POLICE/JUSTICE

Baldwin Vs Lee : Pourquoi un air tragique de déjà vu à l’ère du numérique ?

AFP

Quatre jours après le tir d’Alec Baldwin ayant fatalement touché la directrice de la photographie Halyna Hutchins (42 ans) sur le set du western « Rust » en préparation au Nouveau Mexique, les appels se multiplient à Hollywood pour bannir l’usage d’armes à feu sur les plateaux de tournage. Si l’enquête met hors de cause l’acteur et se concentre sur Hannah Gutierrez Reed, la jeune armurière, comment une arme chargée a-t-elle pu se retrouver comme élément de décor ? C’est la question que se sont également posé les enquêteurs lors du décès accidentel de Brandon Lee, le fils de Bruce, mort à 28 ans, en 1994, sur le plateau du film The Crow. Si le drame survenu il y a 20 ans trouve ses explications, comment cela peut-il encore se produire à l’ère du numérique est des effets spéciaux ?

Une vue aérienne du plateau de tournage du Bonanza Creek Ranch, dans le comté de Santa Fe (Nouveau-Mexique), où Alec Baldwin a accidentellement tué la directrice de la photographie avec un pistolet d’appoint, jeudi 21 octobre dernier – copyright Facebook

Alec Baldwin répétait une scène où il devait dégainer un revolver et le pointer vers l’objectif de la caméra lorsqu’un bruit sourd a surpris toute l’équipe. Le réalisateur du film, Joel Souza, a décrit avoir entendu ce qui ressemblait à « un coup de fouet, puis un bruit sec ». Il a ensuite vu Halyna Hutchins, la directrice de la photographie, se plier en deux et s’agripper à son ventre ensanglanté. Elle décèdera quelques heures plus tard de ses blessures à l’hôpital.

Une pétition en ligne interpelle directement Alec Baldwin à « utiliser son pouvoir et son influence » dans l’industrie et à promouvoir une « loi d’Halyna »

D’après l’IATSE, l’Alliance internationale des employés de scène, de théâtre et de cinéma, une balle réelle est restée dans le chargeur de l’arme utilisée comme accessoire par Alec Baldwin, ce que semble confirmer l’enquête.
Sur les plateaux de tournage, l’ordre des personnes qui manipulent une arme implique généralement une séquence bien précise. La jeune armurière en chef Hannah Gutierrez-Reed pourrait ne pas avoir été assez bien préparée pour ce poste. Le rôle de l’assistant-réalisateur Dave Halls, qui devait faire un double check de la « cold gun » (NDLR : comprenez « arme factice » dans le jargon cinématographique) et qui l’a donnée à Alec Baldwin, est aussi mis en cause. Les cartes mémoires des caméras ont été saisies pour les besoins de l’enquête sur un terrible drame qui sonne pourtant le déjà-vu.

Retour vers le futur

Le 30 mars 1994, Brandon Lee doit filmer une scène où Funboy (Michael Massee), l’un des protagonistes du film « The Crow », doit tirer sur son personnage. Chacun joue son rôle et sous les yeux de la production, le comédien de 28 ans s’écroule à terre, mais ne se relève pas lorsque le réalisateur crie « coupez ! ».  Grièvement blessé au ventre, l’acteur est transporté aux urgences de l’hôpital de Wilmington. Il y décèdera le lendemain.
Les rumeurs les plus folles entoureront son décès, attribué par certains complotistes à une vengeance de la mafia chinoise. Le procureur en charge de l’enquête conclura à une « négligence technique ». Le film, quant à lui, sortira tout de même en salles le 13 mai 1994. Le parfum de tragédie qui l’entoure a contribué à son statut d’œuvre culte.


Brandon Lee – 1991 – Copyright Facebook Fan page

Aucune excuse aux armes réelles

La disparition tragique de Halyna Hutchins a conduit de nombreux acteurs d’Hollywood à se demander pourquoi de vraies armes à feu sont encore utilisées sur les plateaux de tournage alors que des ordinateurs peuvent recréer des coups de feu tout aussi réels en post-production. Une pétition sur le site change.org appelant à l’interdiction des armes à feu réelles sur les tournages récolte déjà plus de 20.000 signatures.

« Il n’y a aucune excuse pour qu’une chose comme cela se produise encore au 21ème siècle », affirme le texte publié par Bandar Albuliwi, scénariste et réalisateur. « Ce n’est pas le début des années 90 lorsque Brandon Lee a été tué de la même manière. Un changement doit intervenir avant que d’autres vies talentueuses ne soient perdues », précise-t-il. « Il n’y a plus de raison d’avoir même des armes à feu chargée à blanc. Elles devraient être complètement interdites. Le numérique permet de reproduire des coups de feu à l’identique, voire mieux ».

La pétition interpelle également directement Alec Baldwin à « utiliser son pouvoir et son influence » dans l’industrie et à promouvoir une « loi d’Halyna » (NDLR : du prénom de la directrice de photographie décédée) qui interdirait l’utilisation d’armes à feu réelles sur les plateaux de tournage.

Conséquence d’un film à tout petit budget ?

Depuis les faits, les conditions de travail sur les plateaux de tournage américains sont aussi décriées. « Rust », un film aux conditions de travail déplorables ? C’est l’autre question à laquelle devront répondre les enquêteurs. D’après une enquête réalisée par le Los Angeles Times, la sécurité de certains tournages est plus qu’alarmante. La cause ? Des budgets serrés en comparaison à ceux des grandes productions hollywoodiennes.

« Les gens travaillent de longues heures sur les films et sont plus qu’épuisés. La présence d’armes réelles décuple le risque d’un accident dans ces conditions de fatigue ». Outre les autorités de Santa Fe, le bureau de la santé et de la sécurité au travail du Nouveau-Mexique est également chargé d’enquêter sur un éventuel abus de droit au travail. Il pourra notamment imposer des sanctions civiles dans le cadre d’un accident professionnel s’il s’avère que la sécurité sur le lieu de travail n’a pas été assurée.