COVID-19

France : derrière le Pass sanitaire, l’enjeu de la présidentielle…

Le président-candidat Emmanuel Macron, le président désormais candidat pour la présidentielle a le vent en poupe. AFP

L’adoption de la loi sur le Pass sanitaire déchaîne les passions en France. Il faut dire qu’elle renforce les restrictions d’accès dans les cafés, les restaurants, les avions et dans les foires pour les personnes non-vaccinées. Furieux, l’extrême-gauche et l’extrême-droite s’emparent du sujet et mobilisent leurs troupes. Le président Macron traite les opposants au vaccin contre le Covid-19 d’irresponsables et d’égoïstes.

Des mots qui reviennent : « La démocratie a gagné ». Des mots entendus en ce début de semaine après le compromis trouvé à Paris, après soixante heures de débats et de discussions, par les députés et les sénateurs sur le projet de loi sur le Pass sanitaire renforçant les restrictions d’accès dans les cafés, les restaurants, les foires, les salons professionnels, les avions ou encore les trains pour les personnes non-vaccinées contre le Covid-19. Un député a ajouté : « Avec ce compromis élaboré par les députés et les sénateurs, les extrêmes de gauche et de droite se retrouvent hors-jeu ». Dans la foulée de l’intervention télévisée le 12 juillet dernier du président Emmanuel Macron, le Premier Ministre Jean Castex présentait donc (trop hâtivement, pour certains) un texte de loi définissant les contours du Pass sanitaire- seule solution aux yeux du gouvernement français pour juguler la pandémie du coronavirus (et de son variant Delta) en forte hausse dans l’Hexagone.

Des points de discorde

Tous les secteurs de la vie personnelle et professionnelle étaient ciblés, avec quelques points qui ont immédiatement fait unanimité contre le texte : amende de 45 000 euros pour les bars et restaurants qui accepteraient des clients non vaccinés, licenciement de toute personne travaillant dans les secteurs ayant contact avec le public et refusant la vaccination- une mesure visant principalement les personnels soignants… Conséquence : des manifestations contre le Pass sanitaire ont été organisées à travers le pays, une petite centaine de milliers de manifestants le week-end suivant l’intervention d’Emmanuel Macron, 160 000 le 24 juillet dernier alors que députés et sénateurs travaillaient sur le projet de loi. Des discussions qui ont peaufiné, modifié, lissé ledit projet. Ainsi, entre autres, on ne parle plus d’obligation de vaccination pour les personnes ayant un contact avec le public, on n’évoque plus le licenciement, mais plutôt une suspension du contrat de travail sans rémunération, on oublie pour l’instant le Pass sanitaire pour les jeunes de 12 à 17 ans tout comme on n’impose plus une jauge pour les spectacles tant en salles qu’en extérieur…

Mais cet épisode du pass sanitaire dépasse le simple cadre de la santé publique. Les politiques se sont emparés du sujet. La France Insoumise (LFI) de Jean-Luc Mélenchon et le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen ne craignent pas de lancer des mots définitifs comme « dictature », le micro-parti d’extrême droite Les Patriotes, fondé par Florian Philippot (ex-RN), est en première ligne pour l’organisation des manifestations parisiennes des « anti-vax » et des « anti-Pass ». La droite (Les Républicains) et la gauche (le Parti socialiste) traditionnelles optent pour la neutralité : ne pas tomber ni dans le soutien à Emmanuel Macron et le gouvernement de Jean Castex, ni dans l’opposition systématique. Parce que, en creux de ce Pass sanitaire dont la quasi majorité des professeurs de médecine et des médecins réclame l’instauration de façon urgente face à la remontée de la pandémie en France, l’affrontement a glissé du monde médical et scientifique à celui de la politique avec, ne jamais l’oublier, l’élection présidentielle les 10 et 24 avril 2022.

Les anti-vax : « des irresponsables et des égoïstes »

Une élection présidentielle dont la campagne, même si elle n’est pas officielle, est déjà lancée. Se plaçant en vue de sa réélection, Emmanuel Macron (photo) a qualifié d’« irresponsables et égoïstes » toutes les personnes refusant la vaccination. De leur côté, alors que Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon prennent le parti des « anti-vax » et autres « anti-Pass », des sociologues comparent déjà le mouvement à celui des Gilets Jaunes, l’un d’entre eux précisant que « anti-vax et anti-Pass sont des Gilets Jaunes encore plus radicaux, encore plus radicalisés ».

Conscient qu’il n’a pas pu, pour de multiples motifs, mettre en place les réformes promises lors de sa campagne pour la présidentielle en 2017, et pour briguer un second mandat en 2022, Emmanuel Macron a compris qu’il joue tout sur le dossier de la crise sanitaire. Au printemps 2020, il avait déclaré que « le pays est en guerre contre le virus » et qu’il mettrait tout en œuvre pour le vaincre, « quoi qu’il en coûte ». Après des débuts chaotiques, la vaccination en France est sur un bon rythme : 40 millions de Français primo-vaccinés en cette fin juillet ; objectif annoncé par Jean Castex : 50 millions pour fin août- ce qui est encore trop peu pour nombre de médecins qui craignent une situation très compliquée dans les hôpitaux avant même la rentrée de septembre. Et, autre inquiétude tant à l’Elysée qu’au gouvernement, le Conseil constitutionnel donnera, le 5 août prochain, son avis sur le texte de loi sur le Pass sanitaire. Un proche du dossier laisse entendre que les Sages pourraient retoquer quelques articles dudit projet. Ce qui serait un échec pour Emmanuel Macron et le gouvernement de Jean Castex, obligés dans l’urgence de retricoter un nouveau texte. Un vrai test pour le Pass sanitaire…

Serge Bressan (à Paris)