OPINION

Que faire face à la hausse des prix de l’énergie ?

Les réacteurs nucléaires Doel 3 et Doel 4 quand ils étaient encore en activité à Beveren (en Flandre orientale). Doel 3 est désormais éteint. BELGA

Depuis que la Belgique a fermé ses mines de charbon, elle doit importer toutes les énergies qu’elle consomme et est donc soumise aux variations des prix sur les marchés internationaux. Dans les produits manufacturés qu’il achète, le Belge n’a pas une idée précise de la part représentée par le prix de l’énergie, mais toute hausse est immédiatement perçue quand il s’agit du carburant qu’il achète pour se déplacer, des combustibles pour se chauffer et de l’électricité pour ses besoins ménagers.

Pour payer moins, la recette est connue, il suffit de consommer moins, moins se déplacer, moins se chauffer et réduire l’usage de tous les appareils électriques. Mais plutôt que d’appliquer cette recette, le Belge veut d’abord savoir pourquoi l’énergie est devenue plus chère.

La reprise économique qu’on observe dans presque tous les pays crée une demande qui se traduit toujours par une hausse des prix. Mais d’autres facteurs agissent sur la structure des prix, en particulier le passage des énergies fossiles à d’autres énergies émettant moins de CO2.

Les alternatives pour réduire les émissions de CO2

Le remplacement du charbon (qui émet 820 g de CO2/kWh d’énergie) par du gaz, qui n’émet que 490 g de CO2 par kWh, est une démarche louable, mais il conduit à une augmentation de la consommation mondiale de gaz, donc à une augmentation du prix du gaz.

Depuis le début de la révolution industrielle, le charbon a toujours occupé la première place à l’échelle mondiale sur le marché de l’énergie et tant qu’on remplacera le charbon par du gaz, le prix de celui-ci augmentera.

Si on veut réduire les émissions de CO2, il faut donc faire appel à des énergies qui en émettent moins :

  1. L’énergie hydraulique (24 g de CO2/kWh) contenue dans l’eau des fleuves et des rivières, mais il n’y a plus beaucoup de place en Belgique pour construire des nouveaux barrages.
  2. L’énergie nucléaire (12 g de CO2/kWh) injustement redoutée alors qu’elle n’a jamais tué personne dans le monde occidental et dont le dernier rapport de l’Agence Internationale de l’Énergie parle en ces termes : « L’électricité produite à partir de l’exploitation nucléaire à long terme (LTO) par la prolongation de la durée de vie est très compétitive et reste non seulement l’option la moins coûteuse pour la production à faible émission de carbone – par rapport à la construction de nouvelles centrales électriques – mais aussi pour l’ensemble de la production d’électricité. »
  3. L’énergie solaire (41 g de CO2/kWh), l’éolien offshore (12 g de CO2/kWh) et l’éolien on-shore (11 g de CO2/kWh) qui sont intermittentes et quand il n’y a pas ou pas assez de soleil et/ou pas ou pas assez de vent, il faut avoir recours à des centrales au gaz. Entre les années 1993 et 2012, l’Espagne a installé des panneaux solaires et des éoliennes pour une puissance totale de 25 MW, mais chaque installation a été précédée de centrales au gaz pour une puissance totale d’aussi 25 MW, parce que, quand il n’y a pas de vent et pas de soleil, on ne peut pas compter sur les 25 MW d’éolien et de solaire et on utilise donc les 25 MW de gaz. Et chaque fois qu’il faut recourir au gaz pour pallier les intermittences de l’éolien et du solaire, on crée des tensions sur les marchés internationaux et le prix du gaz augmente.

 

D’aucuns imaginent qu’en augmentant le nombre d’éoliennes et de panneaux solaires, on serait moins dépendant du gaz pour pallier l’intermittence de ces énergies.

Problèmes de stockage

D’aucuns imaginent qu’en augmentant le nombre d’éoliennes et de panneaux solaires, on serait moins dépendant du gaz pour pallier l’intermittence de ces énergies. Mais ce ne serait possible que si on pouvait stocker l’énergie produite par ces éoliennes et ces panneaux solaires aux moments où le réseau est incapable de les utiliser (demande inférieure à l’offre).

Le problème est que le stockage est très coûteux, que ce soit avec des batteries ou de l’hydrogène stocké dans d’immenses réservoirs. En outre, en ce qui concerne l’hydrogène, la conversion de celui-ci en électricité se fait avec un très mauvais rendement (3 fois moins bon qu’avec des batteries) si bien que si on veut s’assurer un stock permettant de couvrir les besoins de plus de quelques heures, on arrive très vite à des coûts impayables.

Pour stocker de grandes quantités d’électricité, le procédé le plus économique est celui des stations de transfert d’énergie par pompage (STEP). Avec un moteur électrique, on pompe de l’eau contenue dans un bassin inférieur vers un bassin supérieur et, quand on inverse le processus, le passage de l’eau du bassin supérieur vers le bassin inférieur se fait au travers d’une turbine qui entraîne une génératrice raccordée au réseau. Cette méthode exige de disposer de bassins pouvant contenir de grands volumes d’eau avec une différence suffisante d’altitude et le rendement du processus n’est pas trop mauvais : on récupère près de 75 % de l’énergie dépensée pour pomper l’eau vers le bassin supérieur.

En Belgique, nous avons une belle station de pompage-turbinage à Coo : la quantité d’eau mise en œuvre est de 8.450.000 m³ répartie entre deux bassins avec une différence d’altitude de 275 m. On peut y stocker 5.000 MWh restituables pendant environ 5 heures avec une puissance maximum de 1.164 MW.

En 2015, un projet avait été déposé pour construire un nouveau bassin de 5.000.000 m³ d’eau et deux nouvelles unités de 300 MW chacune, ce qui augmenterait de 3.000 MWh la capacité de stockage. Ce projet ne coûtait que 600 millions d’euros, mais a été abandonné à cause de ce prix jugé excessif. Il a été remplacé par un mini-projet pour rehausser de 2,72 m le niveau d’un des deux bassins supérieurs et augmenter de 84 MW la puissance des générateurs actuels. Au lieu de pouvoir augmenter de 3.000 MWh la capacité de stockage, on ne l’augmentera que de 425 MWh.

Pour stocker de grandes quantités d’électricité, le procédé le plus économique est celui des stations de transfert d’énergie par pompage (STEP).

Baisser la TVA à 6% ?

Ce changement de projets montre combien il est difficile de stocker l’électricité, tant le stockage est coûteux. J’avais proposé que le financement de toute construction d’éoliennes ou de panneaux solaires  ne soit autorisé que s’il était accompagné de moyens de stockage capables de stocker l’électricité pendant 24 heures, mais je n’ai jamais été entendu, parce que le prix du stockage augmenterait encore plus le prix des énergies renouvelables intermittentes, qui coûtent déjà très cher aux consommateurs.

Pour limiter l’impact de la hausse des prix de l’énergie, quelques amnésiques proposent de réduire de 21 à 6 % le taux de la TVA, comme si ce taux de 6 % était un taux « normal ». Au siècle dernier, dans les années ’80, le taux de la TVA sur le prix de l’énergie était de 17 % (et de 25 % sur la télédistribution). Le taux de 17 % a été progressivement augmenté pour atteindre 21 % en 1996. Ce n’est que le 01-04-2014 que le taux a été baissé à 6 % par le gouvernement Di Rupo pour éviter un saut d’index avant les élections du 25-05-2014 ; le temps de voter et de former un nouveau gouvernement (Michel 1), le taux de la TVA est revenu à son taux historique de 21 % le 31-08-2015.

Jacques MARLOT, Ingénieur