Interdiction totale de la pub sur les jeux de hasard : les Pays-Bas refusent de suivre la Belgique
Pour contrer le phénomène de l’addiction, d’ici fin 2022, les publicités de jeux d’argent devraient avoir disparu en Belgique. Au Pays-Bas, le message semblait tout aussi clair lorsque le ministre de la Protection Juridique, Franc Weerwind, est entré en fonction en janvier dernier. Il devait travailler à une interdiction des publicités de jeux d’argent, comme décidé sous le ministère de son prédécesseur Sander Dekker (Volkspartij voor Vrijheid en Democratie – VVD). Et pourtant dans une récente réponse écrite aux questions posées par le député Evert-Jan Slootweg (CDA) qui fait référence au texte de Vincent Van Quickenborne (Open VLD), il apparaît qu’il ne partage pas le même point de vue que notre ministre de la Justice. « Le jeu est différent du tabagisme. En fumant, nous savons que chaque cigarette est mauvaise pour la santé. Les jeux de hasard sont une forme de loisir pour beaucoup de gens et ne posent aucun problème à une très grande partie de la population ». Il ne considère pas souhaitable une interdiction totale des publicités sur les jeux d’argent. Explications.
Comme en Belgique, la législation sur le recrutement des joueurs, la publicité et la dépendance au jeu est aussi en cours de modification au Pays-Bas. Dans ce contexte le député, Evert-Jan Slootweg, a posé une série de questions au ministre de la Protection Juridique, Franc Weerwind. Selon l’addendum au rapport annuel de la KSA (Kansspelautoriteit), l’autorité néerlandaise qui contrôle le paysage des jeux d’argent, « le nombre d’heures passées par les joueurs sur internet connaît un développement inquiétant », estime Evert-Jan Slootweg. Franc Weerwind ne partage pas cet avis en réponse. « Les chiffres ne donnent pas une image complète de la situation. Si le nombre d’heures que les gens passent sur les sites Web des prestataires légaux a augmenté depuis le 1er octobre 2021, cela ne signifie pas automatiquement que le nombre total d’heures jouées a augmenté ». De plus, « ce n’est pas forcément un mauvais signe que l’on joue plus chez les prestataires légaux. C’est l’un des objectifs de la politique néerlandaise des jeux de hasard : garantir que lorsque les gens jouent, ils le font de la manière la plus sûre possible ».
Les jeunes adultes surreprésentés
Dans une seconde question, le député Evert-Jan Slootweg souhaite connaître l’ampleur exacte de l’augmentation du nombre de joueurs. Franc Weerwind lui répond : « Nous n’avons pas de chiffres exacts pour la période qui court avant le 1er octobre 2021. En revanche, ce qui est clair, c’est que les jeunes adultes âgés de 18 à 23 ans sont surreprésentés. Ce groupe correspond à 17 % du nombre total de comptes de joueurs aux Pays-Bas. Ceci alors que ce groupe ne représente que 11% de la population néerlandaise ». Si Franc Weerwind reconnaît que « cela reste un groupe cible vulnérable qu’il faut bien protéger », il rappelle qu’il est précédemment intervenu pour modifier la législation. Au lieu d’empêcher les jeunes de jouer, il estimé préférable, d’« empêcher les jeunes adultes d’être tentés par des primes. Les joueurs de moins de 24 ans ne peuvent plus utiliser les bonus depuis lors ».
Plus d’addicts au jeu « à cause » de la publicité ?
« Vincent Van Quickenborne (ministre belge de la Justice, ndlr), a dépeint un tableau selon lequel la publicité a agi comme un accélérateur d’incendie pour les accros aux jeux de hasard », interpelle encore Evert-Jan Slootweg. Et Franc Weerwind de lui confirmer que « la publicité est nécessaire en raison des objectifs de canalisation, soit faire en sorte que les personnes qui souhaitent jouer en ligne le fasse dans un environnement légal et sûr. La meilleure protection, particulièrement pour protéger les groupes les plus vulnérables, demeure l’offre légale ». Et de lui préciser : « Une augmentation du nombre d’addicts aux jeux d’argent par rapport au nombre d’annonces de jeux d’argent, ne peut pas encore être étayée par des chiffres. En effet, le Système national d’information sur l’alcool et les drogues (LADIS) n’est actuellement pas opérationnel. Il sera probablement à nouveau opérationnel à partir du 1er juillet. En conséquence, à partir de l’automne, il y aura à nouveau un aperçu du nombre de personnes qui reçoivent de l’aide pour une dépendance au jeu. A partir de là, des conclusions pourront être tirées ».
La publicité est nécessaire en raison des objectifs de canalisation, soit faire en sorte que les personnes qui souhaitent jouer en ligne le fasse dans un environnement légal et sûr.
Vers une possible interdiction ?
En prévision des choses, Evert-Jan Slootweg demande alors : « si l’augmentation du nombre de personnes addictes aux jeux s’avère exact, cela signifie-t-il qu’une interdiction totale de la publicité ciblée et non ciblée sera nécessaire ? ». Franc Weerwind de lui répondre : « Je ne considère pas souhaitable une interdiction générale de la publicité pour les jeux de hasard. Une dépendance au jeu ne se développe pas en quelques mois. Cela prend en moyenne sept ans, selon les experts en addiction. S’il s’avère que l’ouverture du marché des jeux d’argent et de hasard aux Pays-Bas aura impacté le nombre de joueurs dépendants, nous prendrons alors des mesures supplémentaires ».
En mars 2021, les Pays-Bas se sont dotés d’une nouvelle législation sur les jeux de hasard et d’argent pour libéraliser le secteur. « Globalement, la nouvelle loi néerlandaise a toutes les caractéristiques pour garantir un cadre réglementaire libre et équitable », a précisé par voie de presse Franc Weerwind. « C’est une aubaine pour les opérateurs. En plus de garantir un cadre sécurisé pour les joueurs, cette loi favorise la croissance économique ».