Violences policières et charge de la preuve : l’enjeu autour des certificats médicaux est essentiel
Les violences policières sont une réalité. Instaurée en 1997, chaque année, la date du 15 mars est scandée par des manifestations organisées un peu partout dans le monde pour rappeler au pouvoir politique que l’usage de la force par ceux censés représenter la loi n’est pas acceptable. La magistrature est encore souvent trop clémente et la charge de la preuve parfois complexe. La Ligue des Droits Humains (LDH) plaide pour une meilleure prise en considération du certificat médical attestant des lésions physiques et psychiques subies par les victimes.
Selon Police Watch, l’Observatoire des violences policières de la Ligue des Droits Humains, le Belge dénonce un dérapage policier subi plus d’un jour sur deux, des contrôles policiers de plus en plus musclés et une impunité du phénomène. En termes de charge de la preuve, il semble plus facile pour un policier d’affirmer s’être fait agresser par un citoyen, que de démontrer des coups et blessures portés par un agent. Et les chiffres le prouvent : 86% des plaintes reçues sont déclarées non fondées par le Comité P, le Comité permanent de contrôle des services de police.
Parmi les 14% de dossiers acceptés, seules 3% aboutissent à un jugement. Outre la longueur et le coût des procédures, la plupart des policiers connus maltraitants ne sont pas écartés de leur fonction. L’avertissement est souvent la seule sanction hiérarchique et rares sont les victimes qui obtiennent réparation.
Résultat : seuls 41% des victimes osent encore porter plainte et un jeune sur deux ne fait plus confiance à la police. La LDH s’est entretenue avec des services d’urgence, des maisons médicales, des associations humanitaires et des médecins légistes. Cette analyse a donné lieu, en 2021, à un rapport. Pour qu’une victime de violences policières ait une chance de voir sa plainte aboutir, les éléments de preuve sont indispensables.
Le certificat médical : une preuve essentielle
Le rapport constate que l’enjeu autour des certificats médicaux est triple. Il est d’abord juridique. « La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ratifiée et signée par la Belgique, vise à promouvoir les investigations et le traitement judiciaire de ces faits par les Etats adhérents. Outre ces obligations, le Protocole d’Istanbul qui l’accompagne s’adresse aux experts (es) juridiques et aux professionnels (les) de la santé et offre un cadre de référence pour rédiger un certificat détaillé. Or, à ce jour, aucune norme nationale n’y fait référence dans notre pays et il reste méconnu de la plupart des professionnels (les) ».

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L’enjeu est également politique dans la mesure où cette question s’inscrit dans un contexte de définancement des services publics, dont les soins de santé et le système judiciaire sont parmi les plus touchés. Cette absence de moyens se répercute en premier lieu sur les personnes les plus fragilisées qui sont souvent aussi les premières victimes de violences policières.
Enfin, l’enjeu autour des certificats médicaux est également déontologique « compte tenu des fortes relations d’interdépendance que l’on constate entre le corps médical et les forces de l’ordre. Ceci est particulièrement vrai pour les services d’urgence, mais aussi dans les centres fermés et les prisons, où l’interdépendance entre médecins et policiers est particulièrement forte, sans séparation claire entre la sécurité du personnel et les droits du patient ».
La LDH demande que le Protocole d’Istanbul soit intégré dans la législation belge afin d’établir un cadre de référence en la matière. Le rapport recommande également à la ministre de l’Intérieur d’adopter une circulaire rappelant les obligations des forces de police en matière d’assistance médicale, notamment le strict respect des règles déontologiques policières et médicales.
Les autorités médicales sont quant à elles invitées à effectuer un rappel à toute la profession des obligations légales et déontologiques qui s’imposent dans le cadre de l’examen d’une personne privée de liberté et à ne pas transmettre de documents médicaux à d’autres personnes que le patient.
Que faire en cas de violences policières ?
« En cas de lésions physiques, prenez des photos de vos lésions. Que vous souhaitiez porter plainte ou non, rendez-vous chez votre médecin traitant, auprès d’une maison médicale ou d’un médecin généraliste pour faire constater vos lésions physiques et psychologiques de manière détaillée et dans les plus brefs délais. Demandez à ce que des photos soient jointes à votre dossier et prenez également des photos de l’évolution de vos lésions par la suite », conseille la LDH.
Pour connaître les étapes à suivre dans le cadre d’un dépôt de plainte : https://policewatch.be/. Témoin ou victime de violences policières, une permanence téléphonique vous écoute le lundi de 10h à 13h et le jeudi de 15h à 18h au 02 731 33 13.
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