En pleine présidentielle, l’extrême droite agite frénétiquement cette peur de l’invasion. Selon un récent sondage, 67% des Français s’inquiètent d’un grand remplacement. Les populations européennes, blanches et chrétiennes, seraient menacées d’extinction à cause de l’immigration musulmane provenant du Maghreb et d’Afrique noire. Cette affirmation abondamment martelée par Éric Zemmour est-elle une vraie menace ou un faux complot ? Alors qu’Hervé Le Bras, directeur d’études à l’EHESS, démonte dans un essai incisif cette théorie du remplacement, Nicolas Lebourg signe un documentaire : « Ce n’est pas une théorie mais un slogan ». Les deux historiens nous fournissent les armes intellectuelles pour combattre le concept.
C’est l’écrivain Renaud Camus, figure des milieux identitaires, qui a développé la théorie d’une « submersion de la France » par un prétendu « envahisseur étranger » d’abord dans « l’Abécédaire de l’innocence », publié en 2010, puis dans « Le changement de peuple », paru en 2013. Avec Éric Zemmour, la théorie gagne en visibilité. Selon une enquête Challenges-Harris Interactive 67% des Français croient à cette théorie et s’en inquiètent. On les retrouve aussi chez certains partisans d’Emmanuel Macron.
« Plus de 6 Français sur 10 estiment que ce phénomène va se produire, dont plus d’un quart estimant que ce phénomène va certainement se produire », indiquent les auteurs de l’étude. Ce grand remplacement se réaliserait « avec la complicité des élites dirigeantes, capitalistes, mondialistes et avides de main-d’œuvre docile et bon marché ». Ces adeptes prétendent qu’il est constat et qu’il n’a donc pas besoin de démonstration. Et pourtant, deux historiens font l’exercice.
Quelques semaines après « Le grand enfumage », aux Editions Aube, qui analyse le vote populiste dans sept pays européens, Hervé Le Bras publie « Il n’y a pas de grand remplacement », aux Editions Grasset.
Dans un petit ouvrage technique mais enlevé, le démographe et historien convoque les statistiques et démontre que cette locution ne recouvre aucune réalité. Elle témoigne, au contraire, d’une remarquable faiblesse politique.
« Depuis plus d’un siècle, l’extrême droite agite la peur de l’invasion : celle des chinois d’abord, celle des Italiens et des Allemands ensuite avant 1914, celle des Polonais et des Yougoslaves avant 1939 et enfin celle des Maghrébins puis de tous les Africains, récemment », explique Hervé Le Bras. « A l’analyse de la démographie mondiale et des flux migratoires, la théorie du remplacement n’est qu’une fable fausse, imagée, travaillant la peur, et dont il plutôt faut comprendre la cause et les motivations politiques ».
Hervé Le Bras est également interviewé dans le documentaire de Nicolas Lebourg : « Ce n’est pas une théorie mais un slogan ». Il y confirme, avec un peu de mathématiques, que les projections faites par Renaud Camus aboutissent à un impact de 5% de la population française au bout d’un siècle.
« Les gens prennent toujours tel quartier ou telle ville en exemple. Or, s’il y a effectivement des quartiers pauvres en France avec 60% d’étrangers, c’est loin d’être la majorité. Confondre la part et le tout, c’est l’erreur de raisonnement type ». L’idée d’un « grand remplacement » est mortifère et n’existe pas, mais les réseaux sociaux ont permis une transnationalisation de la formule et une amplification du phénomène.
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En résumé, pour les deux historiens, la vision d’une masse compacte d’immigrés musulmans menaçants qui viendrait submerger l’Europe ne correspond pas à la réalité.
« Ce n’est pas un combat qui relève du débat en sciences sociales, mais un projet politique. Pour faire qu’il y ait un deuxième candidat d’extrême droite à l’élection présidentielle challengeant Marine Le Pen, il fallait bien qu’il y ait affirmation d’une offre politique différente. Ce fatras idéologique sert de justification à d’inquiétantes menaces politiques telles que la remigration, la dénaturalisation, l’interdiction de prénoms non catholiques et suppression des corps intermédiaires accusés d’encourager ce prétendu remplacement. Tout cela constitue un dangereux mensonge, qui masque et déforme les problèmes parfois graves posés par l’immigration au détriment de réponses sérieuses. Et puis, les groupes humains ne restent pas fixés dans des catégories théoriques. Les individus se transforment à mesure qu’ils vivent dans un pays et c’est grâce aux politiques d’intégration, plus ou moins bien ou mal menées, que cette intégration est possible ».
« Le Grand remplacement : histoire d’une idée mortifère » – Un documentaire de Thomas Zribi et Nicolas Lebourg, produit par Caroline du Saint. Image de Joseph Haley – Montage de Manuel Guillon – Coproduction Nova Production / LCP-Assemblée nationale
« Il n’y a pas de grand remplacement », un essai de Hervé Le Bras, Edition Grasset, mars 2022.
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