JUSTICE

Thérapie de conversion : Le point à l’Europe d’une violence LGBTphobe


Les associations françaises Mousse et Stop Homophobie portent plainte contre Le Salon Beige, un site internet catholique, pour « incitation à la violence LGBTphobe ». La plateforme est accusée d’inciter dans une récente publication à pratiquer des « thérapies de conversion sur les personnes inverties pour qu’elles retrouvent un comportement normal ». Depuis 2005, Le Salon Beige a publié quelque 2.044 articles systématiquement hostiles aux personnes LGBTI et à l’avancée de leurs droits. Le phénomène n’est pas exclusivement français. Dans toute l’Europe, elles sont exposées à des pratiques non scientifiques et homophobes pour tenter de changer leurs identités.

Le 14 septembre 2021, Le Salon Beige a publié un énième article intitulé « Il est interdit de quitter la secte LGBT ». Dans celui-ci, les personnes LGBTI sont qualifiées de « personnes inverties » faisant partie d’une « secte » et ayant des « tendances contre-nature » qui devraient être « maîtrisées » afin que ces personnes « retrouvent un comportement normal ». LeSalonBeige.fr invite aux thérapies de conversion. Ce vendredi 17 décembre, Mousse et STOP homophobie portent plainte contre le site d’actualité.

Plusieurs pays ont ainsi débuté un travail législatif, mais le changement s’opère lentement

Une thérapie de conversion, parfois appelée thérapie de réorientation sexuelle ou thérapie réparatrice par ses défenseurs, est un ensemble de traitements pseudo-scientifiques d’origines diverses utilisés dans le but controversé de tenter de changer l’orientation sexuelle d’une personne de l’homosexualité ou de la bisexualité à l’hétérosexualité. D’abord nées aux Etats-Unis à la fin des années 1970, elles se sont peu à peu répandues en Europe. Concrètement, elles peuvent se traduire par plusieurs modes d’action biologiques (médicaments et traitements stéroïdes), psychothérapeutiques ou confessionnels (la guérison est prônée par l’abstinence).

Il n’y a rien à guérir !

Le consensus est pourtant international. Il n’y a rien à guérir. L’Organisation des Nations Unies s’est prononcée en 2015 (https://news.un.org/en/story/2015/06/500372-citing-pervasive-abuse-new-un-report-presents-recommendations-protecting-lgbt).
Elle considère les thérapies de conversion comme des actes de torture. Une position réaffirmée dans un rapport de 2020, qui préconise en conséquence de « prendre des mesures urgentes » afin d’en protéger tout particulièrement les enfants et les jeunes. Depuis 2018, sous l’impulsion du Parlement européen, l’Europe s’est engagée à traiter le problème, mais peu de pays ont entamé une réflexion profonde sur le sujet.

L’Europe s’engage lentement

Le rapport annuel sur les droits fondamentaux dans l’Union européenne revient chaque année sur l’importance de la lutte contre la discrimination, l’inclusion dans les programmes scolaires des valeurs d’acceptation envers les LGBT et la dépathologisation des personnes transgenre. Plusieurs pays ont ainsi débuté un travail législatif, mais le changement s’opère lentement.

Des interdictions totales ont été mises en place à Malte (2016) et en Allemagne (2020). Les amendes vont de 5000 à 10.000 euros et jusqu’à un an de prison. Dans plusieurs communautés autonomes d’Espagne, les thérapies de conversion sont désormais aussi interdites. Il s’agit des régions de Madrid, de Murcie (toutes deux en 2016), de Valence (depuis 2017), puis de l’Andalousie (2018) et d’Aragon (2019). Au niveau national, aucune loi n’encadre toutefois ni n’interdit ces pratiques. Elles sont par ailleurs en discussion d’interdiction notamment en Irlande et en Pologne.

En France, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité, ce 14 décembre 2021 une loi inscrivant dans le Code pénal un délit spécifique pour les pseudos thérapies de conversion. Sont punis de deux ans d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende les « pratiques comportements ou propos répétés visant à modifier ou réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre » d’une personne et « ayant pour effet une altération de sa santé physique ou mentale ». La sanction est portée à trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende en cas de circonstances aggravantes, notamment lorsque la victime est mineure, dépendante ou que l’auteur est un ascendant.

Et en Belgique ?

C’est un grand paradoxe. La Belgique est l’un des pays les plus pro-LGBT+ au monde et notre droit ne condamne toujours pas spécifiquement les thérapies de conversion. Pourtant, en 2014, une femme avait été brûlée vive lors d’un exorcisme à Anvers, parce qu’elle était lesbienne. En 2016, les coupables n’ont toutefois pas pu être condamnés pour infraction à la législation anti-discrimination, mais pour manquement à la protection d’une personne en état de faiblesse.

En décembre 2020, c’est le tribunal de Charleroi qui condamnera des parents pour traitement dégradant et harcèlement à l’égard de leur fils homosexuel. Battu par son frère, il sera envoyé en Turquie pour y subir une soi-disant thérapie de conversion, allant des prières de guérison aux tortures de tous types, qu’elles soient psychologiques, électriques, chimiques et sexuelles.

En juin 2021, des députés socialistes ont soumis un projet de loi tout en partageant leur préoccupation en commission santé de la Chambre et en interpellant Sarah Schlitz (Écolo), la secrétaire d’État à l’Égalité des genres. Réponse de l’intéressée: « Je suis tout à fait en faveur d’une interdiction de ces pratiques, mais il est nécessaire d’évaluer et de mesurer ces phénomènes afin de définir une stratégie efficace pour y mettre un terme ». Autrement dit, le but est d’en savoir plus sur la réalité des thérapies de conversion pour préparer une loi plus efficace. Le dossier est pour l’heure au point mort.