Erreur judiciaire ? Les ratés de l’enquête pourraient blanchir Omar Raddad
Gracié mais sans jamais être innocenté, l’ancien jardinier marocain plaide toujours son innocence et attend que justice lui soit rendue. Rebond spectaculaire : le dossier Omar Raddad vient d’être réouvert par la justice française. C’est une première étape vers la révision éventuelle de son procès. L’ancien jardinier avait été condamné en 1994 à dix-huit ans de réclusion criminelle pour le meurtre, le 23 juin 1991, de Ghislaine Marchal (65 ans), la veuve d’un riche équipementier automobile français. Vingt-huit ans plus tard, de nouveaux éléments pourraient le disculper. Notamment une enquête de gendarmerie qui a mis au jour, dès 2004, une piste crédible et non creusée allant à l’encontre du scénario privilégié par la justice. Se dirige-t-on vers l’épilogue de l’une des affaires criminelles les plus célèbres et les plus controversées de France ?
Un dépôt d’empreintes tierces
Le 16 décembre dernier, la justice française a décidé de rouvrir le dossier Omar Raddad. Elle a ordonné un complément d’information, première étape vers une éventuelle révision du procès, après que la défense, en s’appuyant sur un rapport révélé par la presse, avait déposé, six mois auparavant une demande de révision du procès, une procédure exceptionnelle en France.
Le rapport établi en 2019 par un expert privé a conclu à la présence d’une trentaine de traces d’un ADN complet masculin n’appartenant pas au jardinier et trouvées dans l’une des fameuses inscriptions faites avec le sang de la victime, qui désignaient Omar Raddad comme le meurtrier.
L’expert Laurent Breniaux, qui a analysé 35 traces d’un des ADN présents dans la fameuse inscription « Omar m’a tuer », favorise, dans son rapport, l’hypothèse d’un dépôt d’empreintes au moment des faits, et non d’une « pollution » ultérieure par les enquêteurs, comme cela avait été privilégié à l’époque des faits. En d’autres termes, ces traces génétiques auraient pu être déposées par l’auteur de l’inscription, qui ne serait alors pas madame Marchal, mais potentiellement le véritable meurtrier, selon Maître Sylvie Noachovitch, l’avocate d’Omar Raddad.
Un cambriolage qui a mal tourné ?
Si la défense de Raddad comptait jusqu’ici sur les progrès de la science en matière d’ADN pour établir l’innocence de son client, elle s’appuie désormais sur un nouvel élément révélé dans un ouvrage qui vient de paraître, sous le titre Ministère de l’Injustice, aux Editions Grasset.
Les auteurs, Jean-Michel Décugis, Marc Leplongeon et Pauline Guéna, ont enquêté dans les coulisses des plus grandes affaires de ces dernières années en France.
L’ouvrage évoque une « piste cachée » qui dévoilé l’existence d’une enquête menée entre 2002 et 2004 par des gendarmes distincts de ceux qui ont effectué l’enquête initiale et qui aurait probablement innocenté l’ancien jardinier marocain, mais qui a été mystérieusement interrompues, selon leurs procès-verbaux. Toujours selon cette piste, le meurtre de Ghislaine Marchal serait en fait le résultat d’un cambriolage ayant mal tourné.
De nouveaux suspects ?
Deux frères, l’un d’eux détenu dans le cadre d’une autre affaire pour tentative de meurtre, sont même identifiés comme suspects, mais toujours d’après les auteurs du livre, aucune réponse ne fut donnée à l’époque aux demandes des enquêteurs et le dossier fut étrangement clos sous des « pressions», notamment d’un général de gendarmerie.
La commission d’instruction de la cour de révision a décidé de renvoyer au mois de septembre prochain sa décision quant à ces éléments nouveaux. Dans l’attente de la reprise des débats, Maître Noachovitch s’est félicitée par voie de presse d’un « grand avancement ».
Condamnée en 1992, Omar Raddad a bénéficié d’une grâce partielle du président Jacques Chirac, puis d’une libération conditionnelle en 1998. Mais cette grâce, comme sa remise en liberté, n’ont pas annulé la condamnation et n’ont pas innocenté le jardinier marocain.
L’affaire trouvera-t-elle enfin son épilogue ? Rendez-vous le 15 septembre.
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