Devoir de mémoire : ouverture anticipée des archives des procès impliquant Maurice Papon
Bordeaux, 2 avril 1998. Maurice Papon (à droite) à son procès - AFP Dix ans avant la date normalement prévue, les ministres français de la Justice et de la Culture ont autorisé l’accès aux archives des procès de Maurice Papon, accusé de crimes contre l’humanité commis quand il était secrétaire général de la préfecture de Gironde, entre 1942 et 1944, sous l’occupation de la France par les forces armées du Troisième Reich. Après 16 ans de procédure, l’ancien fonctionnaire de Vichy avait été condamné en 1998 pour son rôle joué dans la déportation de 1.690 juifs. Cette ouverture anticipée s’inscrit dans le prolongement d’une série d’arrêtés qui ont permis l’accès progressif des fonds d’archives publiques relatifs à la Seconde Guerre mondiale. Le but de cet accès aux sources contribue à lutter contre le révisionnisme et l’oubli.
Lutter contre le révisionnisme et l’oubli
Selon un arrêté publié le 4 avril au Journal officiel, le Gouvernement français a autorisé de façon anticipée l’accès aux archives des procès de Maurice Papon. « Par dérogation, les archives publiques relatives aux procès impliquant Maurice Papon peuvent être librement communiquées dix ans avant la date normalement prévue pour leur ouverture », indique l’arrêté daté du 28 mars. Pour ce type de documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions, le code du patrimoine prévoit normalement un délai de 75 ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier, ou un délai de 25 ans à compter de la date du décès de l’intéressé si ce dernier délai est plus bref. « Cette ouverture s’inscrit dans le prolongement d’une série d’arrêtés qui, entre 1998 et 2015, ont permis l’accès progressif des fonds d’archives publiques relatifs à la Seconde Guerre mondiale », a précisé le ministère de la Culture dans un communiqué.
La communication de ces archives est donc désormais permise à quiconque en fait la demande. Élaborés entre 1983, date de la première inculpation de Maurice Papon, et 2004, date à laquelle le pourvoi de ce dernier a été rejeté par la Cour de cassation, les dossiers visés par cette ouverture couvrent ainsi l’ensemble de la procédure judiciaire.
Une vue des archives. Crédit: ministre français de la Justice. Déportation de 1.690 personnes
L’affaire Papon démarre par huit plaintes déposées par l’avocat bordelais Maître Gérard Boulanger, le 8 décembre 1981, suite à la publication, le 6 mai précédent dans « Le Canard Enchaîné », de documents signés de la main de Maurice Papon, alors ministre délégué au budget du gouvernement de Raymond Barre. Ces derniers tendent à prouver sa responsabilité dans la déportation vers le camp de Drancy de 1.690 Juifs de Bordeaux, dont 288 enfants, entre 1942 et 1944, sous l’occupation de la France par les forces armées du Troisième Reich. Ces documents avaient été découverts dans les archives départementales de la Gironde par Michel Bergès, un jeune universitaire qui effectuait des recherches sur la collaboration économique.
Après 16 ans de procédure et au terme d’un procès de six mois devant la cour d’assises de Bordeaux, le 2 avril 1998, Maurice Papon est condamné à 10 ans de réclusion criminelle pour son rôle dans la déportation de Juifs de la région bordelaise vers le camp de Drancy, d’où ils ont ensuite été acheminés vers le camp d’extermination d’Auschwitz. Il sera remis en liberté à 92 ans le 18 septembre 2002, en raison de son état de santé. Il est décédé le 17 janvier 2007, à l’âge de 96 ans. Ni pendant son procès, ni après sa condamnation, il n’émettra une quelconque repentance pour les faits commis.
