OPINION

JO Tokyo: la testostérone au secours de l’équité

La Néo-Zélandaise Laurel Hubbard lors de la finale féminine d'haltérophilie des +90 kg aux Jeux du Commonwealth de Cold Coast en 2018. Adrian Dennis/AFP

Le sport ne peut survivre sans équité et c’est désormais à coups de prises de sang et de vérifications du matériel sportif et vestimentaire que les instances sportives essaient, dans un ultime effort qui semble de plus en plus désespéré et illusoire de faire sombrer une armada d’artifices technologiques insubmersibles, etc.

Qui admirerait le cycliste victorieux avouant sans la moindre honte être chargé d’amphétamines ou de meldonium? Ou la nageuse, sourire aux lèvres, remercier son équipementier pour le maillot améliorant la flottabilité d’un pourcentage qui l’a plus que certainement aidée à décrocher l’or, qui ne l’est plus vraiment puisque les médailles de Tokyo sont produites à partir de composants informatiques recyclés. Personne, sans nul doute. Un dédain mondial s’emparerait du public qui déciderait plus que probablement de se désintéresser du sport pour de bon et de ne plus prêter la moindre attention à aucune performance puisqu’ils trichent tous, etc. Le sacro-saint principe d’équité étant floué, le sport ne ferait plus sens.

Mais pourtant, le sport doit encore offrir des records car dans le cas contraire, il deviendrait un mouroir sportif qui verrait les athlètes déambuler, tels des zombies en sursis, perche à peine tenue dans la main sans la moindre envie puisque l’homme a déjà franchi l’impossible. Le corps humain a des limites.

Recherche de la performance

C’est donc dans cette double tension entre recherche de la performance et maintien de l’équité que réside l’enjeu du sport !

Mais, l’équité est-elle affaire de sang ?

Est-ce que l’équité peut se mesurer ou se quantifier ? C’est en tous cas le défi que le sport tente d’honorer, mais ces Jeux Olympiques, il faut bien le reconnaître, apportent, une fois encore, leur lot de questionnements et d’incertitudes.

La première athlète transgenre a fait son apparition: Laurel Hubbard, 43 ans, défend les couleurs de la Nouvelle Zélande. Bravo, hourra et nous en voulons encore ! se dit-on dans l’euphorie quand nous voyons enfin se concrétiser les progrès de notre société dans le sport. Et puis, comme un soufflé complètement raté, la joie retombe quand on apprend que cette athlète concourt en haltérophilie. Comment ne pas être solidaire de ces femmes haltérophiles sacrifiant leur jeunesse et leur quotidien à soulever des poids, à repousser leurs limites chaque jour, lorsqu’elles voient dans cette évolution majeure un manque d’équité à leur égard ?

Equité, question d’esprit et de valeur

Pourtant, Laurel Hubbard a passé le test avec succès… Mais quel test ? Le test de la testostérone voyons… Le seul à même d’autoriser un être humain à concourir dans une épreuve féminine, et donc de décider, temporairement du genre de l’athlète. La testostérone, c’est cette hormone, produite par les glandes surrénales, que l’homme possède en plus grande quantité que la femme et qui est, notamment, associée à la performance sexuelle et à l’entretien de la masse musculaire. Et des muscles, pour soulever une barre de plus de 100 kg, il en faut ! Et pas qu’un peu ! Et ajoutons, pour encore un peu pimenter cette histoire d’équité, que l’athlète en question, Hubbard, est la fille d’un ancien maire d’Auckland… ville la plus peuplée de la Nouvelle Zélande.

Mais notre histoire ne s’arrête pas là… quatre athlètes n’ont, ils ou elles, à vous de choisir, pas réussi le test de la testostérone et ne peuvent être aligné(e)s en épreuves féminines d’athlétisme. Elles sont jugées coupables d’hyperandrogénie car leur taux de testostérone naturelle dépasse le seuil fatidique des 5 nmol/L, seuil fixé par la fédération internationale d’athlétisme pour participer à une épreuve féminine d’athlétisme. Parmi ces athlètes, les deux stars Christine Mboma et Beatrice Masilingi, perdent, le temps des JO, si pas leur sexe, leur genre !

Il est sans doute plus que temps de repenser notre sport moderne et de réviser nos vieux cahiers. L’équité n’est pas un taux de testostérone, ni une taille de bonnet de bain, non ! Elle est esprit et valeur !

Anne JOSEF

Doctorante à l’ULiège (Sémiotique du sport)