EDITO

Fusillade raciste aux USA : les conséquences de la haine de l’autre

Dépôt de gerbes de fleurs près d'un supermarché Tops où a eu lieu la fusillade raciste, le 15 mai 2022, à Buffalo,

Les Etats-Unis ont été dramatiquement secoués samedi 14 mai, dans l’après-midi, par une fusillade qui s’est déroulée dans un centre commercial à Buffalo, une ville de l’ouest de l’Etat de New-York. Même s’il a été rapidement interpellé, l’assaillant présumé, Payton Gendron, a eu le temps de tuer 10 personnes, majoritairement des Afro-Américains. Le caractère raciste de l’acte semble se confirmer, car le jeune homme de 18 ans est présenté par la police comme un suprémaciste blanc ayant rédigé un manifeste de 180 pages mettant en avant la « théorie du grand remplacement ». Les adeptes de cette théorie fumeuse soutiennent que les blancs risquent d’être remplacés par des personnes de couleurs.

Cette « théorie du grand remplacement » a aussi ses défenseurs en Europe dont un illustre représentant n’est autre que le journaliste-polémiste français, Eric Zemmour, candidat malheureux aux dernières élections présidentielles d’avril 2022. Même s’il n’a obtenu qu’un peu plus de 7% des voix, le candidat du parti Reconquête a réussi à séduire quelques centaines de milliers de Français avec un discours qui suinte la haine de l’autre, le rejet d’une société multiculturelle et la préférence nationale. Or, cette « théorie du grand remplacement » ne traîne dans son sillage que malheurs et drames. Elle a notamment inspiré les attaques de deux mosquées à Christchurch, en Nouvelle-Zélande, le 15 mars 2019 par un terroriste d’extrême-droite faisant 51 morts et 49 blessés. C’est aussi au nom de cette théorie qu’Anders Behring Breivik a perpétré les attentats du 22 juillet 2011 sur l’île norvégienne d’Utoya tuant 77 personnes par balles. Dans un grand manifeste de plusieurs pages, il accusait les « marxistes culturels » d’organiser une colonisation de l’Europe par l’Islam.

Une idée fausse, mais claire et précise, aura toujours plus de puissance dans le monde qu’une idée vraie, mais complexe.

Vu le discours simpliste de cette « théorie du grand remplacement » qui flatte les bas instincts des individus désignant l’autre, en l’occurrence l’étranger ou ceux qui viendraient à le soutenir, comme un danger, sa propagation risque de s’accentuer si l’on n’y prend pas garde. Car, comme le relève le penseur politique et écrivain français, Alexis de Tocqueville, au 19ème siècle, « une idée fausse, mais claire et précise, aura toujours plus de puissance dans le monde qu’une idée vraie, mais complexe ».

Les responsables politiques ou tous ceux qui aspirent à jouer un rôle dans la conduite des affaires des Etats ont une grande responsabilité dans la lutte contre la propagation de la « théorie du grand remplacement ». Faire preuve de pédagogie en expliquant aux citoyens combien une société inclusive et ouverte au monde est plus agréable et source d’épanouissement que de cultiver la haine de l’autre. Mais c’est un combat de tout le monde. L’étranger n’est nullement la source de tous les maux des pays occidentaux. Au contraire, il peut être une des solutions de l’équation en vue d’une société généreuse, solidaire  et prospère pour tous ses citoyens. Certes, il peut y avoir quelques complications sur le parcours, mais elles ne doivent pas nous faire oublier l’objectif principal qui est celui d’œuvrer pour le bien-être de chacun.

L’étranger n’est nullement la source de tous les maux des pays occidentaux. Au contraire, il peut être une des solutions de l’équation.

C’est aussi au nom de la haine de l’autre (et ici pas spécialement l’étranger) que d’autres fusillades endeuillent la population. La dernière en date est celle de dimanche qui s’est déroulée dans une église de Californie, 24 heures après celle de Buffalo, et qui a fait provisoirement un mort et plusieurs blessés.