FRANCE

Présidentielle 2022 : les grandes manœuvres ont commencé…

Eric Zemmour lors du serment de Villepinte a décoché ses premières flèches à Valérie Pécresse et à Emmanuelle Macron. Photo de notre envoyé spécial Philippe Bourguet à Villepinte.

En sortie de ce premier week-end de décembre 2021, une certitude s’impose : pour l’élection de la présidentielle des 10 et 24 avril 2022, les grandes manœuvres ont véritablement commencé. Trois événements l’ont confirmé : l’élection de Valérie Pécresse pour représenter le LR (Les Républicains) et les premiers meetings publics de Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise) et d’Eric Zemmour. Ainsi, à ce jour, on connaît le nom de tous les candidats à cette prochaine élection présidentielle, sauf un, même s’il est acquis que, en février, Emmanuel Macron, l’actuel Président de la République, devrait annoncer sa candidature et briguer ainsi un second mandat.

Donc, le temps des grandes manœuvres… A gauche, les « poids lourds » ne pèsent plus vraiment lourd. Ainsi, dans les sondages, le mieux placé est Jean-Luc Mélenchon, bien en dessous des 10% d’intentions de vote (en 2017, il avait frôlé les 20% et finit 4ème), Yannick Jadot (EELV- Europe Ecologie Les Verts) doit faire face à une pollution interne dans son parti et la maire de Paris, Anne Hidalgo (Parti Socialiste), a été investie par un parti en quasi encéphalogramme plat… et, évoquée un temps, une candidature unique pour la gauche est désormais hors sujet.

Les Républicains déjà en discorde

Les observateurs et autres politologues évoquent, quant à eux, une droitisation de la France. Si l’on fait l’addition des intentions de votes LR- RN (Rassemblement National) et Eric Zemmour, on arrive à un total variant, selon les instituts, entre 45% et 50%. Mais là aussi, pas question d’une candidature unique pour briguer la succession d’Emmanuel Macron. Ainsi, ce week-end des 4 et 5 décembre 2021, il y eut d’abord, chez LR à l’issue du congrès et du vote réservé aux seuls militants, la victoire de Valérie Pécresse (61% des suffrages) face à Eric Ciotti (39%). Dans le parti Les Républicains, la gagnante représentait la droite modérée, le perdant la droite assumée- et flirtant, pour nombre de sujets, avec le RN de Marine Le Pen et le mouvement d’Eric Zemmour.

Le message lancé hier par Valérie Pécresse n’est pas le bon.

Evidemment, dans la foulée des résultats, autour de leur président Christian Jacob et les trois vaincus du premier tour (Michel Barnier, Xavier Bertrand et Philippe Juvin), la gagnante et le perdant ont juré que, pour la campagne de la présidentielle, ils formeront un bloc uni, soudé, inattaquable. Les militants LR ne demandaient qu’à les croire ! Mais patatras, dans la foulée de sa défaite, Eric Ciotti recevait une lettre d’Eric Zemmour lui faisant part de son amitié indéfectible et que ses sympathisants avaient toute leur place dans son mouvement. Et Ciotti en a remis une couche dans la journée de ce 5 décembre en lançant : « Le message lancé hier par Valérie Pécresse n’est pas le bon ». Et Pécresse, de répondre : « C’est mon projet qui a été choisi par les militants… Je vais rassembler tous mes amis de droite et Eric Ciotti aura toute sa place dans ma campagne ». Mais déjà, les dirigeants de LR s’interrogent : Eric Ciotti ne serait-il pas le « meilleur ennemi » de Valérie Pécresse qui ne cesse d’affirmer : « Je vais battre Emmanuel Macron »…

AFP

La candidate LR à l’élection présidentielle de 2022 Valérie Pécresse (au centre) s’exprime alors qu’elle est applaudie par le président du parti Les Républicains (LR) Christian Jacob (À droite) et le candidat Eric Ciotti (à droite).

Zemmour menace Les Républicains

Et le LR ne cache pas un autre souci : il s’appelle Eric Zemmour. Commentaire de Jean-Yves Camus, directeur de l’Observatoire des radicalités politiques à Paris : « Il faut, au plus vite, une réflexion chez LR ». Parce que depuis qu’’Eric Zemmour,  journaliste politique pendant plus de trente ans, puis polémiste, a annoncé sa candidature à l’élection présidentielle 2022, le 30 novembre dernier, et qu’il a tenu son premier meeting public ce 5 décembre à Villepinte (Seine-Saint-Denis) devant plus de 10.000 sympathisants et quelques soutiens proches de l’extrême-droite et de Jean-Marie Le Pen, quand ce n’est pas de la droite extrême, il semble avoir le vent en poupe.
Accompagné depuis quelques mois par Génération Z et Les Amis d’Eric Zemmour, il est monté haut dans les sondages (près de 20% d’intentions de vote pour), après quelques ratages,  il est redescendu et stationne entre 13% et 15% d’intention de vote.
Dans un discours qu’il a qualifié de « serment de Villepinte », pendant une heure et vingt minutes, il a beaucoup parlé de lui, présenté quelques mesures qu’il adopterait immédiatement après avoir été élu en prenant soin de préciser : « Tout au long de cette campagne, je continuerai de révéler mon projet » (une façon implicite d’avouer qu’il n’a pas encore un projet global et entier ?) et surtout tapé ses trois plus importants adversaires pour avril 2022 : Marine Le Pen, Valérie Pécresse et Emmanuel Macron.

La « Reconquête » en marche

Eric Zemmour n’a jamais caché qu’il est convaincu que la candidate du RN qui se présente pour la troisième fois consécutive à l’élection présidentielle n’a aucune chance de victoire et fait de grands appels du pied aux électeurs RN pour rejoindre son parti présenté officiellement ce 5 décembre et appelé Reconquête. Valérie Pécresse, il l’a habillée pour l’hiver avec un costume taillé sur mesure : « Elle se présente comme l’héritière de Jacques Chirac. Mais Chirac est ce président qui a beaucoup promis mais jamais tenu ses promesses. Il ne faut rien attendre d’autre de Valérie Pécresse… », et surtout il a renouvelé son appel aux adhérents LR qui ont voté Eric Ciotti : « Je tends la main aux LR dont beaucoup sont représentés par mon ami Eric Ciotti »…

Dans ces grandes manœuvres à peine commencées, Eric Zemmour, invité par Marine Le Pen à rejoindre le RN, s’en est pris aussi au Président de la République en fonction, Emmanuel Macron, même si celui-ci n’a pas encore fait acte de candidature. En fin du « serment de Villepinte », le candidat de Reconquête a joué l’offensive- avec tacles au niveau des chevilles : « La personne d’Emmanuel Macron ne nous intéresse pas parce qu’elle est inintéressante… Il est personne, il n’y a personne, il n’y a rien… Il est le grand vide. En 2017, la France a élu le néant et elle est tombée dedans… Nous remplacerons le petit Macron par la grande Nation »…

Le président Emanuel Macron lors d’un discours en juillet dernier. (Photo Ludovic MARIN / AFP)

« Ensemble citoyens » prépare le terrain pour le futur candidat Macron

Et dans tout cela, sait-on seulement si Emmanuel Macron sera candidat à sa succession ? Dans tous les sondages, il arrive en tête au premier tour et gagne au second quel que soit son adversaire. Il ne cesse de faire savoir que, jusqu’à la fin de son mandat, il présidera même si, hier lors de son meeting à La Défense, près de Paris, Jean-Luc Mélenchon a lancé : « Emmanuel Macron doit accepter le débat, il n’est pas au-dessus de la fonction ».

Mais dans l’entourage du Président, on confie que, s’il brigue un second mandat, il l’annoncera, à l’image de François Mitterrand en 1988, au plus tôt deux mois avant l’élection d’avril 2022. En attendant cette possible, voire certaine annonce, les proches et sympathisants mettent en place la logistique. Ainsi, le 29 novembre dernier, La République en marche (le parti d’Emmanuel Macron) et les partis de la majorité présidentielle ont lancé leur mouvement commun, baptisé « Ensemble citoyens ». Avec un objectif précis pour cette « maison commune » : occuper le terrain et l’espace médiatique, assurer une rampe de lancement à Emmanuel Macron et permettre sa réélection. Les grandes manœuvres ont vraiment débuté !

Serge BRESSAN (à Paris)