Secrétaire d’État à la Digitalisation, chargé de la Simplification administrative, de la Protection de la vie privée, de la Régie des bâtiments et des Institutions culturelles fédérales depuis octobre 2020, Mathieu Michel a fait une entrée remarquée et s’est rapidement retrouvé face à de nombreux dossiers brûlants et ce, depuis deux ans : crise de l’APD, gestion des données liées au Covid, RGPD, … Le numérique est toujours en mouvement, il a dû s’y adapter. Après deux ans de mandat, il jette un coup d’œil dans le rétroviseur pour L-Post.
L-Post : Quel bilan dressez-vous après deux années passées à la tête du Secrétariat d'Etat à la Digitalisation et à la Protection des données ?
C’est surtout un constat. En Belgique, on a énormément de talents : un potentiel immense. Et je pense qu'il y a encore moyen de développer ce talent pour transformer l’opportunité en succès. C’est ce que j’appelle développer un vrai état d'esprit « smart nation » basé sur trois piliers fondamentaux : d’une part, être plus ambitieux. Dans le digital, notre terrain de jeu, c’est le monde et pas uniquement une région, une commune.
D'autre part, être plus convergents, c’est-à-dire être en capacité de davantage travailler ensemble. Il faut amener les gens à construire des ambitions communes. Et le troisième aspect, c’est d’être inclusif. Le digital, c'est pour tout le monde. Ça ne doit pas juste être une histoire de geek. Et tous les projets sur lesquels on travaille visent vraiment à soutenir cette ambition, soutenir cette convergence et soutenir cette inclusion. Voilà, ça, c’est le premier bilan. On avance bien, on avance vite, mais il y a beaucoup de travail.
Vous savez, c'est un peu le « je te tiens, tu me tiens par la barbichette » entre l’APD et le Parlement
L-Post : Après 2 ans d’exercice, plusieurs crises ont secoué l’Autorité de Protection des Données. Comment avez-vous géré cette situation ?
Je suis convaincu que l’innovation fonctionne grâce à la confiance depuis la nuit des temps. Le feu, si c’est mal utilisé, on se brûle. Toute innovation technologique doit s’accompagner de confiance. Or, l’Autorité de protection des données est un organe qui a pour but de créer cette confiance. Quand j’ai identifié qu’il y avait un certain nombre de questions qui se posaient sur l’APD, la première partie de mon travail a été de voir comment améliorer son fonctionnement.
L’Autorité était dans une situation un peu délicate, car elle dysfonctionnait dans la façon dont la loi était appliquée, mais pas par rapport à la loi elle-même. Il a ainsi fallu préciser le cadre juridique de son fonctionnement pour garantir que l’APD puisse exercer son mandat en tant qu’autorité indépendante pour créer de la confiance dans la gestion des données personnelles. C’est un travail qui a été mené avec toute une série de partenaires. On s’est associé des dizaines de personnes pour voir comment on pouvait avancer sur ce dossier.
Et ici, dans les prochains jours, le dossier sera déposé devant le Parlement pour, je l'espère, être voté et renforcer l’APD. Pour libérer l'innovation, il faut garantir la plus grande sécurité et la plus grande protection de la vie privée de nos concitoyens. Et l'Autorité de protection des données en est un élément central.
Tout le monde a intérêt à ce qu'on travaille à une APD forte et certainement indépendante.
L-Post : Certains commentateurs de votre réforme de l’APD, dont l’Autorité elle-même, ont critiqué votre projet de réforme en expliquant que ce texte mettait à mal l’indépendance de cet organe. Cette question se pose-t-elle encore aujourd’hui ?
Il y a eu un certain nombre de commentaires concernant des parties du texte qui laissaient entendre que l'indépendance de l’APD n’était pas garantie. D’où l’importance d’une première puis d’une seconde lecture. Une première pour présenter les intentions du texte. On reçoit ensuite les commentaires et on les intègre ensuite au texte.
Pour bien comprendre de quoi on parle, voici un exemple d’une des inquiétudes soulevée : est-ce que le plan stratégique de l’APD est présenté pour une prise d’acte au Parlement ou bien est-ce que le plan stratégique de l’APD est validé par le Parlement ? Ce sont parfois des sémantiques de ce type-là qui changent les choses. Il a ainsi fallu que l’on apporte des réponses dans le projet de réforme. Je pense que tout le monde a intérêt à ce qu'on travaille à une APD forte et certainement indépendante.
On a pris les commentaires au pied de la lettre : l'intention et la volonté politique, c'est que l’APD soit indépendante, car plus elle le sera, plus elle sera forte. Mais il faut également garantir son bon fonctionnement. Un organe régulateur ne vit pas seul sur son île. Vous savez, c'est un peu le « je te tiens, tu me tiens par la barbichette » entre l’APD et le Parlement. Il faut donc que le Parlement garantisse et s'assure que le fonctionnement de l’APD soit bon. C'est d'ailleurs un des problèmes qu'on a eu. Le Parlement n'a pas suffisamment été aux côtés de l'APD.