Le 28 février 2007, Geneviève Lhermitte égorge ses cinq enfants, Yasmine (14 ans), Nora (12 ans), Myriam (9 ans), Mina (7 ans) et Mehdi (3 ans), dans la maison familiale de Nivelles où elle vit avec son mari Bouchaïb Moqadem et le docteur Michel Schaar. Comment une mère peut-elle donner la vie et la reprendre sera la question centrale au cœur de l’enquête. La thèse de suicide altruiste est présentée par les experts psychiatres au procès. Mais, les 1 900 pages du dossier d’instruction n’aideront pas la mère infanticide à justifier son acte. Reconnue coupable, elle est condamnée à la prison à vie. En avril 2019, Le tribunal de l’application des peines de Bruxelles (TAP) lui accorde une libération conditionnelle. Que sont devenus depuis les protagonistes de cette sombre histoire ?
En 2008, Geneviève Lhermitte est condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité par la cour d’Assises de Nivelles pour homicides volontaires. La justice estime qu’elle est responsable de ses actes. Elle ne retient aucune circonstance atténuante, malgré les arguments avancés par son conseil, maître Xavier Magnée pour expliquer un geste qu’il qualifie de « prévisible ».
Chronique d’un drame annoncé, selon l’avocat, le parcours de Geneviève Lhermitte révèle un cumul de situations de vie personnelle qui ont été déclencheurs de l’acte final. Lors du procès, les psychiatres expliqueront ainsi aux jurés : « cette femme introvertie, dépressive et sous médication régulière depuis son adolescence, était juste invisible et personne n’a remarqué que cette invisibilité était un appel au secours ». « Il n’y a que des victimes dans cette affaire et des dommages collatéraux, le tout construit sur une lourde chape de non-dits », précisera maître Xavier Magnée. Exténuée depuis plusieurs semaines, Geneviève Lhermitte entendra une petite voix intérieure lui dire : « la machine est en route ». Elle se rendra dans une grande surface et volera des couteaux neufs. Pourquoi neuf ? Elle souhaitait que cela « tranche parfaitement » pour que « cela aille vite et que les enfants ne souffrent pas », expliquera-t-elle paradoxalement.
Le cas de Geneviève Lhermitte n’est pas unique dans l’histoire criminelle. Marc Cherry, l’auteur de la série à succès Desperate Housewives s’est inspiré d’un fait divers du même type survenu aux Etats-Unis. L’affaire choque l’Amérique : Andrea Pia Yates, une mère de famille vivant au Texas tuera ses cinq enfants, âgés de 6 mois à 7 ans, en les noyant dans la baignoire familiale. On recense 5 à 8 infanticides par an en Belgique comme en France. Ce sont le plus souvent des femmes au foyer isolées socialement, au bout du rouleau, complètement dépassées et dépressives, qui commettent ce type d’actes extrêmes.
Au-delà de l’effroi, des questions. Que se passe-t-il dans la tête de ces mères qui les conduit à commettre l’indicible? Infanticide « salvateur », c’est ainsi que les scientifiques nomment ces meurtres d’enfants suivi d’une tentative suicide. Quand l’existence est ressentie comme « insupportable », donner la mort et se supprimer est perçu comme l’ultime solution pour échapper et faire échapper les siens à un monde que la personne perçoit comme hostile.
Aussi inconcevable que cela puisse paraitre, la littérature psychiatrique parle paradoxalement d’ « acte généreux » dans le chef du parent infanticide, qui pense agir pour le bien de sa progéniture. Geste dans tous les cas « désespéré », l’illogique devient logique parce que la mère qui fait le choix de tuer ne voit plus, au moment de l’acte posé, d’autres possibilités de s’en sortir.
Démarche compliquée à accepter pour le père des enfants, Bouchaib Moqadem, et pour le docteur Schaar, parties civiles au procès d’Assises, dix ans après les faits, le 17 mars 2017, Geneviève Lhermitte introduit une demande de libération conditionnelle. Sur base du plan de reclassement proposé, elle obtiend d’abord des congés pénitentiaires, avant de quitter, en 2019, la prison pour femmes de Berkendael pour être transférée au centre psychiatrique fermé Saint-Bernard, à Manage. En décembre 2020, la mesure est encore assouplie. Geneviève Lhermitte peut intégrer un lieu d’accueil plus ouvert venant en aide aux adultes en difficultés psychiques.
Quinze ans après les faits, la prison a-t-elle eu un impact positif sur la mère infanticide ? La question d’une condamnation ou d’un internement légal était clairement posée au procès. Les experts l’ont déclarée irresponsable de ses actes. L’opinion publique avait besoin d’un coupable et d’une sanction. De l’avis des psychiatres, un internement, avec un véritable suivi médical et psychologique, aurait sans doute été plus approprié. Une mère infanticide n’est pas un danger pour les autres ni pour les enfants des autres. Elles tuent leurs propres enfants parce que dans leur esprit déviant, elles perçoivent ce geste comme l’acte d’amour suprême qu’elles peuvent poser.
Elles sont en revanche, un danger pour elles-mêmes. La preuve en est. En septembre 2021, après plusieurs tentatives de suicide avortées en prison, Geneviève Lhermitte tentera à nouveau de mettre fin à ses jours au moyen d’un couteau, profitant de l’absence des autres locataires de l’institution qui l’héberge actuellement.
Les corps des cinq enfants tués par leur mère ont été rapatriés au Maroc. Ils sont enterrés au cimetière des martyrs, à Agadir.
Le cimetière des martyrs à Agadir où sont enterrés les enfants – Archives privées – DR
Bouchaïb Moqadem s’est remarié en 2010. Il est aujourd’hui à nouveau père d’une petite fille. Quant au docteur Michel Schaar, que Geneviève Lhermitte a toujours présenté comme l’élément toxique dans la famille, catalyseur du drame de par sa présence au quotidien dans le couple, il continue d’affirmer qu’il n’est pas « le bras qui a tendu le couteau ».
Geneviève Lhermitte a connu deux histoires d’amour en prison suite à des correspondance entretenues avec d’anciens détenus. Le premier homme avait égorgé sa femme. Il s’est suicidé quelque temps après être sorti de prison. Geneviève Lhermitte a ensuite correspondu quelque peu avec un autre ancien détenu, père de 5 enfants, qui est devenu son mari, avant de décédé à son tour. Comment expliquer cette attirance pour des repris de justice ? Il est peut-être plus facile d’aller chercher par effet miroir des personnes qui vous ressemblent, qui ont « agi » aussi un jour, d’après les experts psychiatres.
Quelle soit en prison ou à l’extérieur aujourd’hui, malgré l’anesthésie psychologique qu’elle s’impose, Geneviève Lhermitte est très certainement toujours prisonnière du drame. Lors de l’instruction, dans une audition datée du 31 mai 2007 (PV N°003150/2007), elle avait d’ailleurs déclaré aux enquêteurs : « (…) vous me demandez comment je me sens aujourd’hui et je vous réponds que j’ai un mal de vivre au quotidien. Je vis avec une énorme douleur de culpabilité. J’ai bien conscience que j’ai massacré mes enfants. Je me culpabilise également d’avoir raté mon suicide, d’être toujours vivante. Tous les jours, je fais un effort pour continuer à vivre, je survis (…) »
La famille Bouchaïb Moqadem – Lhermitte en 2005 – Archives privées – DR
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