SOCIETE

Liège: après le choc, place à un plan de relance du commerce et à la remise en question

BELGA

Avec une dizaine d’arrestations, 36 blessés légers parmi les policiers (9 personnes hospitalisées samedi soir), de nombreux dégâts matériels dans et autour des Galeries Saint-Lambert, située au coeur de la place éponyme, le bilan aurait pu être pire samedi soir à Liège. Il n’empêche, aux lendemains des émeutes, les enseignements seront tirés tant du côté de la Ville  qui mise sur un plan d’urgence de relance du commerce, que du côté de la police de Liège. Une adaptation des formations ou des moyens d’intervention sera réalisée.  Les agents d’intervention de la Zone de Police de Liège devraient prochainement être équipés de Bodycam permettant, tant pour le citoyen que pour le policier, de filmer et d’écouter les interventions. Une façon aussi d’être sur pied d’égalité et de s’adapter aux nouveaux réflexes “citoyens”, celui de filmer à tout va. Sans nécessairement savoir pourquoi.

Un plan d’urgence et de relance pour venir en aide aux commerçants et accélérer la relance

Au-delà des violences, les Liégeois se sont réveillés hier dubitatifs, quant à la sécurité en leur cité. “C’est incroyable ce qui s’est passé, j’en ai encore des frissons; c’était comme dans un film, comme lors de l’attentat de la place en 2013; on ne sortirait plus, ça fait peur”, réagit Annette, 50 ans, en immortalisant les portes vitrées brisées de la galerie commerciale touchée de plein fouet par les jets de pavés. “Je suis triste, triste d’avoir vu une jeunesse aussi remplie de haine, et de violence envers la police “, ajoute Christine, retraitée, habitant le quartier. Plus loin, Brahim, 17 ans raconte. “Moi, j’ai vu les casseurs, ils étaient fous, le flic a moto, ils l’ont tabassé comme ça pour rien, heureusement, des gens sont venus l’aider. Moi, j’ai pas bougé; trop peur de me prendre un coup, je suis rentré chez moi. Perso, la police, je m’en fiche, je lui veux pas de mal”.
En effet, des journalistes sur place ainsi que quelques participants à la manifestation bon enfant de la Culture, de l’Horeca et de l’événementiel se sont précipités pour venir en aide au premier policier pris à parti, sur sa moto, par les casseurs. Du côté des commerçants concernés, rares sont ceux qui avaient le coeur à venir voir les dégâts hier matin. Beaucoup craignent en effet que tout ça fasse davantage fuir les clients, touristes et habitués du centre-ville déjà fortement impacté par la crise, les importants travaux de longue durée (comme celui du tram) et les problèmes toujours présents liés à la mendicité des toxicomanes.

De jeunes “casseurs” entre 20 et 30 ans

Le bilan chiffré du nombre de magasins touchés par les violences n’est pas encore connu.  Les Galeries Saint-Lambert semblent être les plus abîmées. Mais aucun blessé n’a été recensé parmi les commerçants. Au total, il y aurait eu entre 200 et 300 casseurs dans les rues de Liège samedi après-midi, originaires de Liège et de sa périphérie, mais aussi de Bruxelles et de sa banlieue. Prenant comme prétexte la manifestation pacifique “Black lives matter” (photo) organisée suite aux événements de lundi dernier, les casseurs s’en sont pris à la police, dégradant et pillant des commerces mais ont aussi visé les badauds, profitant du chaos pour voler sacs à mains et GSM. Au total, 36 policiers ont été blessés légèrement, et une dizaine d’interpellations ont déjà été menées (un mineur, et 9 jeunes adultes entre 20 et 30 ans parmi lesquels 3 Liégeois). Hier matin, une seule personne était encore hospitalisée.
L’enquête devrait se poursuivre avec la police de Bruxelles avec laquelle le Chef de Corps liégeois Christian Beaupère est entré contact dès samedi. “Nous travaillerons conjointement pour retrouver ces fauteurs de troubles. Visiblement, il s’agit de bandes bien organisées au vue de leur modus operandi, dix arrestations, cela peut paraitre peu mais nous n’en resterons pas là; nous allons poursuivre le travail avec nos collègues bruxellois “.

Solidarité envers la police et les commerçants

Dès hier, le Bourgmestre Demeyer (PS) (et à travers lui tout le Collège) a tenu à exprimer son soutien envers les policiers, sollicitée à foison depuis un an et qui risquent leur vie à chaque instant, et aux commerçants victimes des dégradations et pillages des magasins, ainsi qu’aux nombreux employés du centre-ville, visiblement sous le choc. Dès ce lundi, des contacts seront pris avec tous les commerces sinistrés pour les aider dans leurs démarches. Une cellule spécifique en lien avec le Bureau du Commerce et les affaires économiques sera mise sur pied pour les accompagner.  La Ville prévoit également un plan d’action pour restaurer la confiance et rendre leur attractivité aux commerces liégeois qu’on sait en souffrance à plus d’un titre. “Plus que jamais, Liège est et doit rester une ville conviviale, chaleureuse, où il fait bon de venir”, a commenté Willy Demeyer. “Nous ne laisserons tomber personne et des mesures fortes seront prises par le collège”, a ajouté la Première échevine Christine Defraigne (MR).


Des participants à la manifestation pacifique  “Black lives matter” samedi après-midi, place St-Lambert. Le groupe  ne soutient pas l’action des fauteurs de trouble. En haut: Christian Beaupère, Chef de Corps de la Police de Liège. Ci-dessous: Willy Demeyer, bourgmestre de Liège.


Rétablir le vivre-ensemble

Et pour éviter tout amalgame, les autorités communales réuniront également prochainement tous les acteurs de la prévention, pour dialoguer avec la jeunesse. Les maisons de jeunes, services sociaux et de la jeunesse intensifieront les
contacts avec les jeunes, pour ramener de la sérénité, entendre la détresse et établir des actions visant à restaurer le lien de confiance entre jeunes et forces de l’ordre. Il en va de la cohésion sociale de notre ville et son vivre ensemble, auxquels
nous sommes tous attachés. “Notre volonté est de disposer d’un espace public apaisé et sécurisant” a renchérit Willy Demeyer.

La police sur les genoux mais debout

Face aux événement, Willy Demeyer, aussi Chef de la Police de Liège a réagi: “On se réjouit tout de même d’avoir éviter un bilan bien plus lourd si nous n’avions pu compter sur notre police et le renfort de la police fédérale et de ses auto-pompes supplémentaires.  “Une urgence: rétablir le vivre-ensemble, la cohésion sociale et la confiance; nous refusons les amalgames entre les jeunes, la situation pandémique n’aide pas hélas. Y a un trop plein de tout. La police est sollicitée partout tout le temps. Mais sans doute aussi que nous devons revoir nos stratégies d’interventions, nos méthodes et les faire évoluer”.
Avec un aussi grand nombre de blessés dans ses rangs  et un commissariat caillassé, on serait en droit de se demander quel est l’état d’esprit des policiers. “Compliqué”, confie Christian Beaupère. “Eux aussi, font face à une certaine lassitude, un ras-le-bol avec des mesures à faire respecter et qui le sont de moins en moins et ils le comprennent aussi fort bien, c’est difficile…” Samedi soir,  la cellule psychologique de la police a été activée afin de pouvoir venir en aide à ceux, parmi la police, qui en ressentiraient le besoin.

Obligation de revoir les stratégies d’intervention

Coté police encore, on réfute les accusations de racisme mais une remise en question est en marche. “Notre façon d’appréhender ce types d’interventions à longtemps fonctionné. Ces jeunes n’étaient pas à leur coup d’essai. Nous savions que quelque chose se tramait, on surveille les réseaux sociaux, mais on devrait sans doute le faire encore mieux ou autrement. La manière d’agir de ses bandes change et a changé, on se doit d’adapter nos moyens et techniques d’intervention. Nos agents d’intervention seront bientôt équipés de Bodycam (caméra) permettant, tant pour le citoyen que pour le policier, de filmer et d’écouter les interventions. Cela devrait déjà changer la donne” précise encore Christian Beaupère.

Concernant les faits qui auraient servis de prétexte aux débordements, à savoir l’arrestation musclée d’une femme d’origine congolaise sur cette même place St-Lambert lundi dernier, la Ville s’abstient de tout commentaire, elle ne peut s’exprimer. “Une procédure est en cours, interrogez le parquet; nous sommes coincés, nous respectons la procédure mais je dispose du rapport et il ressort que cette affaire est loin d’être aussi unilatérale qu’il n’y parait. Mais une fois encore, les vidéos qui circulent sur les réseaux ne montrent pas tout, ni toute la scène; nous on ne peut rien dire, cela crée forcément un déséquilibre dans la communication avec le public”,  a conclu le bourgmestre de Liège.

R.K.