FRANCE/POLITIQUE

Présidentielle : Nicolas Sarkozy tient des propos durs à l’égard de Valérie Pécresse

Avec un patrimoine évalué à 9,7 millions d'euros, Valérie Pécresse est la plus riche des 12 candidats à la présidentielle en France. bePress Photo Agency / KELLY LIN

L’ancien président, Nicolas Sarkozy, dont elle attendait le soutien officiel n’est pas tendre avec elle, la traitant de pimbêche et dépourvue de créativité. Il estime qu’elle ne vend pas du rêve. Par ailleurs, le meeting de la candidate de la droite au Zénith risque de ne pas donner le coup de boost attendu à sa campagne pour la présidentielle. La prestation de Valérie Pécresse est jugée ennuyeuse, empruntant ouvertement des thématiques sorties tout droit du fonds de commerce du candidat d’extrême droite, Eric Zemmour. Dans le rang des militants, le doute s’installe sur ses capacités à faire gagner la droite.

Grand connaisseur de la chose publique, un politologue parisien réputé avait annoncé : « Ce sera la fusée ou le toboggan ». Un de ses confrères complétait : « Elle devra s’imposer comme la cheffe ». Elle, c’est Valérie Pécresse, 54 ans, première femme à représenter la droite à l’élection présidentielle (10 et 24 avril prochains) après avoir dominé Eric Ciotti au second tour de la primaire de Les Républicains (LR). Après quelques réunions en provinces françaises, elle a tenu son premier meeting de campagne ce dimanche 13 février, une semaine après ceux de ses deux adversaires de (extrême) droite, Marine Le Pen et Eric Zemmour. Pas moins de 7.000 militants et sympathisants se sont retrouvés au Zénith, dans l’est parisien.

Au premier rang, avaient pris place, entre autres, ceux qu’elle a surnommé « mes quatre mousquetaires », les quatre autres candidats de la primaire de la droite : Michel Barnier, Xavier Bertrand, Philippe Juvin et Eric Ciotti. L’entrée fut copiée sur celle des rock stars, Valérie Pécresse fendant la foule jusqu’au podium, accompagnée de son directeur de campagne Patrick Stefanini et… du patron du parti LR, Christian Jacob. Autant dire que la candidate de la droite acceptait, par la présence de Jacob, la tutelle alors qu’elle aurait dû faire ce chemin, seule…

Des propos peu amènes de Nicolas Sarkozy

Dans les jours qui avaient suivi sa désignation pour représenter la droite à la présidentielle, Valérie Pécresse pointait, dans les sondages, à 18% d’intentions de vote pour le premier tour de l’élection, en position de challenger du grand favori (le Président en exercice et candidat non encore déclaré Emmanuel Macron).

On ne peut pas dire qu’elle vend du rêve, elle n’a pas beaucoup de créativité, elle a de la quille mais pas beaucoup de voilure.

Mais, ancienne députée (2012-2016) et ministre (2007-2012) et présidente de la région Ile-de-France depuis 2015, elle a doucement glissé pour se retrouver, avant son meeting du Zénith parisien, derrière Marine Le Pen et au même niveau qu’Eric Zemmour (15%). Pis : dans les jours précédant ce meeting, ont fuité des propos peu amènes de l’ancien Président Nicolas Sarkozy : « Elle a un côté pimbêche », « C’est une grosse bosseuse, acharnée même, mais toujours scolaire, très techno », « On ne peut pas dire qu’elle vend du rêve, elle n’a pas beaucoup de créativité, elle a de la quille mais pas beaucoup de voilure »…

Rachida Dati sort la sulfateuse contre Valérie Pécresse

De son côté, sa « meilleure ennemie », l’ancienne ministre de la Justice et actuelle maire du 7ème arrondissement de Paris, Rachida Dati, avait sorti la sulfateuse en pointant une campagne « sans incarnation », traitait le directeur de campagne de Pécresse de « loser », de « déserteur » et rappelait au passage qu’il avait été condamné pour « emploi fictif ». Et toujours dans les jours précédant le rendez-vous du Zénith parisien, des personnalités de LR passaient dans le camp d’Emmanuel Macron, parmi lesquels d’anciens ministres de Nicolas Sarkozy (dont Eric Woerth) ou encore la maire de Calais… en attendant le ralliement annoncé de Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier Ministre de Jacques Chirac.

Discours long et ennuyeux

Au matin du meeting de Paris, dans un entretien au Journal du Dimanche, Valérie Pécresse, elle qui se dit héritière de Margaret Thatcher et Angela Merkel, présentait sa « France de l’ordre et la concorde ». Ancien député européen écologiste reconverti observateur politique, Daniel Cohn-Bendit assurait : « Elle est dans une seringue ». Et il y eut ce discours tant attendu. Les premiers mots : « Mes chers compatriotes, enfin nous voici tous réunis. Vous m’avez manqué ».

Un discours d’une heure et seize minutes. Un discours long comme un torrent d’ennui avec une candidate dépassée par son texte, se prenant pour une (très mauvaise) tragédienne. Immédiatement, sur les réseaux sociaux, ce n’était plus « Valérie Pécresse » mais « Valérie détresse »… Un discours pas très bien écrit, avec de nombreux allers-retours, dit sur un ton pompeux. Michel Barnier, l’un de ses « mousquetaires », défend après coup « une femme politique n’emploie pas les mêmes mots qu’un homme », alors qu’un observateur de la chose publique évoquera « une offense à l’art oratoire ».

Des thématiques empruntées à Eric Zemmour

Mais surtout, dans ce discours qui devait donner une ligne directrice à sa candidature et imposer une personnalité, la candidate de la droite a, à de nombreuses reprises, ciblé le Président en exercice, usant de l’anaphore – « J’accuse Emmanuel Macron de… » -. Elle a aussi déroulé de nombreuses thématiques qui sont le fonds de commerce d’Eric Zemmour, allant jusqu’à promettre que, élue Présidente de la République, elle mettra fin au « grand remplacement » et à cette France qui est devenue une « Marianne voilée », que, s’il le faut, aux frontières elle mettra des barrières, voire des murs… Qu’avec elle, ce sera « la nouvelle France ».

Ce devait être un discours fondateur pour Valérie Pécresse. Le discours de la contre-attaque. Le président de LR était aux anges et confiait, en fin de journée : « On ne perd jamais à être sincère ». De son côté, Xavier Bertrand s’est montré satisfait de ce discours : « Il a permis de mieux connaître Valérie et de mieux voir l’articulation du projet. C’est le début d’une bascule, il y aura d’autres étapes ». D’autres personnalités présentes, elles, ne cachaient pas leur interrogation sur leur candidate. Et si elles avaient fait, en désignant leur candidate, le mauvais choix ? Et si Valérie Pécresse allait être le boulet pour la droite ?…

Valérie Pécresse, une nouvelle machine à perdre de la droite ?

Dans la coulisse politique, on entend même certains se demander « s’il n’y a pas la volonté, au sein même de l’équipe de Valérie Pécresse, de dynamiter sa candidature ». En campagne en Martinique, la candidate du Parti socialiste (PS), Anne Hidalgo, a commenté le discours « pécressiste » – et la charge est lourde : « En évoquant le grand remplacement, c’est un Rubicon de plus qui est franchi par la droite, qui aurait pu être cette droite républicaine, mais qui prend une référence de l’extrême droite, le signe sans doute pour Valérie Pécresse d’une course éperdue derrière Marine Le Pen et Eric Zemmour. Elle prend un tournant extrêmement grave pour le débat politique et n’est absolument pas dans la filiation d’un Jacques Chirac qui a toujours posé la ligne rouge à ne pas franchir. Notre pays ne peut pas sombrer dans ces idéologies fascistes, fascisantes… »

Elle prend un tournant extrêmement grave pour le débat politique et n’est absolument pas dans la filiation d’un Jacques Chirac qui a toujours posé la ligne rouge à ne pas franchir.

Il est évident que, jusqu’alors, la candidate de LR et de ses alliés (Les Centristes d’Hervé Morin et UDI de Jean-Christophe Lagarde) a été incapable de déjouer le piège dans lequel ses adversaires l’ont prise : elle ne parvient pas, pour espérer être présente au second de l’élection présidentielle,  à faire revenir à elle les LR partis à la droite extrême chez Eric Zemmour, ni ceux qui ont migré chez Emmanuel Macron. Prix Goncourt 2018 pour Leurs enfants après eux et auteur de Connemara paru en début février, l’écrivain Nicolas Mathieu décrypte le discours de Valérie Pécresse : « Il ne s’adresse pas qu’aux têtes, il s’adresse au cœur aussi. C’est peut-être ça le grand remplacement, c’est celui de la raison par les émotions ».

La presse s’en mêle

Pour Le Figaro, si Valérie Pécresse veut être présente au second tour de l’élection présidentielle, il lui faut « reconquérir toutes les sensibilités de droite ». Le quotidien étiqueté de droite d’ajouter : « Valérie Pécresse a prouvé qu’elle était inflexible ; il lui reste à démontrer qu’elle peut être redoutable ». Quant à Libération, il rappelle que sur dix électeurs potentiels de Valérie Pécresse, quatre disent partager les idées d’Eric Zemmour qui la tient pour le « masque plaqué sur le visage de la technocratie ». Autant dire et écrire que, à l’image de la gauche, la droite française (souvent considérée comme « la plus bête du monde ») est éparpillée façon puzzle aux quatre coins de l’échiquier politique… et Valérie Pécresse n’est pas encore parvenue, à ce jour, à masquer la fébrilité d’une « famille » en perte de confiance…

Serge Bressan (à Paris)