ECONOMIE

Liberty Liège-Dudelange sous pression, un millier d’emplois sont menacés

Sanjeev Gupta, propriétaire et patron du groupe sidérurgique devant le centre Acier à Liège en 2019. Crédit Bepress Photo Agency.

Depuis lundi et la chute de la start-up financière Greensill, la menace pèse sur des piliers de l’économie mondiale dont fait partie Liberty Liège-Dudelange depuis 2019. Voilà deux ans,  le groupe britannique Liberty House rachetait 740 millions d’euros d’actifs à ArcelorMittal, dont trois lignes de production liégeoises et un site luxembourgeois rebaptisés «Liberty Liège-Dudelange». Ce dernier entrait dès lors dans le giron d’une entreprise de métallurgie et d’ingénierie en pleine croissance, avec des sites en Europe, aux États-Unis et en Australie. En tant que l’un des plus grands producteurs d’acier en Europe, avec une capacité de production mondiale de 15 millions de tonnes par an, le groupe Liberty élargi était alors bien positionné pour prospérer.  Suite du dépôt de bilan de Greensill, la société financière spécialisée dans les prêts de court terme aux entreprises, le site liégeois se retrouve en situation de trésorerie difficile qui l’empêchera de faire face à ses obligations financières vis-à-vis de ses fournisseurs, de ses clients et, à terme, vis-à-vis des travailleurs.  Face à la crainte du pire, la CSC METEA  réclame un engagement clair et rapide de Liberty.

« Le groupe doit soutenir les sites concernés par un apport d’argent frais !» tonne Jordan Atanasov, secrétaire régional CSC METEA. ArcelorMittal tire la sonnette d’alarme et réclame des garanties financière pour ce soir dernier délai et a d’ores et déjà bloqué sur le champ l’approvisionnement des sites. Les choses pourraient bouger en fin de journée. 

Le manque de transparence et d’accompagnement de Liberty depuis le départ n’a rien arrangé

La banqueroute de Greensill fait suite à une défiance des assureurs et au départ du Crédit suisse marquant par là le manque de confiance dans le business modèle proposé par Liberty.  Pour l’heure, à “Liberty Liège-Dudelange”. Les syndicats réclament qu’une réunion avec Sanjeev Gupta soit organisée dans les plus brefs délais afin de connaître ses intentions.
« Nous demandons fermement que le groupe Liberty prenne ses responsabilités et sorte Liège de cette situation qui met en péril la pérennité des sites. Quoi qu’il arrive, les emplois doivent être garantis. Nous n’accepterons pas d’être lâchés sur le bord de la route. Nous mettrons tout en œuvre pour maintenir cette activité », conclut Jordan Atanasov. Au total, un millier d’emplois (720 travailleurs à Liège – 360 à Dudelange) sont menacés si Liberty ne réinjecte pas rapidement de l’argent frais. Pour l’heure aucune action n’est encore prévue sur sites, mais des blocages de toutes sorties pourraient être mis en place si la situation ne se décante pas rapidement. “Liberty n’a jamais accompagné son “enfant” pas même au départ, cela fait 18 mois que la trésorerie de Liberty Liège-Dudelange est compliquée”, explique Jordan Atanasov. Le groupe souhaite une autonomie totale des sites, ce qui n’aide pas. Si faillite il y a, elle aura un impact direct sur les travailleurs, c’est inacceptable.

Crainte de l’effet domino

Vu la situation, la direction liégeoise de Liberty a organisé,  hier fin de journée, une réunion avec les représentants des travailleurs liégeois et luxembourgeoise au cours de laquelle elle a annoncé que le cash-flow risque de se dégrader rapidement. La faillite de Greensill met en doute la solvabilité de Liberty et, de ce fait, ArcelorMittal a immédiatement bloqué l’approvisionnement des sites liégeois. ArcelorMittal souhaite avoir des garanties bancaires assez rapidement pour reprendre ses livraisons. Le signal donné par Mittal pourrait se traduire par un manque de confiance dans le modèle développé par le groupe Liberty. “L’an dernier déjà, un nouvel accord commercial  concernant les prix et volumes avait été signé avec ArcelorMittal qui réclamait alors déjà une garantie financière en date du 1er juillet prochain sans jamais rien voir venir. Désormais, Arcelor attend cette garantie pour ce soir. Autant dire que la situation est plus qu’inquiétante.” 

Le pire scénario : la non garantie de l’emploi

Les organisations syndicales craignent en prime des réactions en chaines de la part des fournisseurs puis des clients qui décideraient de suivre l’exemple d’ArcelorMittal en suspendant tout approvisionnement et commandes. ” La direction locale nous a demandé de les soutenir dans le cadre d’une démarche auprès de la Région. Or, celles-ci ont déjà été initiées en 18 mois et n’ont jamais rien abouti. Liberty n’offrant jamais une visibilité claire de son modèle pour honorer les prêts et répondre ainsi aux attentes de la Région. On espère une rencontre avec le ministre de l’économie rapidement.” Selon les syndicats, la procédure même de rachat des sites par Liberty manquait de transparence. “A l’époque d’autres candidats étaient intéressés. Si reprise il devait avoir, ce ne serait pas le pire. Tout ce qu’on veut c’est la garantie de l’emploi. Ce qu’on vit aujourd’hui, les travailleurs l’ont trop souvent vécu.” 

Pour rappel, en entrant dans le giron de Liberty House n 2019,  «Liberty Liège-Dudelange” bénéficiait également de l’appartenance  de Liberty à GFG Alliance, Gupta Family Group Alliance, un groupe international d’entreprises associées à l’homme d’affaires Sanjeev Gupta, les sociétés de l’alliance sont impliquées dans les mines, l’industrie et le commerce. Il y a un an, en février 2020, le groupe sidérurgique GFG Alliance annonçait investir 100 millions d’euros au sein du cluster Liberty Liège-Dudelange pour le transformer en l’un des plus importants fournisseurs européens d’acier revêtu. Cet apport visait alors  à améliorer les performances opérationnelles des différents sites et augmenter la qualité des produits. Le chiffre d’affaires de GFG Alliance dépasse les 20 milliards de dollars et emploie environ 30 000 personnes.

 

R.K.