INTERNATIONAL

Kamala Harris, l’icône espérée du changement, fait place à la déception

AFP

La vice-présidente américaine séjourne pour quelques jours dans la capitale française. Suite aux récentes tensions entre les deux pays, de leurs déclarations respectives, Emmanuel Macron et Kamala Harris saluent « une nouvelle ère » pour les relations franco-américaines et soulignent la nécessité d’une coopération « cruciale » entre la France et les États-Unis. Après une première année en fonction, au pays de l’Oncle Sam, l’enthousiasme initial suscité par l’accession d’une femme afro-américaine à la vice-présidence des États-Unis retombe cependant quelque peu. Alors que Joe Biden, arrivé au pouvoir en période de crise, est salué pour son plan de relance au point d’être régulièrement comparé à Franklin D. Roosevelt, sa vice-présidente semble plus en retrait. Le bilan pour sa première année de fonction est plutôt mitigé. Explications.

Le 7 novembre 2020, le moment est historique. Kamala Harris prend la parole lors d’une soirée habituellement réservée au président élu. Une surprise protocolaire qui témoigne de son poids dans l’élection présidentielle, mais qui laisse aussi, selon certains observateurs, présager de sa future importance à la Maison-Blanche. Un an plus tard, après avoir brisé tous les plafonds de verre, plusieurs médias américains s’interrogent. « Qu’est-il arrivé à Kamala Harris ? », peut-on notamment lire sur Le Los Angeles Times. On pensait que chacun de ses actes posés serait sans précédent et mériterait une attention particulière et une large couverture médiatique. Il n’en est rien ou si peu.

Depuis près d’un an, Kamala Harris reste largement effacée des activités quotidiennes de Washington. « Une partie de la réponse est simple, ce qui est arrivé à Harris, c’est qu’elle est devenue vice-présidente, une position de N°2 ingrate », explique Elaine C. Kamarck, directrice du Center for Effective Public Management à la Brookings Institution. Spécialiste de la politique électorale américaine et des réformes gouvernementales aux États-Unis, elle est également auteure d’un livre récent sur la fonction de vice-président, Picking the Viced President.

AFP

Kamala Harris pose pour un selfie à la cérémonie de l’Arc de Triomphe à Paris ce 11 novembre à l’occasion des commémorations du 103ème anniversaire de l’Armistice.

Un carcan constitutionnel

Et pourtant, pionnière en série, Kamala Harris a été la première femme et la première personne de couleur à devenir procureure générale de Californie. Elle sera également la première sénatrice originaire d’Asie du Sud et ensuite la première fille d’un père jamaïcain et d’une mère indienne à accéder à la vice-présidence américaine.
Depuis novembre 2020, elle n’a toutefois pas réussi à faire voler en éclats le carcan des usages politiques et les fondamentaux de la Constitution américaine. « Une vice-présidence réussie, cela n’existe pas. Les vice-présidents brillent ou déclinent en fonction du président qu’ils servent », développe Elaine C. Kamarck dans ses écrits. « Longtemps, la blague a d’ailleurs été de dire que le vice-président est celui qui va aux enterrements de personnalités à la place du président pour y déposer les chrysanthèmes en hommage ».
Et de préciser : « pratiquement tous les vice-présidents américains paraissent plus petits qu’avant lorsqu’ils acceptent le poste. Il n’y a que deux exceptions dans l’histoire du pays : Al Gore qui a pris en charge des fonctions importantes sous la présidence de Bill Clinton et, vingt ans plus tard, Dick Cheney, qui a joué un rôle important dans l’orientation de la défense et de la politique étrangère sous la présidence de George W. Bush. Son influence donnera d’ailleurs lieu à un film, tant il aura marqué les esprits ».

Se préparer à une présidence

Il y a un an, les attentes du peuple américain à l’égard de Kamala Harris étaient dupliquées et accrues, principalement en raison de son élection inédite. Selon l’experte américaine, elle ne révolutionnera sans doute pas le cours de l’histoire politique aux Etats-Unis. « L’une des principales exigences du poste consiste à se tenir à l’écart des projecteurs, sauf lorsqu’il s’agit de soutenir le président et son programme. Et même si Joe Biden déjeune avec Kamala Harris une fois par semaine et que ses services mettent un point d’honneur à toujours évoquer, dans leur communication, les décisions de l’administration Biden-Harris, cela devient immanquablement ‘l’administration Biden’ sous la plume ou dans la voix des journalistes ».

Kamala Harris multiplie pourtant les déplacements, y compris à l’étranger. Elle fait des discours, elle préside des cérémonies et elle reçoit des personnalités. Mais pour Elaine C. Kamarck, « pour sortir de l’ombre du bureau ovale et de la fonction effacée de N°2, il lui reste à présent trois ans, voire sept, pour apprendre les ficelles de la Maison-Blanche, hors de vue et hors de l’esprit, principalement en vue d’une éventuelle course à la Présidence ».