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Rue de Russie ou rue d’Ukraine ? A Saint-Gilles, les noms de rues ne changeront pas


En raison de l’offensive russe contre l’Ukraine, dans plusieurs villes d’Europe, certains noms de rue évocateurs dérangent. A Bruxelles aussi d’aucuns aimeraient effacer la consonance russe. Changez le nom de ces rues, c’est ce que demande le MR. Une résolution en ce sens a été déposée, début mai, aux conseils communaux de St-Gilles et de Bruxelles par les élus libéraux Geoffroy Coomans de Brachène, échevin de l’Urbanisme et du Patrimoine à la Ville de Bruxelles, et son collègue de parti Marc Naether, conseiller communal. Faut-il rebaptiser la rue de Russie en rue de l’Ukraine ? Ou changer le nom de l’avenue de Stalingrad ? Dans un long message publié sur Facebook que nous reproduisons dans son intégralité, Charles Piqué (PS), le bourgmestre de Saint-Gilles, s’y refuse, donnant par la même occasion une leçon d’histoire. La Russie ne doit pas être réduite à Poutine.

Rue de Russie ou rue d’Ukraine ?

C’est la question qu’on me pose depuis qu’un groupe politique a proposé le changement de nom des rues de Russie et de Moscou.  Les nom des rues ne seront pas changés et voici pourquoi.

L’invasion russe de l’Ukraine nous indigne légitimement. Dès les premiers jours nous avons symboliquement hissé le drapeau de l’Ukraine sur l’Hôtel de Ville et il y flotte toujours. La commune et le CPAS de Saint-Gilles se sont également inscrits dans le dispositif fédéral et régional organisant l’accueil des Ukrainiens.

L’action de la commune vient se joindre à toute une série d’initiatives individuelles au sein de notre population et que je veux saluer. Et Saint-Gilles n’a pas attendu la guerre d’Ukraine pour être une commune solidaire qui vient en aide aux réfugiés.

Les grands moments de l’Histoire recèlent une charge d’émotion qu’on ne découvre que lorsqu’on y est confronté. C’est notre tour aujourd’hui.

 Ces rues ne sont pas les alliées de Monsieur Poutine mais des jalons posés pour l’avenir.

Un premier mouvement est de faire disparaitre les traces rappelant le fautif, l’agresseur. Après la Première Guerre Mondiale, Saint-Gilles a changé le nom de plusieurs rues rappelant l’Allemagne et ses alliés. Et d’ailleurs en 1939, après l’invasion de la Finlande par la Russie, une pétition adressée à l’administration de Saint-Gilles a demandé que la rue de Russie soit débaptisée au profit de la rue de Finlande. Le Collège dans sa séance du 14 mars 1940 a estimé qu’il n’y avait pas lieu de débaptiser la rue de Russie.

La rue d’Espagne est restée la rue d’Espagne lors de la dictature franquiste. Le régime franquiste est passé, l’Espagne est restée. La rue d’Albanie est restée la rue d’Albanie durant la dictature communiste d’Enver Hoxha. Le communisme s’est écroulé, l’Albanie est restée. Je pourrai faire de même avec la rue de Roumanie, du Portugal, de Rome, de Pologne ou encore de Serbie évidemment.

L’Ukraine mérite une place dans l’espace public saint-gillois, elle est entrée dans notre quotidien et fait partie de la famille européenne

Nous garderons leur nom aux rues de Russie et de Moscou parce que nous ne sommes pas de ceux qui veulent effacer une culture et un pays. Les garder pour montrer que nous, nous espérons qu’on jour une Russie démocratique, celle qui est actuellement réduite au silence dans les commissariats et les camps de travail, émergera de la dictature comme un jour cela s’est passé en Espagne, au Portugal, en Roumanie, en Pologne, en Serbie.

Ces rues ne sont pas les alliées de Monsieur Poutine mais des jalons posés pour l’avenir.

Et s’il devait avoir encore un autre argument je dirais ceci : Au tout début de la collecte des hébergements, une famille russe de notre commune s’est proposée pour accueillir une famille ukrainienne. Dans leur courrier ils y exprimaient une certaine gêne, voulaient s’assurer que la famille ukrainienne à qui on proposerait leur logement n’en soit pas dérangée. Cette famille d’accueil n’est-elle pas, elle aussi, la Russie ?

Par contre, je crois que l’Ukraine mérite une place dans l’espace public saint-gillois, elle est entrée dans notre quotidien et fait partie de la famille européenne. Son combat pour sa survie, et pour la défense de sa démocratie, mérite notre hommage et nous allons examiner la manière de la concrétiser.

 

Charles PIQUE

 

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