LITTTERATURE

Les rêves d’ailleurs d’un monstre sacré


Certaines personnes sont clivantes, elles sont à la fois adorées par les uns et détestées par les autres. Gérard Depardieu fait sans aucun doute partie de cette catégorie. Ses excès, qu’il reconnaît d’ailleurs, sont parfois bien trop médiatisés. Parfois même plus que ses qualités d’acteur qui, il faut l’avouer, sont parfois devenues discutables. Cependant, il y a un aspect de l’homme qui, en général, met tout le monde d’accord au niveau de son talent, c’est sa plume. « Ailleurs », signé Gérard Depardieu fait partie de ces récits qui ne laissent pas indifférents. On n’en sort pas indemne. Avec un maniement indéniable des mots, le double Césarisé prend véritablement le lecteur par la main pour l’emmener en voyage.

Découvrir et Rencontrer

Dan cet ouvrage, Gérard Depardieu, l’auteur, invite à un voyage au sens propre tout d’abord. Toujours en mouvement, le Christophe Colomb de Ridley Scott parcourt le monde d’un bout à l’autre. Il part à la rencontre des peuples, hors des sentiers battus, et non dans les traditionnels circuits touristiques, « dans les cinq ou six destinations bien confortables, avec juste ce qu’il faut d’exotisme ».  Il va là où les autres ne vont pas, quitte à choquer parfois. C’est ainsi qu’on peut le retrouver en Corée du Nord, en Tchétchénie ou au Kazakhstan. Ce qui compte pour lui, c’est d’être en contact avec la population.

Parmi les nombreuses contrées traversées, il clame également son admiration pour l’Ethiopie, un pays qui n’a jamais été colonisé et qui a gardé toute son âme. « C’est en perdant tous tes repères que tu peux vraiment commencer à vivre un pays », il aime donc par-dessus tout ces pays qui n’ont pas encore été occidentalisés.

L’autre voyage auquel Gérard Depardieu nous invite est plus intérieur. Philosophe, il estime que « L’aventure, c’est aller plus loin. Et avant tout en soi-même. C’est un chemin à l’envers. Il faut passer un sas en soi. Pour être plus libre encore ». On apprend ainsi que le petit Gérard n’était pas souhaité par ses parents, sa mère a tenté d’avorter mais « j’ai résisté aux aiguilles à tricoter ». Donc dès avant sa naissance, cette force de la nature s’est battue pour forcer un destin qui aurait pu être tout autre, voire inexistant tout simplement. Quelle trajectoire…

Un éternel curieux

C’est sans doute ces débuts très compliqués qui expliquent qu’il vit constamment l’Instant, il croque la Vie, il vit SA Vie et se fout complètement de ce qu’on peut bien penser de lui. Il ne veut jamais voir le passé avec nostalgie négative et se dire que c’était mieux avant. Il va toujours de l’avant, tout en profitant du moment présent. La curiosité et la joie sont ses moteurs. Comme un enfant, garder sa capacité d’étonnement lui est indispensable. Un des chapitres s’appelle d’ailleurs « Sans arrêt renaître », tout est dit.

A la fin du livre, l’auteur se fait un peu plus sombre et dépité face au visage qu’offre aujourd’hui l’humanité. Tel un Jacques Brel ou un Antoine, il ne serait pas étonnant de le voir un jour s’éloigner du tumulte de la vie moderne et revenir de temps en temps faire l’acteur pour le plaisir… toujours pour le plaisir…

 

Frédéric VOLON

Gérard DEPARDIEU, AILLEURS, J’ai Lu, Octobre 2021.