SOCIETE

Harcèlement et violence sur une cheminote à la SNCB

BELGA

Sylvia (prénom d’emprunt) a été tabassée le 5 août 2019 par un agent de plus de 15 ans son aîné dans le train de service en direction de l’atelier de traction de Schaarbeek. L’agression violente lui a occasionné des blessures au point qu’elle a dû se faire opérer du nez. Mais c’est elle qui, par la suite, a été sanctionnée pour avoir dénigré ensuite son agresseur. Elle est en arrêt maladie.

La SNCB, entreprise publique, est censée garantir le bien-être de ses travailleurs ou travailleuses

Jeune dame d’une trentaine d’années, Sylvia est aujourd’hui dans une situation de détresse psychologique suite à une agression violente dont elle a été victime de la part d’un collègue, Marc (prénom d’emprunt) de plus de 15 ans son aîné. Tous deux travaillent à l’atelier de traction de Schaerbeek de la SNCB. Les faits dont il s’agit se sont produits le 5 août 2019. Ce jour-là, Sylvia est assise dans le train de service du matin en direction de son lieu de travail à Schaerbeek, quand elle est violemment attaquée par son collègue. Selon nos informations, l’agression est survenue à la suite d’un problème de refus de la part de la jeune femme de voir son collègue s’asseoir en face d’elle, alors que beaucoup de sièges étaient vides dans le train. C’est à ce moment-là que ce dernier s’est acharné sur elle, la rouant de coups au visage, lui causant de sérieux dommages. Elle ne doit son salut qu’à l’intervention de collègues présents ayant réussi à maîtriser l’agresseur.

Sous certificat médical

Dans la foulée, la jeune femme porte plainte, tant en interne qu’à la police. Les témoignages de collègues cheminots confirment l’incident dénonçant au passage l’attitude de l’agresseur. Un certificat médical, établi dans la foulée, indique, depuis l’accident, une douleur au niveau de l’os propre du nez, douleur qui s’aggrave. Le médecin indique également une hémorragie à l’œil gauche. Bref, des coups qui ont entraîné des blessures si graves que la victime a dû subir deux opérations chirurgicales. Mais “c’est au niveau psychologique que la situation s’est détériorée au regard du traitement réservé à la jeune femme”, nous ont confirmé plusieurs sources en interne à la SNCB. Or, par le passé, Sylvia avait déjà porté plainte auprès des services compétents en interne contre l’agresseur présumé pour harcèlement et attouchements.

Visiblement, l’enquête menée donnerait l’impression que c’est Sylvia qui était à l’origine de son agression. Un (semblant ?) de mesure d’éloignement avait alors été pris, mais dans les faits rien n’a changé. L’agresseur présumé continuerait à opérer dans l’environnement professionnel immédiat de Sylvia.  Un environnement où l’ambiance anxiogène est devenue hostile pour cette dernière pointée du doigt par certains collègues ayant pris fait et cause pour l’agresseur présumé. « Ça ne m’étonnerait pas que ce traitement soit lié au fait que ce soit une femme… », ont confié certains collègues de l’entourage de la jeune cheminote.

Enquête pénale en cours

Après 6 mois d’enquête, le verdict tombé le 6 février 2020 laisse la plaignante sans voix : accusée d’avoir émis des commentaires dénigrants vis-à-vis de son agresseur présumé à la suite de son agression, Sylvia écope d’une retenue de 20% sur son salaire journalier brut pendant 5 jours ! Et pourtant, d’après nos informations, l’enquête pénale est toujours en cours et porterait sur des coups et blessures avec la circonstance aggravante qu’elle a occasionné une incapacité temporaire de travail.

Le syndicat dénonce

Contactés par nos soins, aucun acteur du dossier n’a voulu s’exprimer. Sylvia refuse de parler de son dossier, craignant d’être frappée d’une mesure disciplinaire plus grave pouvant aller jusqu’à la révocation. « Cette personne (Sylvia, NDLR) n’a pas été sanctionnée dans le cadre de ce dossier. Par ailleurs, encore une fois, nous ne communiquons pas sur des dossiers personnels », nous a répondu le porte-parole de la SNCB. L’auteur présumé est injoignable. Aux dernières nouvelles, il aurait été sanctionné d’une retenue d’un mois sur salaire.

Quel soutien de la SNCB face aux travailleurs/travailleuses en détresse?

En attendant, Sylvia est en arrêt maladie et selon son entourage, c’est la descente aux enfers pour elle dans le labyrinthe de la dépression. Elle aurait introduit une contestation de la sanction disciplinaire de retenue sur salaire qui lui a été infligée depuis plus d’un an. Elle attend toujours que l’entreprise lui propose une nouvelle affectation. « Ce qui est interpellant dans cette affaire qui ne devrait pas avoir lieu et qui pourtant, malheureusement, arrive régulièrement au sein de n’importe quelle entreprise, c’est la réaction de la SNCB, entreprise publique, censée montrer l’exemple pour garantir le bien-être de ses travailleurs ou travailleuses », dit-on à la régionale bruxelloise de la CGSP-Cheminot. La centrale syndicale soutient sa déléguée  jeunesse Sylvia et la défend.

« Alors que la procédure pénale est toujours en cours, et qu’elle devrait permettre de départager les versions et d’aboutir à une vérité judiciaire, eu égard à la gravité des faits, on se demande pourquoi la SNCB n’a pas pris toutes les dispositions pour protéger Sylvia en interdisant formellement à l’auteur présumé d’avoir des contacts avec cette dernière et en affectant les deux protagonistes à des postes différents », dénoncent les responsables syndicaux bruxellois. Au vu des éléments du dossier et en sanctionnant Sylvia, la SNCB a aggravé sa détresse psychologique.

Ph. Lawson