Hermès attaque un artiste américain qui vend des « NFT » représentant ses sacs Birkin
Le groupe de luxe Hermès engage des poursuites judiciaires à l’encontre de Mason Rothschild, un artiste qui connaît un succès viral en commercialisant une ligne d’actifs numériques qu’il appelle « MetaBirkins ». Ces NFT représentent des sacs en fourrure inspirés d’un sac de la marque, le Birkin. Hermès souhaite interdire la vente de ces créations numériques. Dans une plainte de 47 pages déposée ce vendredi auprès du tribunal du district sud de New York, il qualifie le créateur de « spéculateur numérique ». Cette affaire souligne tous les enjeux de propriété intellectuelle liés à l’essor des jetons non fongibles.
Alors que l’activité commerciale s’intensifie dans le métavers (monde virtuel), la plainte (https://www.schwimmerlegal.com/wp-content/uploads/sites/833/2022/01/sdny-hermes-v-rothschild-complaint.pdf) déposée par Hermès soulève des questions d’ordre juridique sur la manière dont la protection des marques pour les articles du monde réel seront appliquées dans le domaine numérique. Des marques comme Balenciaga et Nike expérimentent déjà la mode virtuelle. Les jetons non fongibles, ou NFT (actifs numériques uniques authentifiés à l’aide de la technologie blockchain), représentant leurs articles de mode se sont vendus par millions ces derniers mois.
Un flou juridique
Les copies numériques du Birkin de Mason Rothschild, qui représentent des sacs recouverts de fourrure ayant la forme de l’emblématique fourre-tout, ont été vendues pour la première fois en ligne en décembre dernier. Ils ont déjà accumulé 450.000 dollars et atteint un prix plancher de 8 ETH (NDLR : trois initiales désignant l’Ethereum, un système blockchain décentralisé et open source qui dispose de sa propre cryptomonnaie : l’Ether).
Les vrais sacs d’Hermès quant à eux, produits phares du sellier-maroquinier inspirés par la chanteuse et actrice anglaise, se vendent plus de 10.000 dollars dans le monde physique et sont particulièrement convoités sur le marché de la revente en raison de leur production limitée. Hermès entend donc les protéger.
OpenSea a retiré les MetaBirkins de sa bourse en ligne en réponse à une lettre de cessation envoyée par la maison Hermès, mais Mason Rothschild continue à les commercialiser sur son site web, en renvoyant les visiteurs vers d’autres bourses où ils restent disponibles à l’achat et à la vente. « Rothschild détourne purement et simplement la célèbre marque Birkin d’Hermès en ajoutant le préfixe générique Meta », affirme l’avocat d’Hermès dans sa plainte. « Il ne fait aucun doute que ce succès découle de son utilisation confuse et dilutive d’Hermès ». (NDLR : soit en diminue la rentabilité pour l’entreprise).
Le groupe de luxe Hermès demande au tribunal fédéral de Manhattan que Mason Rothschild cesse ses activités, qu’il cède le nom de domaine MetaBirkins.com à Hermès et qu’il verse des dommages et intérêts à la marque, y compris les bénéfices qu’il a tirés de la vente des actifs numériques.
De son côté, Mason Rothschild a affirmé qu’en tant qu’artiste, ses activités sont protégées par le premier amendement garantissant la liberté d’expression, qualifiant les MetaBirkins d’ « abstraction ludique partant d’un point de repère existant dans la culture de la mode ». « Je ne crée ni ne vend de faux sacs Birkin. J’ai réalisé des œuvres d’art. Je ne me laisserai pas intimider », ajoute-t-il en se référant à Andy Warhol et ses célèbres toiles représentant des boites de soupe Campbell.
Acheter, collectionner, revendre et spéculer
Le marché de l’Art explose grâce aux NFT (non fongible token) ou « jeton non fongibles ». Ces certificats numériques infalsifiables attestent de l’authenticité d’un objet virtuel unique tel un photomontage, une vidéo, un accès à un événement, etc.
La valeur de ces NFT est liée au marché de l’offre et de la demande. C’est pourquoi, en tant qu’objet unique, leur prix peut s’envoler, à l’instar du premier tweet du co-fondateur de Twitter, qui a été vendu 2,9 millions de dollars, ou encore le premier SMS de l’histoire qui est parti pour 107.000 dollars.

L’affiche « Everyday: the first five thousand days » de Beeple, vendue en NFT, est en accès libre sur Internet. L’utiliser ne pose pas de problème mais une seule personne peut revendiquer de posséder l’original : l’acheteur du NFT – capture d’écran
De même, l’artiste américain Beeple a vendu une photo numérique au format.JPG intitulée « Everyday: the first five thousand days » pour plus de 69 millions de dollars via la maison de vente aux enchères Christie’s à New-York. Si la valeur de cryptomonnaie qui a permis d’acquérir le certificat NFT de cette image augmente, la valeur de cette image augmentera pour le possesseur du NFT.
Les NFT semblent partis pour devenir incontournables dans l’avenir
En 2021, la valeur totale des ventes des certificats d’objets virtuels, les fameux NFT, a été multipliée par dix comparée à 2020. Au-delà d’enchères à des prix astronomiques, tout un marché de NFT grand public est en train d’émerger.
Le monde de la mode est aussi en train de plonger dans le NFT. Il existe déjà des collections de vêtements virtuels de luxe qui ne peuvent être portés que sur Instagram par leur acquéreur, avec un système de filtre.
C’est ce qui fait dire à John Karp et Rémy Pe, auteurs de « NFT révolution, naissance du mouvement Crypto-Art » (2021), que « les NFT semblent partis pour devenir incontournables dans l’avenir ». Les spécialistes y voient le passage d’une économie purement virtuelle, celle des cryptomonnaies, à l’économie réelle.
Copyright : Ce photomontage montre les MetaBirkins, les versions numériques de Mason Rothschild qui a créé une série de 100 interprétations NFT du sac Hermès et les propose à la vente sur la plateforme OpenSea – Capture d’écran
