OPINION

Serions-nous les avant-gardes de la société de demain ?


A l’image de la société post-révolution industrielle du 19ème, en pleine internationalisation, mais pourtant rongée par les désirs nationaux, ne sommes-nous pas également en train de nous renfermer chacun sur soi, animés par notre propre intérêt, au point d’en oublier le sens du bien commun ?

Le monde artistique du 19ème siècle

La société de l’époque est assez paradoxale. L’occident est traversé d’une part par l’internationalisation rendue possible notamment par la révolution industrielle (développement des moyens de transport, circulation importante des œuvres, …) et d’autre part, par la forte augmentation du nationalisme. L’historicisme ou encore le romantisme étaient alors des courants majeurs du mouvement pictural de l’époque. Inspirés du courant littéraire du même nom, les tableaux exaltaient la nation et jouaient sur les sentiments patriotiques. Les identités nationales étaient mises en avant. Il fallait, à travers la culture, créer une unité nationale et un désir commun. Il était inconcevable de voir exposer aux salons officiels des peintures autres que celles traitant d’histoire, à sujet religieux ou moral. Les artistes qui veulent sortir des sentiers battus (?) vont donc se faire connaître à travers notamment les collecteurs et marchands d’arts qui organisent des expositions « alternatives ».

L’avant-garde

A partir du milieu du 19ème siècle, la peinture va subir une mutation à travers la naissance de l’avant-garde, passant par le réalisme, l’impressionnisme, le néo impressionnisme, le fauvisme, le cubisme, le futurisme, le dadaïsme, le surréalisme, … Ce mouvement aura non seulement une vocation sociale mais sera aussi, sans aucun doute, transformateur de la société. Le réalisme va affirmer la recherche constante du réel à travers la représentation de scènes de la vie quotidienne, tandis que l’impressionnisme souhaite la confrontation avec la lumière, la nature, les couleurs. Ils jouent avec les ondulations de l’eau, de la mer, avec l’atmosphère. A mettre au singulier s’il ne parle que de l’impressionnisme Chaque courant apportera sa touche pour une ouverture vers l’extérieur. Une invention fut primordiale dans cet essor du mouvement de l’avant-garde : le tube de couleur. Celui-ci, qui peut paraître anodin de nos jours, va permettre aux peintres de sortir de leurs ateliers, et de découvrir la nouvelle réalité de l’humanisme. Sortant de la pénombre de leurs ateliers, les artistes peintres captent plus facilement la lumière, les couleurs, …

Pourrions-nous réinventer le tube de couleur de la pensée ?

A l’heure où la société semble oublier le bien-être collectif pour se concentrer sur les intérêts individuels des uns et des autres, ne doit-on pas amorcer le changement dont ont été capables les avant-gardistes tout en conservant la particularité de chacun ? Le nationalisme submerge de plus en plus l’Europe, les identités nationales ou individuelles deviennent le centre de toutes les attentions, il faut tenir compte des particularismes de chacun au détriment trop souvent de ce qui nous relie !

Soyons les Courbet, Monet, Signac, Maximilien Luce et tentons d’initier cette force collective, afin de créer ce nouveau tube de couleur qui orientera de nouveau nos mouvements de pensées vers l’humanisme, vers l’extérieur, vers la société. Sortons de nous-mêmes, de nos ateliers, pour rouvrir nos yeux et percevoir la beauté de cette multitude de couleurs et de lumière que nous offre la société.

Céline LUCAS
Juriste