Santé

Testeur volontaire : être « cobaye humain » pour faire avancer la science


Le 13 février prochain, les Suisses seront appelés à se prononcer sur une interdiction de l’expérimentation animale et humaine. Pour les chercheurs du pays, notamment en oncologie, ce texte de loi, s’il est accepté, représenterait un immense coup de frein à la recherche. Les études cliniques chez les animaux, mais aussi chez l’homme sont essentielles pour comprendre le mécanisme d’action d’un nouveau médicament potentiel sur le corps humain. Avant d’être consommés par des malades, les produits doivent être testés par des hommes et des femmes, volontaires sains. Mais qui sont ces cobayes qui sont payés pour le faire ?

La mise à disposition d’un nouveau médicament pour les patients est le résultat d’un processus long et complexe. La Belgique compte sept centres d’essais cliniques dont deux financés par des firmes pharmaceutiques. Notre pays occupe la 2ème place européenne, derrière le Danemark, du nombre d’études cliniques par nombre d’habitants.
Traitement contre la polyarthrite rhumatoïde, sclérose en plaques, maladie de Parkinson, Alzheimer, diabète, mais aussi allergies et troubles inflammatoires sont autant d’études cliniques qui sont menées. Une sur trois concerne la recherche contre le cancer, soit des traitements expérimentaux visant à explorer de nouvelles pistes oncologiques. Les études cliniques sont d’un intérêt capital pour tester de potentiels médicaments innovants quant à leur formulation la plus efficace, leur dosage optimal, leur efficacité et leur sécurité, y compris les interactions possibles avec d’autres médicaments et leurs effets indésirables éventuels.

Pour se porter candidat, il faut être en bonne santé et ne pas avoir d’antécédents médicaux particuliers

Faire quelque chose d’utile

Dans la chaîne de mise au point d’un médicament, le test sur des humains en bonne santé intervient juste après celui sur les animaux et avant celui sur des malades volontaires. Son but est d’analyser comment l’organisme assimile la chimie, par quelles voies il l’élimine, à quelle dose la molécule est efficace et si des effets secondaires apparaissent. La législation impose, en effet, qu’un nouveau produit de santé soit testé sur un échantillon de personnes, avant d’obtenir son autorisation de mise sur le marché.
Chaque année, ils sont ainsi plusieurs milliers de volontaires, âgés de 18 à 55 ans, à se présenter aux portes des centres de recherche qui mènent des essais cliniques. Entre les murs de l’hôpital Erasme, à Bruxelles, il existe une aile fermée au grand public, l’unité de recherche clinique de Pfizer (PCRU). Nous avons rencontré Sébastien F. et Joffroy M., testeurs volontaires pour le groupe pharmaceutique. Ils estiment que leur démarche est utile.

Information éclairée et liberté du patient

Sébastien F. est français. De par ses activités professionnelles, il dispose de pas mal de temps libre. Il vient donc, depuis plusieurs années, à Bruxelles pour prêter son corps à la science. « Pour se porter candidat, il faut être en bonne santé et ne pas avoir d’antécédents médicaux particuliers », nous explique-t-il. « Ils sont très rigoureux. Opérations, accident cardiaque éventuel, tabagisme, le formulaire déclaratif à remplir est très épais, avant d’être invité à poursuivre le recrutement par une batterie de tests médicaux. Ensuite seulement, on peut se porter candidat pour une étude.  Le testeur volontaire est alors convié à une séance d’information », enchaîne Joffroy M. « Tout est extrêmement bien expliqué : la molécule testée, les conditions de l’essai et les éventuels inconvénients. On signe alors un document de consentement éclairé, tout en sachant que l’on peut décider à tout moment d’arrêter et, qu’en cas de complications éventuelles, l’assurance de Pfizer dédommagera.»

Des protocoles stricts

« Une cohorte (ndlr : un groupe testé) est généralement composée d’une dizaine de personnes », poursuit Sébastien F. « Les protocoles sont très stricts et les volontaires ne font pas ce qu’ils veulent. Même si tout est fait pour notre confort, une salle de jeux, des espaces de détente, une salle de cinéma, des ordinateurs, ce n’est pas le Club Med. Electrocardiogramme, prise de sang, tension, tous les paramètres sont observés 24h/24. On doit aussi éviter la consommation d’alcool et de caféine et lorsque nous sortons, les promenades autour d’Erasme sont encadrées par des infirmiers et le circuit balisé ».
« Pire, je me souviens d’une étude à laquelle j’ai participé où je testais une nouvelle crème contre l’acné. La molécule étant photosensible, je ne pouvais donc pas m’exposer au soleil pendant dix jours. Résultat : Même les sorties m’étaient interdites», nous précise Joffroy M.

L’indemnité moyenne est de 200,00 euros/jour, soit un petit bonus non imposable de 2000,00 euros environ pour dix jours d’essai

Des risques mesurés

 Les médicaments testés sont pris par voie orale ou sont injectés. Comme pour tout traitement, expérimental ou non, les essais cliniques ne sont pas exempts de risques. « Je suis hypocondriaque. Donc, autant vous dire que je me suis bien renseigné. Si, effectivement, le risque zéro n’existe pas, c’est extrêmement mesuré », nous précise Sébastien F. « Etude biochimique, culture sur tissu et test sur animaux, l’essai clinique sur l’homme n’intervient qu’après plusieurs phases. Et puis, des doses très faibles nous sont inoculées. »

De plus, en Belgique, chaque essai clinique doit être autorisé par l’Agence fédérale des médicaments et des produits de Santé et est surveillé par un comité d’éthique médicale dont les standards à respecter sont très élevés. Parfois quelques nausées, des maux de tête, des insomnies, de petits boutons ou des veines en piteux état à la fin de l’étude, Sébastien F. et Joffroy M. n’ont pas le sentiment de s’être mis plus que cela en danger. « L’imagination est très fertile. Lorsque l’on parle de nos expériences avec d’autres personnes, ils nous visualisent tout de suite en rats de laboratoire. Mais, sans volontaires comme nous, il n’y aurait pas d’études cliniques et sans études cliniques, il n’y aurait pas de nouveaux médicaments sur le marché ».

Un complément financier

La durée moyenne d’une étude varie entre 7 jours et trois semaines. Durant cette période, le volontaire est confiné dans l’enceinte de l’hôpital. « Je trouve la contrainte supportable, dans la mesure où je suis seul avec deux enfants à charge et cela me permet d’arrondir rapidement mon salaire » poursuit Joffroy M. L’indemnité moyenne est de 200,00 euros/jour, soit un petit bonus non imposable de 2000,00 euros environ pour dix jours d’essai. Même motivation financière pour Sébastien F.

En revanche, un délai de carence doit être respecté entre deux participations à des essais cliniques, d’abord pour ménager l’organisme, mais aussi pour empêcher les testeurs d’en faire leur activité principale. Les essais cliniques comptent en moyenne 60% d’hommes pour 40% de femmes. Les femmes en âge de procréer s’inscrivent traditionnellement moins.

Comment participer à un essai clinique ? Plus d’infos sur : www.essaiscliniques.be

 

Copyright : AFMPS – Agence Fédérale des Médicaments et des Produits de Santé


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