LITTERATURE

Chronique: “La France n’a pas dit son dernier mot”, d’Eric Zemmour

BELGA

Même si, pour l’essentiel, le dernier ouvrage d’Eric Zemmour a un objet politique, il présente également un aspect purement littéraire, telles les descriptions des promenades de l’auteur dans le Paris « confiné » et désert, l’évocation des quartiers de son enfance…, raison pour laquelle notre chronique est connotée littéraire.

Sous réserve de l’introduction et de la conclusion, le dernier récit signé par celui que certains attendent au tournant de la future élection présidentielle, constitue un journal dans lequel certains événements donnent lieu à commentaire ; en cela, il épouse la même technique d’écriture que dans Le suicide français et le continue chronologiquement, faisant fond sur l’actualité pour développer la pensée et les convictions d’Eric Zemmour. Il veut échapper, expose celui-ci, à l’image d’un polémiste d’extrême-droite multicondamné (p.15).

Nuançant sa pensée, il ne se dit pas d’extrême droite, mais d’une droite patriotique en quête d’ordre et d’un légitime conservatisme (p.259) ; s’il condamne les outrances du féminisme et de l’antiracisme (ainsi la « théorie stigmatisant l’appropriation culturelle »), il se voit bien dans le rôle d’un seigneur paillard médiéval, mettant un genou à terre devant sa Dame, « la France est femme », écrit-il (p.288) ; il distingue les Français de souche et les Français de branche, qui s’approprient « l’histoire, la langue, les mœurs, les goûts, les héros des Français de souche » (p.336), contrairement à ceux qui crachent sur la France et les générations qui l’ont faite, en d’autres termes, il se revendique de la politique d’assimilation, non du multiculturalisme (p. 341) ; « les musulmans qui veulent s’assimiler à notre civilisation doivent pouvoir le faire sans crainte ni sentiment de culpabilité, sans être harcelés par ceux qui les traitent d’apostats » (p.340) .

Candidat de l’audace

Sera-t-il candidat à l’élection présidentielle de 2022 ? Cessera- t-il d’être un simple analyste pour devenir un acteur ? L’introduction permet de douter. Il ne cache pas que Xavier Bertrand lui aurait déclaré que, en 2022, s’il ne gagne pas lui-même, « il ne restera que deux candidats à droite, Marion (Maréchal ?) et toi » (p.21), qu’il est encouragé par la responsable des sections féminines pour l’élection de Trump, par Nicolas Dupont-Aignan… Il ne répond toutefois pas à la question et laisse seulement entendre quelles seraient les grandes lignes de son programme : fin du regroupement familial, suppression du droit du sol, encadrement strict du droit d’asile, restriction du pouvoir des juges français et européens et recours, si nécessaire sur ce point, au referendum, présomption de légitime défense en faveur des policiers (p.339), prédominance de la politique sur l’économie et la finance (p.341) …

Ces sujets ne sont abordés que d’une manière marginale. Cet ouvrage, comme dit ci-dessus, offre un journal des années 2016 à 2020; il contient nombre de saynètes croustillantes, des portraits (Serge July, Claude Lévi-Strauss, Yann Moix, Giscard, Charles Pasqua, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy…), et rapporte des conversations avec Emmanuel Macron, Edouard Balladur, Jean-Louis Borloo…

Si on ne partage pas les idées d’Eric Zemmour, de la même manière que l’on prenait plaisir à voir Georges Marchais débattre avec des journalistes sans partager sa vision du monde, on ne s’ennuie jamais à la lecture. Et on pourra à tout le moins lui reconnaître une grande culture littéraire et la maîtrise de l’histoire de France.

 

Jacques MELON

Eric Zemmour, La France n’a pas dit son dernier mot, Ed. Rubempré, 349 p.