PRESSE

Le premier Prix Daphne Caruana Galizia au consortium de journalistes Forbidden Stories


Ce 14 octobre, le Prix Daphne Caruana Galizia pour le journalisme 2021 a été décerné aux journalistes du projet Pegasus placé sous l’égide du consortium Forbidden Stories. La remise de ce prix décerné pour la première fois s’est déroulée au centre de presse du Parlement européen et a été ouverte par le Président David Sassoli.  Le Prix Daphne Caruana Galizia a été créé à la suite d’une décision du Bureau du Parlement européen en décembre 2019 pour rendre hommage à Daphne Caruana Galizia, journaliste et blogueuse d’investigation maltaise spécialisée dans les questions de corruption qui a été tuée dans un attentat à la voiture piégée en 2017.

Ce Prix récompense  « un journalisme d’excellence qui promeut et défend les valeurs et principes de l’Union européenne : dignité humaine, liberté, démocratie, égalité, Etat de droit et droits de l’homme ».

En 2019, le Bureau du Parlement européen décidé que Ce prix récompenserait désormais chaque année (autour du 16 octobre, date de l’assassinat de Daphne Caruana Galizia) un journalisme d’excellence qui promeut et défend les valeurs et les principes de l’UE, comme la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l’égalité, l’État de droit et les droits de l’homme. Cette année est la première édition de ce prix. Entre le 22 juin et le 1er septembre 2021, plus de 200 journalistes originaires des 27 États membres de l’UE ont soumis leurs articles de presse aux juges. En tant que représentant des 29 membres du jury européen, le secrétaire général de la Fédération internationale des journalistes, Anthony Bellanger, a remis le prix d’une valeur de 20 000 euros aux représentants du consortium, Sandrine Rigaud et Laurent Richard (photo ci-dessus).

Le lauréat 2021

Forbidden Stories est un consortium de journalistes dont la mission consiste à poursuivre les enquêtes de journalistes assassinés, emprisonnés ou menacés. Depuis sa création en 2017, Forbidden Stories et ses partenaires ont poursuivi les travaux de Daphne Caruana Galizia, mais aussi de journalistes assassinés parce qu’ils enquêtaient sur des crimes contre l’environnement ou sur des cartels mexicains.

Composé de plus de 30 organes de presse partenaires dans le monde et près de 100 journalistes, Forbidden Stories s’appuie sur un réseau qui croit fermement en un journalisme collaboratif. Le consortium a gagné pour son travail accompli des prix prestigieux à l’international, dont le prix de la presse européenne et le prix Georges Polk.

L’article gagnant : « Pegasus: la nouvelle arme mondiale qui fait taire les journalistes – Forbidden Stories »

De quoi s’agit-il ?

Une fuite sans précédent de plus de 50 000 numéros de téléphone surveillés par les clients de l’entreprise israélienne NSO Group montre à quel point cette technologie est utilisée depuis des années de manière abusive. Le consortium Forbidden Stories et Amnesty International ont eu accès à des listes de numéros de téléphone sélectionnés par les clients de NSO dans plus de 50 pays depuis 2016.

Les journalistes du projet Pegasus – plus de 80 reporters travaillant pour 17 médias, dans dix pays, que Forbidden Stories coordonne et qui bénéficient du soutien technique du laboratoire de sécurité d’Amnesty International – ont passé au crible ces listes de numéros de téléphone et ont réussi à avoir un aperçu de cette arme de surveillance, ce qui n’avait jamais été possible à cette échelle. Le consortium Forbidden Stories a découvert que, contrairement à ce qu’affirmait le groupe NSO depuis des années, y compris dans un récent rapport de transparence, le logiciel espion avait été très largement utilisé à mauvais escient. Les données qui ont fuité ont révélé qu’au moins 180  journalistes avaient été visés dans plusieurs pays, notamment l’Inde, le Mexique, la Hongrie, le Maroc et la France. Les cibles potentielles incluent également des défenseurs des droits de l’homme, des universitaires, des hommes et femmes d’affaires, des avocats, des médecins, des dirigeants syndicaux, des diplomates, des responsables politiques et plusieurs chefs d’État.

201 violations graves de la liberté des médias répertoriées en 2020. Ce chiffre représente une augmentation de 40% par rapport à 2019

Daphne Caruana Galizia était une journaliste maltaise, bloggeuse et militante anti-corruption qui a couvert de manière exhaustive les affaires de corruption, de blanchiment d’argent, de crime organisé, de ventes de citoyenneté ainsi que les liens entre le gouvernement maltais et les Panama Papers. Après avoir été menacée et harcelée à plusieurs reprises, elle est morte assassinée dans l’explosion de sa voiture le 16 octobre 2017.

Le tollé suscité par la gestion de l’affaire par le gouvernement maltais a conduit à la démission du Premier ministre Joseph Muscat. Se montrant critiques face aux manquements de l’enquête, les députés ont exhorté la Commission à agir en décembre 2019.

Dans un rapport publié le 28 avril 2021, la « Plateforme pour la promotion de la protection du journalisme et la sécurité des journalistes » du Conseil de l’Europe a répertorié 201 violations graves de la liberté des médias en 2020. Ce chiffre représente une augmentation de 40% par rapport à 2019 et est le plus élevé enregistré depuis la création de la plateforme en 2014. Un nombre record d’alertes concernait des agressions physiques (52 cas) et des cas de harcèlement ou d’intimidations (70 cas).

Le Parlement européen promeut sans relâche l’importance de la liberté de la presse et, à travers une résolution adoptée en mai 2018, a appelé les pays de l’UE à assurer un financement public suffisant de la presse, tout en soutenant son indépendance, sa liberté et son pluralisme. Le Parlement a réitéré l’importance de la liberté des médias dans le cadre de la pandémie de la Covid-19.

Un Prix défenseur de la liberté de la presse

Le prix Daphne Caruana Galizia est ouvert aux journalistes et équipes de journalistes professionnels de toute nationalité qui ont eu la possibilité de soumettre des articles détaillés, publiés ou diffusés par des médias basés dans l’un des 27 États membres de l’UE. L’objectif est de soutenir et de mettre en lumière l’importance d’un journalisme professionnel qui protège la liberté, l’égalité et les chances de chacun. Le jury indépendant était composé de représentants de la presse et de la société civile des 27 États membres et de représentants des principales associations européennes de journalisme.

Ce prix, ainsi que la récompense de 20 000 euros, témoignent du soutien ferme du Parlement européen au journalisme d’investigation et de l’importance de la liberté de la presse.

R.K.

Photo: Daphne Caruana Galizia