LITTERATURE

Chronique. “Il y aura d’autres jolis mois de mai”, de Jacques Attali


Les éditions Fayard publient en ce printemps 2021, le récit intime de Jacques Attali, ami de François Mitterrand. Il revient sur les grandes (et les petites) heures d’une présidence qui débuta un soir de mai 1981 et marqua un tournant décisif dans l’histoire de la société française. Mais pas seulement. Avec “Il y aura d’autres jolis mois de mai”, Attali nous entraine dans les coulisses du pouvoir avec pudeur mais aussi beaucoup d’humour.

« Le 10 mai 1981, nous vivons intensément, rue de Solférino, ce qui va devenir un moment très particulier pour la France : le premier gouvernement de gauche depuis 1936. Je suis pris dans l’euphorie de l’instant que j’espère depuis bientôt dix ans, dont d’autres rêvent depuis bien plus longtemps… Serons-nous à la hauteur des espoirs des quinze millions d’électeurs qui ont voté pour François Mitterrand ?»

 

Il y a une quinzaine d’années, nous avions lu C’était François Mitterrand, du même auteur. Il nous livre maintenant un court récit de la présidence de François Mitterrand, « une promenade dans des événements, à travers son histoire personnelle » (p.16), « la montée vers le pouvoir d’une génération de dirigeants, au nom «  d’un peuple de gauche », dont ils avaient peu à peu appris à comprendre les espérances » (ibid.).

Dans les coulisses d’une présidence

Ce livre est l’occasion, pour lui, de pas mal de « vacheries » : Raymond Barre, son professeur d’économie politique à Sciences Po, qui accepta de diriger son mémoire, est incapable, selon lui, de comprendre  les modèles mathématiques  de croissance (p.37) ; Jacques Chirac est un menteur, gouvernant, de 1986 à 1988 , « en frôlant sans cesse l’illégalité afin d’asseoir l’autorité de son camp » (p.160) ; même François Mitterrand, qui passe pour un érudit, en tout cas pour un homme d’une grande culture, ne connaît que partiellement la littérature française, surtout celle des XVIIIème, XIXème et XXème siècles, très peu la littérature étrangère et ne possède aucune culture musicale, sauf celle des chanteuses (sic) (p.56) ; il rappelle en passant (à Emmanuel Macron ?) que, depuis la réduction du mandat présidentiel  à cinq ans, il est quasi impossible, pour un président, d’être réélu (p. 186)…

Bien que le thème de l’ouvrage  soit la présidence de François Mitterrand, nous n’échappons pas à un autoportrait très flatteur, détaillant minutieusement ses études, sa carrière, ses mérites…Evidemment le contentement de soi  est un trait généreusement partagé mais ne convient-il pas d’un peu le dissimuler ? N’est pas Chateaubriand qui veut.

Selon lui, dans les années soixante-dix, «  la plupart des jeunes ne se mêlaient pas de politique, occupés par l’amour, les études, le sport et la musique» (p.54). Cela ne correspond pas à nos souvenirs. Nous nous revoyons, dans une atmosphère enfumée, nous alcoolisant pendant des nuits entières, à refaire le monde, à discuter de politique sans aucune inquiétude d’ordre écologique. René Dumont et Alfred  Sauvy étaient parfois évoqués mais plutôt comme des originaux et que pesaient de telles préoccupations à côté des questions ultimes : communisme ou capitalisme ? URSS ou Etats-Unis ? Allende ou Pompidou ? Il n’est que de revoir le début du film L’horloger de Saint-Paul, de Bertrand Tavernier, pour se faire une idée de ces débats.

Ami de François Mitterrand, proche collaborateur du candidat puis du Président, Jacques Attali nous transporte, en toute franchise et avec pudeur, dans l’intimité de la conquête puis de l’exercice du pouvoir. Au cœur d’événements décisifs ou en apparence anecdotiques qui ont contribué à forger l’Histoire. En chemin, il partage ses réflexions sur la mémoire, l’art de gouverner, la responsabilité et le sens à donner à sa vie.

Nous reconnaissons que nous n’avons jamais éprouvé beaucoup de sympathie pour Jacques Attali,  dont nous avons, ce nonobstant, lu l’un ou l’autre livres. Nous avons malgré tout pris quelque plaisir à parcourir avec lui les années quatre-vingt et à voir un temps ressusciter la personnalité si romanesque de François Mitterrand.

Il y aura d’autres jolis mois de mai, Ed. Fayard, Paris. 18€

                                                                                                         Jacques MELON