Kiev et Moscou devant la CJI : d’abord négocier avant d’assigner en responsabilité ?
Kiev introduit un recours contre la Fédération de Russie devant la Cour internationale de justice (CIJ). Elle accuse Moscou de planifier un génocide en Ukraine. Dans sa requête, elle affirme que la Russie « tue de manière intentionnelle des personnes de nationalité ukrainienne et porte atteinte gravement à leur intégrité physique ». Alors que la CIJ a indiqué donner la priorité à ce genre de dossiers sur tous les autres, Volodymyr Zelensky espère une consultation dès cette première semaine de mars. Il est à noter, toutefois, que dans une précédente affaire, la CIJ avait invité les Etats en cause à d’abord négocier avant d’activer une responsabilité internationale.
La Cour internationale de Justice (CIJ) est l’organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Elle a été instituée en juin 1945 par la Charte des Nations. Composée de 15 juges, a son siège au Palais de la Paix, à La Haye. Sa mission est double : d’une part, régler conformément au droit international les différends d’ordre juridique qui lui sont soumis par les Etats et, d’autre part, donner des avis consultatifs sur les questions juridiques qui peuvent lui être soumises par les organes de l’ONU et les institutions du système dûment autorisées à le faire. Entre le 22 mai 1947 et le 23 septembre 2021, 181 affaires ont été inscrites au rôle selon les derniers chiffres de la CIJ.
Prévenir un génocide
L’Ukraine a donc introduit le 26 février une requête (Link vers : https://www.icj-cij.org/fr/affaire/182) « afin d’établir que l’intervention de la Fédération de Russie à l’encontre de l’Ukraine et sur le territoire de celle-ci visant à prévenir et réprimer un soi-disant génocide est dépourvue de tout fondement juridique », souligne la CIJ.
L’Ukraine précise, en outre que « la Fédération de Russie a faussement affirmé que des actes de génocide avaient été commis dans les oblasts ukrainiens de Louhansk et de Donetsk, reconnaissant sur cette base les prétendues République populaire de Donetsk et République populaire de Louhansk, et qu’elle a ensuite annoncé et mis en œuvre une opération militaire spéciale contre l’Ukraine sur cette base ».
Kiev fonde la compétence de la Cour sur le paragraphe 1 de l’article 36 du Statut de celle-ci et sur l’article IX de la convention sur le génocide, à laquelle les deux Etats sont parties. Elle demande à la CIJ d’intervenir « pour prévenir qu’un préjudice irréparable ne soit causé aux droits de l’Ukraine et de sa population, et d’éviter d’aggraver ou d’étendre le différend qui oppose les parties ».
La CIJ a indiqué que les demandes en indication de mesures conservatoires telles que celles de l’Ukraine ont priorité sur toutes autres affaires. La Cour n’a cependant pas précisé la date à laquelle elle traitera cette affaire.
Copyright Cour internationale de justice (CIJ)
D’abord négocier
En 2018, l’Ukraine avait déjà introduit un recours devant la CIJ. Kiev, qui rentrait dans sa quatrième année d’affrontement, accusait la Russie de financer le terrorisme en soutenant les rebelles séparatistes dans l’est de l’Ukraine. Elle demandait à la Cour « de prendre des mesures urgentes et provisoires pour apporter de la stabilité et du calme et d’ordonner à Moscou de s’abstenir de toute action qui pourrait aggraver ou étendre le conflit ».
Si la CIJ s’est reconnue compétente pour traiter l’affaire au fond, elle avait alors demandé aux parties de tenir des négociations sur les questions litigieuses avant de saisir la CIJ.
Aucun moyen de faire baisser les armes
En se tournant vers la CIJ, Volodymyr Zelensky espère faire cesser l’invasion russe. Si le Président ukrainien emploie tous les leviers dont il dispose pour obtenir un cessez-le-feu, il est à noter que les jugements de la Cour sont contraignants et sans appel, mais elle n’a toutefois aucun moyen de les faire respecter. Même si la CIJ venait à condamner la Fédération de Russie, le tribunal ne possède aucun moyen pour empêcher la tenue d’un comportement militaire d’un pays et donc pour imposer un retrait des troupes russes.
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