IRLANDE DU NORD

Après la victoire du Sinn Féin aux législatives, le blocage politique menace en Irlande du Nord

Michelle O’Neill (C), vice-première ministre d’Irlande du Nord et chef du parti républicain irlandais du Sinn Fein, flanquée de la présidente du parti, Mary Lou McDonald (à droite) et de John Finucane (à gauche), membre du parti, lors d’une conférence de presse dans les bâtiments du Parlement, à Stormont, le 9 mai 2022. AFP

L’Irlande du Nord a sombré dans une crise politique après que le triomphe du Sinn Féin aux élections législatives ait déclenché des appels à un référendum sur une Irlande unie. Le parti unioniste démocrate, le DUP s’est engagé à bloquer la formation d’un nouvel exécutif de partage du pouvoir à Stormont. Les partisans du Sinn Féin ont célébré leur victoire samedi dans toute la région lorsque le décompte final des votes a confirmé leur victoire, permettant ainsi à l’ancienne branche politique de l’Armée Républicaine Irlandaise (IRA) d’avoir la main pour nommer la future Première ministre locale en 100 ans d’histoire. Le Sinn Féin a remporté 29% des voix (27 sièges sur 90) et sera le plus grand parti de l’assemblée locale de Stormont, un moment historique pour l’Irlande du Nord.

 La dirigeante du Sinn Féin, Mary Lou McDonald, avait un message pour les unionistes : « N’ayez pas peur. L’avenir sera radieux pour nous tous ». Elle a ajouté qu’il y avait une responsabilité collective pour que le gouvernement « soit opérationnel rapidement. Ce n’est pas le moment de faire du théâtre, ce n’est pas le moment de jouer à des jeux, c’est le moment d’une politique de partenariat sensée pour les adultes, c’est ce que les gens veulent », a-t-elle poursuivi. « L’idée, à l’heure d’une crise du coût de la vie, que les gens se tiennent à l’écart(…). Nous invitons tout le monde à faire le point ».

Un referendum en Irlande

Devançant désormais les unionistes au pouvoir depuis des décennies, le Sinn Féin a promis de faire fonctionner la région et a envoyé un message clair au gouvernement de Boris Johnson indiquant qu’un référendum sur une Irlande unie était désormais à l’ordre du jour. Pour rappel, le Sinn Féin est au pouvoir à Stormont avec d’autres partis depuis 15 ans, mais c’est la première fois que le parti en faveur de réunification de l’Irlande a la main pour le poste de Premier ministre.

Ce n’est pas le moment de faire du théâtre, ce n’est pas le moment de jouer à des jeux, c’est le moment d’une politique de partenariat sensée.

Après l’Ecosse, dirigée par les indépendantistes du Scottish National Party, c’est donc une deuxième fissure au sein du Royaume-Uni.

Depuis sa création en 1921, l’Irlande du Nord a toujours été unioniste partisan de l’appartenance au Royaume-Uni. Les nationalistes veulent un référendum pour quitter les britanniques. La guerre civile entre catholiques et protestants a fait 3.500 morts. Dans certaines villes, on voit des couleurs pro Union européenne ou pro Royaume-Uni.

Elodie Fabre, Maître de conférences en politiques à l’Université Queens de Belfast, nous expliquait, « on a vu le Sinn Féin et le DUP essayer de parler du coût de la vie, du futur du NHS (système de santé britannique) et pas seulement de la fonction constitutionnelle. C’est une façon pour les deux partis de dire votez pour nous aussi. On n’est pas que des partis qui s’intéressent exclusivement aux questions constitutionnelles ». Mais l’universitaire, si le DUP a perdu des voix, c’est parce qu’il est dépassé par son aile unioniste. Après il y a eu des problèmes internes qui ont terni l’image du part ».

Risque de nouvelles élections en Irlande du Nord

Le Sinn Féin nommera sa chef adjointe, Michelle O’Neill, comme première Première ministre nationaliste d’Irlande du Nord. Alors que les unionistes de certains centres de comptage ont été visiblement stupéfaits par l’ampleur de leur défaite, il y avait de la jubilation chez les partisans du Sinn Féin. La présidente du parti, Mary Lou McDonald, a déclaré à la télévision TalkTV qu’elle pensait qu’un sondage sur une Irlande unie serait possible « dans un délai de cinq ans ».

Le chef du DUP, Jeffrey Donaldson, a déclaré qu’il refuserait de rejoindre une nouvelle administration tant que le gouvernement britannique n’aurait pas « traité » le protocole d’accord sur le Brexit qui établissait une frontière commerciale en mer d’Irlande. Or, sans un premier ministre et un vice-premier ministre, l’exécutif ne peut pas fonctionner pleinement, les ministres étant empêchés d’élaborer de nouvelles politiques, d’approuver des budgets ou d’introduire des réformes des soins de santé indispensables. Des sources importantes du DUP ont indiqué qu’elles organiseraient une réunion  urgente avec Downing Street (résidence du Premier ministre britannique, Boris Johnson) pour faire passer le message que leur boycott pourrait mettre l’assemblée en pause jusqu’à Noël. En vertu des lois introduites en février visant à empêcher un effondrement total du partage du pouvoir, les partis disposeront de quatre séries de fenêtres de six semaines pour former un exécutif ou un cabinet.

Si aucun exécutif n’est formé, le secrétaire d’Irlande du Nord doit convoquer de nouvelles élections, qui à leur tour doivent avoir lieu dans les 12 semaines, repoussant les chances d’un gouvernement entièrement décentralisé à décembre. Pendant ses 50 premières années, l’Irlande du Nord a été gouvernée exclusivement par des unionistes, et depuis l’accord du Vendredi saint en 1998, un politicien unioniste a toujours été Premier ministre. La nouvelle assemblée se réunira d’ici vendredi et élira un président, qui demandera ensuite aux partis leur candidats au poste de premier ministre et de vice-premier ministre.

La situation en Irlande du Nord risque de donner des idées à d’autres acteurs menaçant ainsi l’unité du Royaume-Uni. En effet, La Première ministre écossaise, Nicola Sturgeon, a réitéré son engagement à organiser un nouveau référendum sur l’indépendance de l’Écosse avant la fin de 2023, malgré la forte opposition de Londres. Sturgeon a félicité le Sinn Fein sur son compte Twitter.

Alexander Seale (à Londres)