OPINION

Reconnaissons les mérites de nos réacteurs nucléaires

BELGA

Le Gouvernement fédéral promet une décision sur la question du maintien des centrales nucléaires pour ce vendredi 18 mars. Une pluie de lettres a été adressée au premier ministre, poussant à abolir la loi anti-nucléaire de 2003 (voir réf. 1). Aux Etats-Unis, les réacteurs semblables aux nôtres sont autorisés à fonctionner 60 ou même 80 ans. Or, on entend des gens critiquer la production d’électricité à partir de réacteurs nucléaires, en évoquant le danger associé aux déchets et le risque d’accidents.

 

Les déchets nucléaires entre retraitement et enfouissement

Un député écologiste disait récemment que « nos réacteurs produisent des déchets pour lesquels on n’a pas de solution actuellement ». En vérité la solution est connue et tient en deux phases : le retraitement et l’enfouissement.

Dans les années 1990, Electrabel envoyait le combustible usé de ses réacteurs vers l’usine de La Hague en France, où l’on séparait uranium et plutonium des autres déchets, jugés irrécupérables. L’uranium et le plutonium étaient acheminés vers l’usine de Belgonucléaire à Dessel, où l’on fabriquait le combustible MOX (mixed-oxide) qui était recyclé dans les réacteurs. Malheureusement, le gouvernement interdit à Electrabel de retraiter son combustible au-delà de l’an 2000 ; et en 2005, Belgonucléaire dut fermer son usine (plus de détails : voir réf. 2 ci-dessous).

En fait la quantité de déchets du nucléaire est faible : elle équivaut à 3 grammes par habitant, dont seulement 1% reste radioactif pendant quelques milliers d’années. Et le retraitement en réduit la quantité à 3% ! Les Hollandais ont récemment confirmé la prolongation de leur centrale de Dodewaard (comparable à Doel 1 ou 2) à 60 ans ; le combustible usé est toujours retraité à La Hague, et le volume des déchets tient en un mètre cube par an.

Quant à l’enfouissement, les recherches au Centre de Mol SCK-CEN sont en cours depuis 30 ans dans les galeries souterraines HADES, creusées dans la couche d’argile dite de Boom, imperméable. Même les Français y sont venus entreposer des déchets à titre expérimental. L’ONDRAF/NIRAS, l’organisme officiel en charge, a présenté le projet d’enfouissement au gouvernement il y a plus de 10 ans, sans recevoir de réponse jusqu’à présent.

La Belgique, premier fournisseur mondial de radio-isotopes

La France envisage d’ouvrir bientôt son centre d’enfouissement des déchets à Bure, en Champagne. La Finlande a ouvert son site de dépôt de déchets près de la centrale d’Olkiluoto.  Greenpeace-Finlande a applaudi cette décision. La Suède vient aussi de décider l’enfouissement de ses déchets.

On voit donc que les solutions sont bien connues et déjà appliquées. Naturellement, certains réacteurs du futur permettront des améliorations. Ainsi, en Belgique, le projet Myrrha du Centre de Mol convertira les actinides mineurs, autres isotopes lourds à très longue demi-vie radioactive, en ramenant cette demi-vie à quelques 300 ans.

La Belgique est d’ailleurs le premier fournisseur au monde d’isotopes radioactifs médicaux.

La radioactivité n’a tué personne. Au contraire, elle est utilisée dans nombre de traitements médicaux pour guérir. La Belgique est d’ailleurs le premier fournisseur au monde d’isotopes radioactifs médicaux : le réacteur BR2 à Mol, en activité depuis 60 ans ( !) produit ces isotopes par irradiation, et l’Institut des Radio-éléments (IRE) de Fleurus les conditionne pour envoi aux hôpitaux du monde entier.

Quid des risques d’accidents ?

Certains aiment parler de « catastrophes nucléaires ». En fait, on n’a connu jusqu’à présent qu’une seule catastrophe nucléaire, celle de Tchernobyl en 1986. Par contre, il est faux de qualifier la catastrophe de Fukushima de « nucléaire ». Certes, on a craint que l’accident majeur de perte de refroidissement des réacteurs mène à une catastrophe. Mais heureusement, les travailleurs de la centrale ont réussi à refroidir progressivement le réacteur et à limiter la quantité de radioactivité qui s’en est échappée : elle fut à peine supérieure à la radioactivité naturelle.

A Tchernobyl, la catastrophe résulta à la fois d’une incroyable erreur de membres du personnel et de défauts de conception. Ce genre de réacteur RBMK est instable à basse puissance (coefficient de vide positif). En avril 1986, des opérateurs voulurent effectuer des tests qui n’avaient pas été faits lors du démarrage quelques mois plus tôt. Ils le firent à l’insu de la direction et retirèrent les barres de commande quand il fallait les insérer dans le cœur. En cause donc, une formation du personnel et un vice de conception du cœur, ainsi qu’un confinement trop léger. Voilà ce qui n’est pas du tout le cas chez nous, où le personnel est formé de façon rigoureuse, où la conception est soignée et l’enceinte du cœur est robuste et étanche.

Un accident grave avait eu lieu à Three Mile Island aux Etats-Unis en 1979. Une vanne se bloqua, entraînant une surchauffe du cœur, suivie de fusion du combustible. Mais le confinement tint bon, la radioactivité monta à peine aux abords du réacteur. L’évacuation d’urgence décidée dans la région n’était même pas nécessaire.

Cet accident mena à un renforcement de la conception du cœur. Ainsi, un système de recombinaison d’hydrogène fut placé dans le circuit primaire, pour empêcher que l’hydrogène éventuellement produit par la surchauffe des gaines du combustible mène à une surpression du circuit. Ce genre d’amélioration fut apporté à tous les réacteurs PWR (à eau pressurisée), dont ceux de Doel et de Tihange.

Abolir la loi de sortie du nucléaire

Les peurs liées au traitement des déchets ainsi qu’aux risques d’accidents sont à surmonter, comme on vient de le voir. Et la Belgique peut renoncer à sa loi anti-nucléaire. Après Tchernobyl, la Suède avait elle aussi voté une loi anti-nucléaire. Mais quand il devint clair qu’un accident semblable ne pouvait pas arriver dans leurs réacteurs, les Suédois ont très logiquement supprimé cette loi. La Suède est en tête, avec la France, des pays qui produisent le moins de CO2, grâce à leur électricité issue pour moitié des réacteurs et pour moitié des barrages hydroélectriques.

Les peurs liées au traitement des déchets ainsi qu’aux risques d’accidents sont à surmonter, la Belgique peut renoncer à sa loi anti-nucléaire.

L’électro-nucléaire est avantageux à tous égards : production sûre et stable, bon marché et très peu de gaz à effet de serre (pas de CO2 du tout en fonctionnement, mais un peu quand on tient compte de la construction, de l’entretien et du démantèlement).

Notre Premier Ministre et la Ministre de l’Energie ont reçu une pluie de lettres. De qui ? De citoyens bien informés, notamment d’ingénieurs et professeurs d’université. De gens qui suivent ce que répètent le GIEC (« sans le nucléaire on n’arrivera pas à la neutralité carbone en 2050 »), ou l’Agence Internationale de l’Energie (AIE).

Nous appelons toutes les personnes qui se disent écologistes de bien s’informer sur le sujet. Qu’ils suivent ce que répète le GIEC (« sans le nucléaire on n’arrivera pas à la neutralité carbone). Ils ne pourront alors que soutenir l’abandon de la loi anti-nucléaire, en reconnaissant que l’électricité d’origine nucléaire est très écologique !

Servais PILATE, Jacques MARLOT
Georges VAN GOETHEM, membres de
l’association citoyenne 100TWh (www.100TWh.be)

Réf. 1 : « Pluie de lettres ouvertes à Alexander De Croo pour dénoncer la sortie du nucléaire » par Ph. Lawson, le 30/1/2022.

Réf. 2 : « Arrêtons l’hypocrisie et tournons-nous vers le nucléaire » par S. Pilate et al, article paru dans La Libre le 23/7/2020.