Prison de Haren : le dernier avatar d’une course à l’incarcération chronique et contreproductive
Pour lutter contre la surpopulation carcérale, 800 nouvelles places vont être créées, a fait savoir ce matin le cabinet du ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne. Ce nombre prend en compte l’entrée en service l’automne prochain des nouvelles prisons de Haren-Bruxelles et de Termonde. Alors que dans plusieurs autres pays à l’Europe, les prisons ferment, un enfermement contreproductif de sens, maintes fois pointé du doigt par l’Observatoire international des prisons (OIP) et les Droits de l’Homme, est entretenu en Belgique. La prison est pourtant censée empêcher les individus de récidiver. Dans notre pays, on est loin du compte. La surpopulation est chronique.
Le Master plan III, approuvé en novembre 2016, vise tant la rénovation « pour récupérer les capacités perdues dans les établissements existants » que la construction de cellules et de prisons supplémentaires, dans le cadre de partenariats public-privé.
À côté des trois nouvelles prisons de Marche-en-Famenne (2013), Beveren (2014) et Leuze-en-Hainaut (2014), le chantier des nouvelles prisons de Haren et Termonde doit se terminer fin 2022.

Copyright – Prison de Haren en construction – Cgsp/Acod Prison De Bruxelles
Démarré en 2018, le chantier de la prison de Haren suit son cours. 116.000 mètres carrés de superficie, une capacité d’accueil de 1190 détenus et un mur périmètre de 1,2 kilomètres, c’est le futur plus grand centre pénitencier du pays. La réception des travaux devrait avoir lieu en juillet 2022. Les premières personnes privées de liberté y séjourneront dès le mois de septembre 2022.
Et pourtant, ce nouvel établissement, qui engage l’Etat belge à hauteur d’un milliard d’euros sur 25 ans, selon les chiffres de la Régie des bâtiments, ne permettra pas d’absorber la surpopulation carcérale et la récidive en Belgique, où le taux est bien plus élevé que dans les pays européens qui adoptent un modèle général abolitionniste et dit de « normalisation ».
Éduquer et former
Afin de réinsérer les détenus, des programmes de formation professionnelle, avec suivi psychologique et social, font leurs preuves chez nos voisins néerlandais et dans les pays scandinaves. Le taux de réinsertion réussie, sans récidive, y frise les 90%. Leur politique carcérale suit une logique de « justice restauratrice ».
Face au durcissement des peines préconisé par notre système pénal, les mesures alternatives comme les peines d’intérêt général et les amendes sont favorisées en Hollande. En Suède, aux établissements pénitentiaires fermés, sont privilégiés les centres dits semi-ouverts et ouverts. Encadrés, les détenus suivent, à l’extérieur de la prison, un cursus professionnel formatif. La probation et la thérapie sont privilégiées. Les portes n’ont pas de clés, les agents pénitentiaires ne sont pas armés. Le taux d’évasion constaté est proche de zéro. En projet, les détenus sont désireux de s’approprier le modèle car des perspectives d’avenir leurs sont offertes.
Un détenu coûte en moyenne 60.000 euros par an. Un programme de réhabilitation efficient coûte 20.000 euros par an et par individu. Fabriquer de l’exclusion est excessivement onéreux.
Des remises de peines utilitaires
La politique carcérale néerlandaise a aussi développé un système de remises de peine utilitaires pour les courtes durées d’emprisonnement. Afin de réinsérer une personne incarcérée, les détenus ont le droit de sortir pour trouver un travail ou une formation, à concurrence de 60 heures allouées pour ces travaux spécifiques qui préparent en douceur à la sortie.
Ce programme a permis une baisse de 10 % de la récidive. Avec une baisse totale de 25% de la criminalité au cours de la dernière décennie, les prisons néerlandaises ferment. Comment expliquer cette tendance? « Il n’y a pas de secret. La fermeture des prisons est exclusivement liée à un choix politique du gouvernement néerlandais », explique, dans le New York Times, René van Swaaningen, professeur de criminologie de l’Université de Rotterdam.
Une politique expansionniste inopérante
Chez nous, pourtant, l’extension du parc pénitentiaire continue d’être présenté comme une réponse aux problèmes des conditions de détention et de la surpopulation carcérale. Cette politique pénitentiaire expansionniste, focalisée sur les bâtiments et les chiffres a prouvé son inefficacité à lutter contre le problème de l’inflation carcérale. Ce n’est pas parce qu’un bâtiment est neuf, confortable et prévoit de nombreuses infrastructures que les conditions propices à un amendement sont meilleures. Une infrastructure moderne pour enfermer ne réinsère pas les détenus dans la société.
En outre, l’inefficacité notoire du recours à l’enfermement est couplée au coût pharamineux de ces nouveaux établissements pénitentiaires. L’équation est simple : un détenu coûte en moyenne 60.000 euros par an. Un programme de réhabilitation efficient coûte 20.000 euros par an et par individu. Fabriquer de l’exclusion est excessivement onéreux.
Ces montants ne seraient-ils dès lors pas plus efficacement utilisés s’ils étaient investis dans l’aide à la réhabilitation des détenus, dans leur soutien éducatif et psychologique, dans une formation plus pointue des agents pénitentiaires et dans leur revalorisation salariale, tant pour eux-mêmes que pour la société civile à devoir protéger ? Poser la question, c’est assurément y répondre à la lumière des modèles étrangers.
Copyright – Prison de Haren en construction – Cgsp/Acod Prison De Bruxelles
