OPINION

Une visite officielle qui ne doit pas prendre des airs de propagande électorale

BELGA

Pour la première fois depuis douze ans, un couple royal belge se rend au Congo. La délégation du roi Philippe était en effet attendue à Kinshasa, Lubumbashi et Bukavu. Autant de villes où notre souverain ne pourra pas se contenter de rencontrer des politiciens de premier plan et des célébrités locales, mais où il devra également tendre l’oreille vers le peuple congolais.

Jusqu’au 13 juin, le couple royal effectue une visite au Congo, accompagné du Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld), de la ministre de la Coopération au développement Meryame Kitir (Vooruit) et du secrétaire d’État à la Politique scientifique Thomas Dermine (PS). La dernière visite royale au Congo remonte à 2010, à l’occasion des célébrations dans le cadre du cinquantième anniversaire de l’indépendance du pays, événement pour lequel le roi Albert II et la reine Paola avaient répondu présent à l’invitation du président congolais de l’époque, Joseph Kabila.

La visite de notre actuel souverain se déroulera elle aussi dans un climat de tension. 2023 est une année électorale au Congo et la visite d’une délégation belge de haut niveau pourrait être interprétée par le gouvernement en place comme une marque de soutien de la Belgique au président Félix Tshisekedi.
Ce dernier doit néanmoins sa position actuelle à une fraude électorale, ce que n’ignorent ni la Belgique, ni le reste de la communauté internationale. Au sein de la population congolaise, cette situation suscite d’ailleurs un vif mécontentement.

L’enjeu de ce voyage ne peut pas se limiter au renforcement des liens avec les autorités congolaises.

La délégation belge est également attendue au Kivu, dans l’est du pays, pour une visite qui n’a rien d’anecdotique étant donné que cette région est en guerre depuis plus de 25 ans et qu’elle subit en ce moment même un énième regain de violence

On ne peut qu’espérer que le roi et la reine ne se contenteront pas de s’entretenir avec le Dr Denis Mukwege, lauréat du prix Nobel de la paix, mais qu’ils profiteront également de l’occasion pour écouter le témoignage de femmes qui ont été violées par des rebelles armés et d’hommes et d’enfants qui n’aspirent qu’à une chose : la paix.

Vu son statut de chef de l’État belge, le roi ne peut pas se limiter à des entretiens avec le président Tshisekedi, des politiciens haut placés ou des célébrités locales. Il se doit également d’écouter le monde associatif et les Congolais ordinaires, et en particulier les associations qui représentent les intérêts des jeunes et des femmes. C’est une bonne chose que le roi montre de l’intérêt pour le Congo et veuille découvrir le pays, mais la proximité des élections et les difficultés auxquelles est confronté le régime congolais ne doivent pas donner à la visite de notre souverain des airs de propagande électorale pour le régime de Tshisekedi.

L’enjeu de ce voyage ne peut pas se limiter au renforcement des liens avec les autorités congolaises et à la préservation des intérêts géopolitiques et économiques de la Belgique. L’objectif prioritaire de la délégation belge doit être de contribuer à améliorer les conditions de vie d’un peuple qui, malgré l’énorme richesse du Congo, continue de faire partie des plus pauvres du monde. D’un point de vue moral, c’est la seule approche qui porte ses fruits.

Sandrine EKOFO

 

Sandrine Ekofo est collaboratrice politique pour le Congo et l’Afrique centrale auprès de l’ONG Broederlijk Delen.

Fondée en 1961 dans le cadre d’une campagne d’aide d’urgence dans le contexte de l’indépendance du Congo,  Broederlijk Delen est devenu un mouvement de solidarité, actif  en Flandre et dans le monde. Son mot d’ordre : partager et redistribuer.

Contexte: Peu de temps après l’indépendance, une famine éclate au Kasaï, au Congo. Les évêques belges appellent alors la population à faire preuve de solidarité. Les croyants étaient invités à vivre leur jeûne de manière engagée. Les croyants étaient invités à vivre leur jeûne de manière engagée. Ce que l’on économisait grâce à la frugalité pouvait être partagé avec la population congolaise.
Leur appel a reçu une réponse massive. Par la suite, une nouvelle expérience de jeûne prit forme. Le triptyque  « le jeûne comme temps de prière, de pénitence et d’œuvres de miséricorde »  fut remplacé par « un temps de réflexion, de conversion et de solidarité ». Broederlijk Delen est  active au Congo mais aussi dans d’autres pays  et est devenue une ONG qui s’engage de manière structurelle dans la coopération au développement.