CINEMA

Trintignant s’en est allé : le drame de sa vie, la mort de sa fille

AFP

Jean-Louis Trintignant s’est éteint ce vendredi 17 juin à l’âge de 91 ans. Il luttait depuis plusieurs années contre un cancer diagnostiqué en 2018. Il est parti paisible parmi les siens. L’acteur, révélé en 1956 aux côté de Brigitte Bardot, dans « Et Dieu… créa la femme » aura traversé toutes les décennies du 7ème art français. L’acteur est mort de vieillesse, hier matin, dans le Gard. Homme, père, acteur et scénariste aux multiples passions comme le théâtre, la poésie ou  la course automobile immortalisée dans « Un homme et une femme » a refermé le livre d’une vie riche et pleine qui lui aura hélas fait vivre le pire drame d’un père que fut celui de la mort de sa fille, Marie Trintignant, tombée sous les coups de son compagnon en 2003.

Un homme et une femme, le film d’une vie

Né en 1930, Jean-Louis Trintignant s’était d’abord fait remarquer au théâtre, puis, au bout de trois rôles à peine, au cinéma; l’homme devenu comédien sera en effet véritablement reconnu, dès 1956, dans «Et Dieu… créa la femme » de Roger Vadim, aux côtés de Brigitte Bardot. Après son service militaire, et son retour au théâtre dans le classique «Hamlet», l’homme atteindra déjà le statut de star internationale grâce aux planches de Deauville et un film et un air très chabadabada qui firent aussi le succès du film de Lelouch «Un homme une femme», film récompensé de la Palme d’or au Festival de Cannes en 1966 et de l’Oscar du meilleur étranger l’année suivante.

AFP

“Un homme et une Femme”, 1966.

Un homme, des films, un drame

Après avoir enchaîné plusieurs films dont l’excellent «Z» de Costa-Gavras en 1969 avec Yves Montand, Jean-Louis Trintignant se met progressivement en retrait du monde du cinéma au début des années 1980 sans jamais vraiment le quitter puisqu’il continuera à tourner une vingtaine de films en 20 ans jusqu’à l’aube des années 2000. Au total, sa filmographie est riche d’une centaine de films.

En 2003, le malheur ébranle la famille avec le décès de sa fille, Marie Trintignant, en 2003, morte à 41 ans, sous les coups de son compagnon Bertrand Cantat.  Un drame dont Jean-Louis Trintignant et son épouse ne se remettront jamais. L’acteur en restera profondément meurtri . « J’aurais pu arrêter ma vie à ce moment-là ; ça ne guérit pas. Depuis quinze ans, ça m’a complètement abattu. Je suis mort il y a quinze ans, avec elle », avait-il confié dans l’émission « Entrée Libre », sur France 5, en 2018. Il honorera d’ailleurs sa mémoire deux ans plus tard, au Festival d’Avignon, avec son spectacle « Jean-Louis Trintignant lit Apollinaire».

Le drame d’un père

Partageant, en autres, la passion pour la scène et le théâtre et une singulière complicité, Jean-Louis et Marie Trintignant, comédienne elle aussi,  avaient eu la chance et le bonheur et le talent de partager la scène en 2001 dans leur pièce à succès et à huis clos « Comédie sur un quai de gare ».
Après la mort de sa fille, Jean-Louis Trintignant ne sera plus vraiment le même et reviendra souvent sur le drame de sa vie. « Comment peut-on se remettre de ça. On ne le peut pas. Jamais », confiera-t-il quelques années plus tard.
Pendant plus de dix ans, après le drame, le comédien a cessé de travailler, profondément meurtri par la mort de Marie, avec qui il entretenait une grande complicité à la vie comme à la scène.

“Comédie sur un quai de gare”, avec sa fille Marie, au Théâtre en 2001.

En mai 2018, interviewé par Laurent Delahousse dans l’émission 19h le dimanche de France 2, Jean-Louis Trintignant revenait sur ce drame et les conséquences sur sa vie.
« C’est arrivé il y a quinze ans. C’est curieux, hein? Moi, je ne pensais pas qu’il y avait si longtemps. C’était en 2003. Ça m’a complètement détruit et je n’arrive pas à m’en remettre. En même temps, on est fait de nos bonheurs et de nos drames. Je ne m’en suis pas vraiment relevé. Parce que je vais de plus en plus mal depuis quinze ans. Je vais de plus en plus mal, oui.  Il y a quinze ans que ma fille est morte et (…) quinze ans après, je parle encore de ça. C’est vrai que c’est la chose la plus importante de ma vie. Je suis mort il y a quinze ans » confiait-il alors encore au micro de France Inter.

Dernière danse avec Lelouch

En 2012, près de dix ans après le décès de Marie Trintignant, il crève l’écran dans «Amour», du réalisateur autrichien Michael Haneke, un film mettant en scène la vieillesse, la maladie et la mort qui lui vaudra d’obtenir le César du meilleur acteur en 2013. Cinq ans plus tard, le comédien révèle être atteint d’un cancer, et affirme qu’il ne souhaite pas être soigné.

« Je m’étais dit que la maladie était grave, mais qu’on supportait très bien la mort… Et puis, quand on est près de mourir, on s’aperçoit que c’est beaucoup plus dur… Personne n’en est jamais revenu pour dire si c’est bien ou pas. Est-ce que c’est l’enfer après ? Est-ce que c’est comme quand on dort ? Si c’est ça, je signe tout de suite », confiait-il encore en décembre 2018.

Par la suite, Trintignant ne tournera plus ensuite que dans une poignée de longs-métrages, uniquement pour son fidèle ami, Claude Lelouch et pour Michael Haneke dont le fabuleux « Happy end », en 2017, avec Isabelle Huppert et Mathieu Kassovitz.

Sur la pointe des pieds

Figure incontournable du cinéma et du théâtre français, Jean-Louis Trintignant  était entré dans l’histoire du cinéma avec « Un homme et une femme » et bouclera la boucle des succès avec ce même Lelouch, 50 ans plus tard pour une dernière apparition sur grand écran dans « Les plus belles années d’une vie », sorti en 2019, où il retrouvait aussi sa partenaire Anouk Aimée. Un film à voir et à revoir pour qui ne l’a pas vu.

AFP

Anouk Aimée, Français l’acteur Jean-Louis Trintignant, l’actrice Français Marianne Denicourt et l’actrice italienne Monica Bellucci posent à leur arrivée pour la projection du film « Les Plus Belles années d’une Vie » à la 72ème édition du Festival de Cannes, 2019.

Poussé par ses proches, il était remonté sur scène, trouvant une « thérapie » dans la poésie et le théâtre. « Il y a des gens qui me disent parfois : « Vous devriez faire ce film, cela vous fera du bien. » Oui, c’est vrai d’ailleurs… C’est un peu vrai, ça me fait du bien… Ça me fait du bien de travailler », livrait encore l’acteur peu avant son dernier succès en 2019.

Clin d’œil de l’histoire il fera une dernière apparition jouant son propre rôle dans « Tourner pour vivre » avec Claude Lelouch en 2021. Trintignant s’en est allé. C’est la vie… Quelle vie ! Coupez.