Santé

L’Etat belge détruit son stock de masques : une histoire de mauvaise gestion à répétition


En raison de « leur péremption ou de leur qualité insatisfaisante », le gouvernement fédéral doit se résoudre à la destruction de près de 100 millions d’euros de masques, matériel de test et de médicaments. Une information diffusée par la RTBF au début du mois d’avril et confirmée par l’Echo ce jeudi. Après avoir dépensé des sommes astronomiques pour constituer ces stocks, notamment auprès de la société Avrox, leur destruction coûtera la bagatelle de 1,3 million d’euros. En 2015 et en 2018, à l’initiative de l’ancienne ministre de la Santé publique Maggie De Block (Open VLD), l’Etat avait déjà procédé à la destruction de millions de masques. Force est de constaté qu’avec l’émergence du SARS-CoV-2, le virus du gaspillage public se s’est pas éteint dans notre pays.

Un montant qui fait mal

La Belgique va devoir détruire pour 98,5 millions d’euros de matériel pour lutter contre le coronavirus. On trouve ainsi pour près de 25 millions d’euros de matériel périmé, dont 8,4 de tests sérologiques acquis en avril 2020. 6,4 millions d’euros de kits de test PCR sont également mentionnés et 3,9 millions d’euros de tubes que le SPF Santé a tenté, en vain, de revendre aux laboratoires cliniques.
À ces montants, s’ajoutent pour 52 millions d’euros d’équipements de protection individuelle.
Des masques principalement (chirurgicaux et de protection) qui ne passent pas les protocoles de test de qualité et dont le SPF Économie n’autorise donc pas la distribution, précise le ministre de la Santé. La destruction de tous ces stocks coûtera environ 1,3 million.

« Des quantités considérables de matériel ont dû être achetées à court terme sur un marché qui, à l’époque, ne fonctionnait pas de manière optimale (…) Cette situation a conduit à l’achat de matériel parfois de moindre qualité ou à l’achat d’une trop grande quantité de matériel pour être certain de couvrir tous les besoins. Dans certains cas, on a également acheté du matériel qui n’a pas été utilisé par la suite en raison d’un changement d’approche », a reconnu le ministre de la Santé Frank Vandenbroucke dans une note adoptée par le gouvernement et citée dans l’Echo.

Le sort des masques Avrox scellé

Le stock belge des masques Avrox va également être entièrement détruit. La Défense a, en effet, demandé la destruction d’un peu moins de 7 millions de masques stockés en son sein. C’est ce qui reste des 18 millions d’unités acquises en mai 2020 auprès de la société Avrox, basée au Luxembourg, pour être distribuées à la population belge. La valeur du stock restant est estimée à 17,3 millions d’euros.
Rappelons que le gouvernement fédéral ne se doutait pas, à l’époque, que cette commande signifierait le début d’une saga judiciaire, l’entreprise luxembourgeoise n’ayant jamais été en mesure de fournir dans le temps imparti les quantités commandées.

La qualité des masques elle-même était mise controversée. Des doutes sur une possible toxicité en raison de la présence de nanoparticules d’argent et de dioxyde de titane ont eu raison de la distribution de ces protections buccales gratuites. Une enquête ouverte par le parquet de Bruxelles a débouché sur l’arrestation de quatre personnes soupçonnées pour des faits de faux, escroquerie et blanchiment d’argent dans le cadre de cette transaction évaluée à 32 millions d’euros.

En mars 2021, la ministre de la Défense Ludivine Dedonder annonçait qu’environ 7 millions de ces masques attendaient toujours dans une caserne. Aujourd’hui, il semblerait que le sort de ces protections buccales de piètre qualité soit scellé. Une coquette somme jetée par la fenêtre, en attendant la fin de l’instruction judiciaire et un éventuel procès.

Bis in idem repetitas

Ce n’est pas la première dépense inutile de l’Etat dans le domaine de la santé. En 2006, dans le cadre de son plan de lutte anti-pandémie, le gouvernement belge en fonction possédait une réserve stratégique de dizaines de millions de masques. Au début de la crise du coronavirus, en mars 2020, il est subitement apparu que ce stock n’existait plus.

Les masques étaient à l’origine entreposés dans la caserne de Belgrade, près de Namur. Mais les conditions de conservation laissant à désirer, une partie du stock avait été endommagée. Par l’humidité et par des rongeurs. Une partie des réserves avait aussi dépassé la date de péremption. Fin 2015, la ministre de la Santé Maggie De Block faisait donc détruire une première partie de la réserve. Cinq millions de masques FFP2 périmés ont ainsi été envoyés à l’incinérateur.

Les 22 millions de masques chirurgicaux restants ont été conservés dans l’établissement militaire jusqu’à la fin de l’année 2018. Mais comme le domaine militaire devait être vendu, le cabinet de la ministre a opté pour une destruction complète des protections buccales.

Pour procéder à la destruction des masques chirurgicaux de la réserve stratégique, Maggie De Block s’est appuyée sur les conseils de Sciensano, qui affirmait que ces masques n’étaient plus utilisables. Les services de la ministre de l’époque n’ont cependant jamais demandé que leur qualité soit testée, avant de décider de leur sort. Or, les boîtes de masques stockées n’avaient pas de date de péremption et il semble que rien n’indiquait qu’elles étaient en mauvais état.


Recent Posts

  • Economie

Jean-Luc Maurange récupère son poste de CEO du groupe John Cockerill

Le groupe d’ingénierie multisectoriel a annoncé ce lundi matin, 15 décembre 2025, que le Français…

10 heures ago
  • Société

Australie : au moins 15 morts et 40 blessés dans la plus grave attaque antisémite de l’histoire du pays

Deux hommes vêtus de noir ont ouvert le feu, dimanche 14 décembre 2025, en fin…

1 jour ago
  • Société

L’analphabétisme demeure, chez nous aussi, un enjeu majeur

Entre 15 et 20% des adultes en Belgique francophone, présenteraient, aujourd’hui  encore, un faible niveau…

2 jours ago
  • Développement durable

Sortie du mazout en Wallonie : Techlink appelle à une transition concertée et techniquement maîtrisée

Techlink, la fédération des métiers techniques du bâtiment, rappelle que le secteur CVC (pour Chauffage,…

2 jours ago
  • Société

A Liège, la nouvelle Cité Ecole Vivante dresse un bilan très stimulant de son modèle pédagogique

LIEGE. Alors que l’enseignement secondaire traverse une crise de sens, une initiative liégeoise prouve qu’un…

3 jours ago
  • Société

Il ne peut y avoir de paix durable sans justice internationale pour toutes les victimes de tous les crimes

Ce 11 décembre 2025, Amnesty International a publié un rapport détaillé sur les crimes de…

3 jours ago