Société

La valorisation et le respect des femmes passent par l’école et la famille


En ce 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, nous avons rencontré Pascale Delcomminette, Administratrice générale de l’AWEX et de Wallonie-Bruxelles International (WBI); elle se réjouit des avancées du statut de la femme mais estime que cette journée demeure plus que nécessaire en Belgique et ailleurs. « Il y a encore un sacré chemin à parcourir quand on voit que dans de nombreux pays, les droits les plus fondamentaux sont toujours bafoués voire supprimés ». Selon elle, il y a urgence à rester vigilant et à éduquer, communiquer et sensibiliser.

L’Post : Que représente pour vous cette nouvelle journée des droits des femmes? A quel point sa raison d’être demeure essentielle ?

On voudrait que cela ne soit pas utile mais hélas, en 2022, ça l’est encore. L’égalité de fait n’est pas encore une chose acquise ni ici ni ailleurs. Je me réjouis d’ailleurs que cette journée de sensibilisation soit dénommée Journée des droits des femmes et non plus, comme par le passé, journée de la Femme qu’on résumait souvent en offrant une rose comme si cela était suffisant. Le message a fait son chemin. Je fais partie de ces gens qui ont conscience que rien n’est acquis. Il est important de rester attentif à la manière dont les femmes sont traitées dans le monde.

L’Post : Avez-vous déjà dû faire face à des attitudes de type discriminatoire ?

Au regard des jeunes femmes d’aujourd’hui, sans doute estimeraient-elles que oui, mais personnellement, j’estime que non où alors cela m’a échappé. Les femmes acquièrent de l’expérience, on les estime pour ce qu’elles sont et elles se retrouvent dès lors à la place où elles doivent être. Par le passé, j’ai ressenti parfois que je devais un peu forcer le trait mais dans ma fonction, je n’ai pas le sentiment d’avoir dû me battre pour y arriver. C’est peut-être plus difficile dans le secteur privé, mais ça change. J’ai remis hier soir, le « Bold Woman Award » à Muriel Bernard, fondatrice d’eFarmz. Voilà un prix qui participe à inspirer les générations de femmes entrepreneures à être toujours plus audacieuses. Mais il est vrai que les femmes sont encore trop peu nombreuses, par exemple, dans les comités de Direction. A l’International aussi, lors des rencontres officielles, en visites d’Etat, je suis rarement entourée d’une majorité de femmes. Mais je dirais que les attitudes des hommes en général ont évolué ; ils sont plus attentifs à ne pas déraper avec une remarque désobligeante, les femmes d’aujourd’hui ne les accepteraient plus.

L’Post : A peine 14 % de femmes sont à la tête de PME en Belgique. Selon vous, les choses évoluent-elles dans le bon sens ?

Oui, mais c’est loin d’être suffisant. Vous savez, lors des visites officielles à l’étranger, la proportion est encore plus faible, les femmes CEO sont assez rares. C’est bien la preuve qu’il y a encore du travail à faire. Et ça passe, pour moi, par des figures inspirantes, l’éducation, l’accompagnement à l’entreprenariat féminin. Cela commence très tôt, ce sont les mentalités qui doivent évoluer. C’est à l’école que tout commence. L’école à un rôle primordial à jouer. C’est là que s’affiche la répartition des rôles, comme c’est aussi le cas dans les familles. Le statut de la femme est aussi culturel. Hélas, dans certains pays, les agissements à leur égard restent intolérables.

Il y a urgence à sensibiliser et éduquer les garçons et les jeunes hommes quant au respect des femmes

L’Post : Que faudrait-il faire pour tenter de faire évoluer les choses plus rapidement ?

Il faut, je vous le disais, travailler au changement de mentalité, en famille et à l’école mais aussi, valoriser les métiers techniques à travers les témoignages, à l’école en primaire et dans le secondaire, de celles qui ont réussi. Ces démarches peuvent convaincre d’appréhender la femme autrement. L’enjeu est important. Communiquer sur ces histoires de femmes dont on aurait pu croire au départ que leur métier n’était pas fait pour elle, c’est important aussi. Elles sont sources d’inspiration tant pour les jeunes filles que pour les garçons.
Oui, les femmes peuvent jouer un rôle important et pratiquer un métier stéréotypé masculin. Il y a aussi pas mal de choses à faire dans l’adaptation des mesures « bien-être » au travail.
En cela, je pense que la crise sanitaire a participé à faire bouger les lignes avec l’application d’horaires flexibles, du temps partiel et du télétravail aussi. Je pense que c’est une conséquence positive de la période que nous venons de traverser. Elle a apporté un équilibre entre l’homme et la femme face au travail. Tous les deux devaient rester à la maison où alterner, cela participe aussi à réduire les discriminations. Tout le monde a été mis sur le même pied. Il faut poursuivre dans cette voie.

L’Post : Y a des pièges à éviter selon vous sur la route de l’égalité et/ou de la parité ?

Il faut éviter d’être excessif et de voir des inégalités où il n’y en a pas forcément. Il faut que cette égalité devienne naturelle. Par exemple, je suis en faveur des quotas. C’est pour moi, la seule manière de déclencher quelque chose, de pouvoir donner la parole à tous. C’est aussi une façon de donner un coup de pousse à celles qui n’auraient pas osé y aller pour des tas de raisons. Les quotas incitent à, encourage. Il ne faut pas réfléchir en termes d’égalité stricte.
C’est la diversité de pensée qui compte. J’estime qu’il y a encore bien trop peu de femmes dans les conseils d’administration, comités de Direction…La norme peut être deux tiers/ un tiers, mais ce n’est pas encore le cas partout. La diversité favorise la créativité, la productivité et la croissance. La société, quel que soit le secteur, a tout intérêt à inciter à ce que les femmes soient bien représentées mais sans forcer. Les femmes ont leur place à tous les niveaux d’une entreprise et dans les métiers techniques, j’insiste.

L’Post : Selon vous, quelle est l’urgence pour accélérer les droits et le respect des femmes en 2022?

Quand on voit le nombre toujours croissant de violences faites aux femmes, de viols ou de féminicides, je dirais que, chez nous surtout, dans nos pays où la femme a plutôt de la chance de bénéficier des droits dont nous disposons, il y a surtout urgence à oeuvrer à la sensibilisation et à l’éducation les garçons et les jeunes hommes quant au respect des femmes. Et ça passe par l’éducation en famille et à l’école, à toutes les étapes.
Ailleurs, il y a urgence à rester vigilant à observer que les droits les plus fondamentaux des femmes soient respectés en Europe et au-delà, comme le droit à l’avortement. Quand on voit ce qu’il se passe aux Etats-Unis, y a de quoi se poser des questions. En Pologne, par exemple, nous avons retiré notre représentation diplomatique en réaction aux restrictions faites aux droits des femmes et au mouvement discriminatoire envers le public LGBT.  Ce sont des signaux alarmants, on doit rester attentif et vigilant. Rien n’est acquis. Voilà l’urgence.

L’Post : Quel métier dit « d’hommes » auriez-vous aimé faire ?

Electricienne. J’étais douée à l’école. Nous avions des cours d’initiation à la technologie et j’aimais ça mais ça n’a pas été plus loin. A la maison, c’est souvent mon mari qui s’y colle mais quand je peux l’aider, je m’y mets, je participe (rires).


Recent Posts

  • Société

Australie : au moins 15 morts et 40 blessés dans la plus grave attaque antisémite de l’histoire du pays

Deux hommes vêtus de noir ont ouvert le feu, dimanche 14 décembre 2025, en fin…

5 heures ago
  • Société

L’analphabétisme demeure, chez nous aussi, un enjeu majeur

Entre 15 et 20% des adultes en Belgique francophone, présenteraient, aujourd’hui  encore, un faible niveau…

16 heures ago
  • Développement durable

Sortie du mazout en Wallonie : Techlink appelle à une transition concertée et techniquement maîtrisée

Techlink, la fédération des métiers techniques du bâtiment, rappelle que le secteur CVC (pour Chauffage,…

18 heures ago
  • Société

A Liège, la nouvelle Cité Ecole Vivante dresse un bilan très stimulant de son modèle pédagogique

LIEGE. Alors que l’enseignement secondaire traverse une crise de sens, une initiative liégeoise prouve qu’un…

3 jours ago
  • Société

Il ne peut y avoir de paix durable sans justice internationale pour toutes les victimes de tous les crimes

Ce 11 décembre 2025, Amnesty International a publié un rapport détaillé sur les crimes de…

3 jours ago
  • Economie

L’ex-patronne de l’administration wallonne, Sylvie Marique, devient CEO de la coopérative de travailleurs, Smart Belgique

Environ 6 mois après avoir raté sa reconduction comme secrétaire générale du Service public de…

3 jours ago