DEUXIEME GUERRE MONDIALE

Une « ode à la résistance » inaugurée à Breendonk

D.R.

Elle est érigée à l’entrée à l’entrée du fort de Breendonk en l’honneur des victimes des camps de concentration et des résistants de la seconde guerre mondiale. L’œuvre a été inaugurée dimanche dernier en présence du représentant de Sa Majesté le roi Philippe, de la ministre de la Défense Ludivine Dedonder (PS), de la présidente de la Chambre Eliane Tillieux (PS) et d’une sénatrice Vooruit. Le ministre d’Etat André Flahaut (PS), le président de la Confédération nationale des prisonniers politiques Edmond Eycken, celui du conseil d’administration du War Heritage Institute Koen Palinckx, et le directeur général du WHI, Michel Jaupart assistaient également à la cérémonie. Le WHI est un parastatal de la Défense, chargé de la conservation et de la présentation du patrimoine militaire historique (tant les sites que les collections) ainsi que de la transmission de la mémoire.

Portant le nom « Ode à la résistance », ce monument sculpté par l’artiste Tom Frantzen rend hommage à tous les êtres ayant lutté pour la démocratie. Prenant place à l’entrée du fort de Breendonk qui fut utilisé comme camp d’internement dès septembre 1940, le symbole est fort : Une grosse botte écrasant des femmes, des enfants, des résistants et un homme relâchant une colombe. Entretien avec Edmond Eycken, président national de la Confédération nationale des prisonniers politiques et ayants droit de Belgique (CNPPA)

Monsieur Edmond Eycken, comment est née l’initiative de ce monument ?

Comme nous fêtions, cette année, notre 75ème anniversaire (la CNPPA a été fondée à Bruxelles le 28 septembre 1946) et que, étant donné notre âge respectable, nous ne fêterons pas le 100ème anniversaire nous voulions laisser un souvenir tangible de cet événement aux générations futures. Le bureau exécutif a donc décidé d’ériger un monument à Breendonk qui représente, sur le sol belge, tous les camps de concentration. L’artiste sélectionné est Tom Frantzen qui nous a présenté deux projets. Les administrateurs ont été invités à choisir et leur préférence porté à l’unanimité à l’unanimité vers le monument inauguré ce dimanche.

Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste la CNPPA ?

L’association a pour objet :

  • – d’entretenir le culte du souvenir et l’hommage aux Prisonniers Politiques de la guerre 1940-1945 et de leurs Ayants droit ;
  • – de défendre les intérêts moraux et/ou matériels des Prisonniers Politiques de la guerre 1940-1945 et de leurs Ayants droit ;
  • – de venir en aide par tous les moyens moraux et/ou matériels aux Prisonniers Politiques et Ayants droit, que ce soit par une aide directe ou par l’assistance prêtée par divers services ;
  • – de maintenir et développer l’esprit de patriotisme et de civisme, de défendre l’unité et l’union de la Belgique ;
  • – d’utiliser sans discrimination de race, de sexe, de langue, de culture, de conviction philosophique, de religion et de tendance politique tous les moyens disponibles pour lutter contre toute forme de totalitarisme, de nazisme, de néofascisme et d’amnistie envers les anciens collaborateurs et traîtres durant la guerre 1940-1945 ;
  • – de défendre les droits de l’homme et de respecter la dignité humaine.

Quel est le principal message à retenir de ce monument ? Le danger de cette botte de l’oppression écrasant tout sur son passage ou l’homme lâchant une colombe, source d’espoir et de liberté ?

Il faut en premier lieu retenir le message d’espoir et de liberté mais aussi le danger que représentent l’abus de pouvoir, la domination despotique ou tyrannique, l’injustice et l’intolérance.

« Vous qui entrez, laissez toute espérance », le message était écrit et lu pour quiconque passait la porte du fort de Breendonk. En tant que président de la CNPPA, comment percevez-vous l’érection d’un tel monument à l’entrée de ce fort ayant vu passer tellement de barbarie ?

La victoire du bien sur le mal. Cette victoire acquise par le courage et le sacrifice consenti par des femmes et des hommes pour nous léguer ce précieux héritage qu’est la démocratie dont nous bénéficions encore aujourd’hui.

La présence de la Ministre de la Défense Ludivine Dedonder, du représentant de S.A.M. le Roi et du WHI est un signe positif selon vous de la part du monde politique et de nos institutions ?

Sa Majesté le Roi nous a toujours témoigné sa sympathie et son soutien soit par sa présence, soit en se faisant représenter. Madame la ministre de la Défense qui est aussi ministre de tutelle des associations patriotiques est très soucieuse de la pérennité de la mémoire et ne rate aucune occasion de nous honorer de sa présence. Elle a encore inauguré, le 30 mai dernier à l’Enclos des Fusillés à Schaerbeek, la plaque annonçant le titre de Nécropole Nationale attribué à ce lieu par l’A.R. du 31 juillet 2020. Quant au WHI, nous ne pouvons que nous féliciter du soutien de cette institution qui nous a très efficacement aidés dans l’organisation de la cérémonie d’inauguration de dimanche dernier. D’autre part, nous pouvons toujours compter sur son aide et son soutien. C’est ainsi qu’un local a été mis à notre disposition dans le Musée de l’Armée et d’Histoire militaire.

Comment voyez-vous le « devoir de mémoire » pour le futur, à l’aube des montées des extrêmes dans le monde et de leur banalisation ?

Notre rôle est d’appeler à la vigilance et d’agir pour juguler le processus. Pour exemples récents, nous nous sommes portés partie civile dans l’affaire du salut hitlérien à Breendonk. Gunnar Verreycken (membre du groupe d’extrême droite « right wing resistance » et fils de Rob Verreycken membre du Vlaams Belang), qui en est l’auteur, a été condamné à une peine d’emprisonnement de 6 mois avec sursis et à une amende de 800 euros. Nous venons aussi d’envoyer une lettre recommandée au collège des bourgmestre et échevins de Zedelgem pour exiger la disparition du monument qui glorifie les SS lettons. En attirant l’attention de la jeune génération sur les méfaits de l’extrême droite et la banalisation de ses effets, nous tentons de préserver leur avenir. Nous devons, aujourd’hui plus que jamais, transmettre aux générations futures, le socle des valeurs fondatrices de l’Europe, à commencer par son exigence de la démocratie et du respect de la personne humaine.

Quel est le rôle de la sculpture et plus largement de la culture face à la barbarie ?

La sculpture donne une image de la souffrance et du malheur tandis que la culture permet une appréhension critique des événements et, surtout, d’échapper aux dogmes.

Chez les Grecs, une « ode » est un poème destiné à être chanté. Quel chant souhaiteriez-vous pour accompagner ce monument ?

Sans aucun doute, la Brabançonne.

Quid du financement ? Est-ce un financement public ou privé?

C’est un financement privé de la CNPPA soutenu par des donations.

Qui devient propriétaire de cette œuvre ?

L’œuvre sera offerte par la CNPPA au WHI propriétaire de Breendonk.

Propos recueillis par Eugénie Cortus