OPINIONS

Notre facture d’électricité deviendra-t-elle bientôt impayable ?

BELGA

De plusieurs côtés, il se dit que nous n’avons plus besoin de nos « vieilles » centrales nucléaires. Or, il apparaît que construire de nouvelles centrales au gaz coûtera plus cher que prolonger nos centrales nucléaires. En outre, de nouvelles centrales nucléaires ne seront pas plus chères et seront même meilleur marché que des parcs éoliens ou solaires, à égale production d’énergie par an. Même sans compter les énormes subsides (« certificats verts ») accordés à ces parcs. Les centrales nucléaires, elles, n’ont pas besoin d’un deuxième système énergétique pour compenser leurs intermittences.

En France, RTE, en charge du réseau électrique, avait imaginé que vers 2060, le pays se baserait entièrement sur l’électricité renouvelable. Ce n’est pas réalisable. Dans l’économie française, le secteur de l’électricité ne produit pratiquement pas de CO2 depuis 30 ans, grâce aux centrales nucléaires. Que les autres secteurs de l‘économie soient responsables de la production de CO2, c’est à cause de l’emploi de combustibles fossiles. L’Etat français prévoit de réduire de 20% le parc des centrales nucléaires et les remplacer par des éoliennes. La France s’imagine-t-elle réduire sa production de C02 en remplaçant une source d’énergie décarbonée par une autre qui ne l’est pas ? Et au prix de surcoûts absurdes qu’il vaut mieux éviter…

Options incompréhensibles en Belgique

Les plans de la Belgique sont encore moins compréhensibles. On veut remplacer les centrales nucléaires, qui ne produisent pratiquement pas de CO2, et qui peuvent encore fonctionner bien des années, par des centrales au gaz produisant du CO2.

Les centrales nucléaires produisent aujourd’hui la plus grande part de notre électricité. Les centrales au gaz ne peuvent être des « veilleuses », comme le proclame la Ministre de l’Energie (Tinne Van der Straeten/Groen, NDLR): elles devraient remplacer nos centrales nucléaires en tournant en continu. D’énormes quantités de gaz doivent donc être amenées de l’étranger, payées et consommées. Et ainsi, la production de CO2 de la Belgique sera augmentée de dizaines de millions de tonnes par an. Il n’y a pas de plus grand contraste avec les objectifs « verts ». Entretemps, des subsides seront alloués par millions à ces nouvelles centrales au gaz. Alors que le prix de l’électricité est déjà maintenant un des plus chers au monde, on se demande comment cela pourrait aller mieux. De plus en plus de familles rencontreront de graves problèmes à cause de leur facture d’électricité.

Le nucléaire, une énergie décarbonnée

L’énergie nucléaire est une source d’énergie importante et sûre pour l’avenir. Décarboner  notre économie nécessite que, dans tous les domaines, on passe par une transition, pas seulement dans le secteur de l’électricité. Les sources d’énergie renouvelable y ont leur place, mais de façon limitée. L’intermittence de leur fonctionnement est leur plus gros problème, car le stockage d’électricité est encore très limité. Seule l’énergie nucléaire avec sa production continue peut garantir la sécurité de réserves et donc, remplacer l’énergie fournie par les combustibles fossiles de manière réaliste et sans CO2.

Les économies nouvelles entament cette transition de manière réaliste. La plus grande d’entre elles, la chinoise, table massivement sur l’énergie nucléaire. Tandis que l’Europe et le Etats-Unis rencontrent des problèmes pour construire de nouvelles centrales nucléaires, à cause d’une réglementation changeante, la Chine a rapidement mis en chantier de nouveaux types de réacteurs nucléaires, basés sur ceux du monde occidental. Nombre de ces centrales sont déjà en activité sur le réseau. La Chine développe aussi ses propres types de réacteurs. Elle n’a donc plus besoin de l’aide étrangère pour son secteur nucléaire. L’Europe doit, lentement mais sûrement, laisser la Chine se montrer plus entreprenante.

Il en va de même pour l’économie indienne, qui grandit rapidement. Avec une croissance de 7 à 8 % ces 5 dernières années, le sous-continent indien, avec une jeune population de 1,2 milliard d’habitants, a grandi plus vite que les pays « BRIC » (Brésil, Russie et Chine). Afin de satisfaire ses besoins croissants en énergie en réduisant la contribution des centrales au charbon,  l’Inde s’est résolument engagée dans la voie de l’énergie nucléaire.

L’Europe, un mauvais exemple

Les gros défauts de la transition énergétique allemande ont été récemment mis à jour par la critique sévère de la Cour des Comptes Fédérale allemande en son rapport au gouvernement. Via son « Energiewende » l’électricité allemande est devenue la plus chère au monde. Les branches de l’industrie allemande, grosses consommatrices d’électricité, migrent vers l’Extrême-Orient. Si cette tendance se poursuit, comment faire en Europe sans son « moteur », l’économie allemande ?

L’Europe seule ne peut sauver le monde. Le vieux continent produit seulement 8 à 9% des émissions de CO2 du monde. Même une Europe sans CO2 ne contribuerait guère à réduire les émissions de CO2 au niveau mondial. Et pourtant, l’Europe prévoit des investissements astronomiques dans son « Green Deal », massivement centré sur les sources d’énergie renouvelables selon l’« exemple » de l’Allemagne. Voilà la question : les autres pays européens, moins avancés, doivent-ils suivre ce mauvais exemple au niveau européen ?

Les décideurs nationaux et européens font face à de très importantes décisions. Nous leur souhaitons beaucoup de courage pour préparer un avenir qui contribue réellement au bien-être de tous les citoyens européens.

 

Paul BOSSENS
Ingénieur, président du groupement citoyen 100TWh, qui milite pour une politique énergétique rationnelle en Belgique (www.100TWh.be)