ROYAUME-UNI

Le Parti Conservateur secoué par des affaires de corruption

Le Premier ministre Boris Johnson est poussé vers la sortie. AFP

Depuis 2010, le Parti conservateur est au pouvoir au Royaume-Uni. Il est considéré à juste titre comme le parti pionnier de la vie politique britannique. Actuellement, il est sous tension après que de nombreux parlementaires aient été rémunérés par des entreprises, parfois en enfreignant les règles du lobbying rémunéré.

Début novembre, le gouvernement a tenté d’influencer les députés à voter une nouvelle mesure afin d’éviter à Owen Paterson une suspension de 30 jours comme le recommande le Comité des Normes du Parlement. Car Paterson avait enfreint les règles du lobbying.

À la place, les parlementaires ont demandé en urgence un remaniement des normes de travail des députés.

Initialement, ils avaient le soutien du 10 Downing Street, mais le gouvernement est revenu sur sa décision après une réaction furieuse des députés de l’opposition et de certains conservateurs.

Face au tollé général, le gouvernement a fait volteface et a présenté ses excuses.

Ensuite M. Paterson a démissionné de son poste de député du North Shropshire, affirmant qu’il souhaitait une vie « en dehors du monde cruel de la politique ». Et, pour représenter les intérêts au parlement, Owen Paterson, ami de Boris Johnson, a reçu £110.000 Livres. Auparavant, le gouvernement de Boris Johnson avait déjà été entaché par de nombreux scandales et notamment pendant la pandémie. Plus, récemment, l’appartement du 10 Downing Street a subi une mise en beauté grâce aux précieux dons d’un généreux donateur.

Comment se finance le parti politique au pouvoir ?

Outre-Manche, le parti politique est essentiellement financé par des donateurs privés ou des entreprises. Il était même encouragé que les députés trouvent un deuxième emploi afin de conserver leur train de vie. Des chiffres récents ont révélé que 200 d’entre eux ont reçu des revenus au cours de la dernière année en plus de leur salaire annuel de £81.932. Cela allait de £50.000 par an à près de 1 million de livres sterling. Mais aujourd’hui Boris Johnson prévoit d’interdire aux députés de travailler en tant que consultant rémunéré.

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Le leader britannique de la Chambre des communes, Jacob Rees-Mogg, arrive pour une réunion du cabinet régional chez Rolls Royce à Bristol, dans le sud-ouest de l’Angleterre, le 15 octobre 2021.

Et d’autres révélations

 Comme un effet de dominos, de nouveaux scandales ont secoué le Parti Conservateur après l’affaire Owen Paterson. C’est le tour du député Conservateur, Geoffrey Cox d’être dans l’œil du cyclone. Depuis le 5 mai 2005, il a un deuxième emploi très loin de sa circonscription, de Torridge et du Devon occidental. Ancien procureur général du Royaume-Uni et conseiller du gouvernement des Îles Vierges britanniques, un paradis fiscal des Caraïbes, qui l’a rémunéré à plus de £900.000 (un million d’euros). Actuellement, son travail en tant que député lui rapporte déjà un salaire de £81.900 par an. Pour l’instant, ce deuxième emploi est autorisé en Angleterre.

Mais ces révélations choquent de nombreux Britanniques notamment sur les soupçons de corruption. Car le scandale Owen Paterson révélé la semaine dernière, a mis les deuxièmes emplois des députés sur le devant de la scène.

Ce dimanche 14 novembre, le Daily Mail a révélé que le leader de la Chambre des Communes, Jacob Rees-Mogg aurait omis de déclarer des emprunts de £6 millions.

Et le député conservateur du nord-est du Bedfordshire, Richard Fuller, 59 ans possède 4 emplois, et a reçu plus de £700.000 de travail supplémentaire avec une énorme part provenant d’une entreprise qui investit dans la technologie d’espionnage en Chine.

Monsieur Richard Fuller est directeur consultatif pour Investcorp. La société de capital-investissement lui a versé plus de £300.000 alors qu’il était député. Investcorp a aidé à financer une entreprise qui travaillait pour le gouvernement chinois sur des systèmes de surveillance capables de suivre les musulmans ouïghours opprimés. Fuller, a également siégé à une commission parlementaire qui a examiné le traitement réservé aux Ouïghours au Xinjiang – et a recommandé des amendes aux entreprises britanniques utilisant des chaînes d’approvisionnement liées à la province.

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Le secrétaire britannique à l’Éducation, Nadhim Zahawi, quittant Downing Street après avoir assisté à une réunion du gouvernement.

Et, tout récemment, l’actuel ministre de l’Education, Nadhim Zahawi a encaissé £1,3 million de livres sterling auprès d’une compagnie pétrolière, qui comprenait un « paiement de règlement » final de 285.000 livres sterling, après être devenu ministre du gouvernement pour la première fois en 2018.

Critiques de l’opposition qui demande une enquête 

 La chef adjointe du parti travailliste, Angela Rayner, a déclaré : « Le scandale de corruption qui a englouti le Parti conservateur s’aggrave de jour en jour ». Pour la députée libérale démocrate Wendy Chamberlain, une ancienne policière à l’initiative du débat, sur la BBC, « Il y a assurément des conflits d’intérêts qui doivent être examinés ». Son parti a appelé à une enquête indépendante sur les accusations de corruption et d’« immoralité » visant l’exécutif.

Les tabloïds descendent en flamme Boris Johnson 

Depuis quelques jours, The Daily Express critique le Premier ministre sur cette affaire de corruption. Les médias au Royaume-Uni appellent cela le « Sleaze ». Mardi 9 novembre 2021, en revanche, le tabloïd pro Brexit le somme de s’excuser pour avoir essayé de dissoudre une commission parlementaire anticorruption qui a sanctionné l’un de ses proches – et qui pourrait enquêter sur ses affaires à lui.

Après plusieurs affaires de corruption (sleaze) dans son parti conservateur – et surtout sa tentative échouée de forcer ses propres députés à dissoudre la commission parlementaire anticorruption pour se protéger lui-même, Boris Johnson dégringole dans les sondages. Le Labour devance les Tories.

Car Boris Johnson est lui-même concerné par la corruption avec ses propres vacances payées par des amis milliardaires. Ce « sleaze » nous rappelle cette affaire de corruption qui fit chuter le gouvernement de John Major en 1997. Boris Johnson ira-t-il dans cette même direction ?

Actuellement, le financement du parti politique au pouvoir en Angleterre est très différent de celui des partis en Belgique. En effet, la Belgique est passée d’un système totalement déréglementé, à un financement public des groupes politiques représentés dans les parlements.

Les partis politiques en Angleterre seront-ils un jour sur les traces des partis politiques belges ?

Alexander SEALE (à Londres)