de l’Assemblée nationale par le Président de la République, Emmanuel Macron, après la déroute de son camp aux européennes du 9 juin, la gauche française jouait groupée. La veille en soirée, les négociateurs de Place publique (le Parti socialiste/PS avec 13,8% des voix aux européennes ; La France Insoumise/LFI, 9,9% ; Europe Ecologie-Les Verts/EELV, 5,5% et le Parti communiste/PCF, 2,4%), annonçaient être parvenus à un accord de programme pour aborder lesdites législatives avec un candidat unique dans chacune des 577 circonscriptions. Près de 150 points composent le programme qui sera appliqué en trois phases. Il est évalué à au moins 300 milliards par des économistes.

C’est un ramassis d’idées folles, avec toutes les outrances qui les caractérisent.

Forte d’un total de 31,6% des voix au scrutin du 9 juin (31,4% pour le Rassemblement national et 14,6% pour la majorité présidentielle), la gauche a, soudain, pris conscience qu’elle pouvait, le 8 juillet, gouverner la France. A une condition : monter, puis présenter un programme commun. Ce qu’elle a fait en quatre jours, malgré de grandes et profondes différences entre ses composantes. Ainsi, à la Maison de la Chimie, les représentants des quatre forces principales de ce « Nouveau Front Populaire » (NFP) ont présenté un programme commun intitulé « contrat de confiance » en près de 150 points en 24 pages. Des réformes qui seront appliquées en trois phases : les 15 premiers jours suivant l’entrée à Matignon, durant les 100 premiers jours et durant la législature (5 ans). Parmi les urgences :

-le SMIC à 1 600 euros nets (contre 1 398,70 euros, actuellement) ;

-l’indexation des salaires sur l’inflation ;

-le blocage des prix de l’alimentation et de l’énergie (carburants, électricité, gaz) ;

-l’abrogation des lois sur les retraites, sur l’assurance chômage (qui entre en application le 1er juillet prochain) et sur l’immigration ;

-le rétablissement de l’ISF (impôt sur la fortune) ;

-soutien répété à l’Ukraine ;

-condamnation des massacres terroristes du Hamas du 7 octobre 2023.

Répartition des candidats dans les 577 circonscriptions

Dans le même temps, était annoncée la répartition des candidats dans les 577 circonscriptions pour le scrutin des 30 juin et 7 juillet : 229 circonscriptions vont à LFI, 175 au PS, 92 à EELV et 50 au PCF. « Nous sommes au rendez-vous de l’histoire », a-t-il été annoncé en préambule de cette présentation à la Maison de la Chimie. On a aussi entendu : « C’est un immense espoir », « C’est un programme de rupture », « On veut changer la vie vraiment », « Avec nous, vous serez entendus » ou encore « Quand l’essentiel est en jeu, nous sommes là », etc.

Nous sommes au rendez-vous de l’histoire.

Pourtant, malgré le soutien, la veille au soir, de l’ex-Président de la République François Hollande, celui du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA, extrême gauche) et les sourires largement affichés à la Maison de la Chimie, l’histoire sonne bizarrement. Si c’est la liste Place publique/Parti socialiste qui est arrivée en tête des forces de gauche lors des récentes européennes, c’est celle de LFI, arrivée 2ème, qui a mené l’affaire. Lancement de la présentation par une « insoumise », premier intervenant en la personne de Manuel Bompard, coordonnateur de LFI… Olivier Faure, le secrétaire général du PS, n’est intervenu qu’en troisième position après l’écologiste Marine Tondelier.

Raphaël Glucksman, le chef de file de la liste Place publique/PS, brillait par son absence. Pour rappel, durant la campagne des européennes, il avait été insulté et agressé physiquement par des LFI et, ce vendredi matin, il confiait son refus de voir, en cas de victoire de la gauche, Jean-Luc Mélenchon dans les habits de Premier ministre. Un peu plus tard, le même Glucksman s’adressait à ses sympathisants : « Allez voter les yeux fermés… »

Quid du financement du programme ?

Très vite, va se poser la question du financement de ce Programme commun, version 2024. Des économistes assurent qu’il en coûtera à la France pas moins de 300 milliards d’euros…

L’actuel ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, prévient : « Ce programme, c’est du grand délire ». La patronne du Rassemblement national (RN, extrême droite), Marine Le Pen, assure : « C’est un ramassis d’idées folles, avec toutes les outrances qui les caractérisent »… Le coordonnateur de LFI, Manuel Bompard, répond : « Le financement ? Vous allez voir… ».

Un autre problème va surgir très rapidement ; en cas de majorité de ce NFP aux législatives, qui pour Matignon ? Olivier Faure : « Il sera proposé par le NFP dans son ensemble » ; Manuel Bompard : « Il sera proposé par le groupe qui aura le plus de députés ». Pour mémoire, c’est LFI qui, dans le programme commun présenté ce 14 juin, présentera le plus de candidats aux législatives. Union, vous avez dit ?

Serge Bressan (correspondant à Paris)