SANTE

Obligation vaccinale des soignants : Mischaël Modrikamen interpelle le Conseil d’Etat


Le 19 juillet 2021, l’Académie royale de Médecine de Belgique rendait un avis recommandant la vaccination obligatoire du personnel soignant contre le SARS-CoV-2. Un an plus tard, de palabres en tergiversations sur un sujet qui clive majorité et opposition, le texte du ministre de la Santé Frank Vandenbroucke (Vooruit) n’a toujours pas accouché d’une loi. La situation sanitaire a par ailleurs changé et les « les éléments sur lesquels s’appuyait l’Académie de médecine dans son avis sont partiellement remis en question par un nombre important d’études scientifiques, de chiffres  épidémiologiques de Sciensano et de constats faits par de nombreux praticiens », estime maître M. Modrikamen. La mesure devient-elle à contretemps de l’épidémie ? Dans un courrier qu’il leur adresse respectivement, et  dont L-post a pu prendre connaissance, l’avocat interpelle, l’Académie royale de Médecine de Belgique, le Conseil national de l’Ordre des médecins et la section législation du Conseil d’Etat. Le projet de loi a, entretemps, été renvoyé au Conseil d’État par la Chambre des représentants pour un nouvel avis qui devrait être rendu fin juin.

Une atteinte au principe de proportionnalité

Le premier avis rendu par le Conseil d’Etat sur l’avant-projet de loi relatif à la vaccination obligatoire contre la Covid-19 des professionnels de soins de santé est mitigé. Il « reconnaît la légitimité et la proportionnalité d’une vaccination obligatoire des professionnels de la santé », qui peut « cibler une partie de la population » et qui peut être « une condition d’accès à la profession pour le personnel de santé ». Il pointe toutefois le fait que « l’avant-projet de loi risque d’engendrer des discriminations si l’employeur de santé peut lier au contrat de travail l’obligation de se faire vacciner de son employé ».

Est-ce dès lors proportionnel par rapport au but recherché, soit protéger la population ? Après avoir consulté les données Sciensano, la Task Force Vaccination du SPF Santé publique a émis un avis clair et non équivoque à ce sujet. Elle conclut que « dans le contexte épidémiologique actuel, la vaccination obligatoire des prestataires de soins de santé ne serait pas conforme au principe de proportionnalité ».

Une atteinte au principe d’égalité

Dans ce contexte, et c’est une démarche juridique tout à fait exceptionnelle, Maître M. Modrikamen adresse un mémoire d’Amicus Curiae à la section Législation du Conseil d’État qui reprend, au regard des dernières données scientifiques disponibles et du droit européen, un ensemble d’objections que l’avocat relève face à la vaccination obligatoire.
Précisons qu’en droit, un amicus curiae (NDLR : « ami de la cour ») est une personnalité compétente dans son domaine qui propose à un tribunal de lui présenter des informations ou des opinions pouvant l’aider à trancher sur un sujet.

Une atteinte directe au principe d’égalité et de proportionnalité et au droit international

« Les vaccins contre le Covid-19 sont sous Autorisation de Mise sur le Marché provisoire et sont  toujours en Phase III d’essais cliniques jusqu’en 2023. Or, selon le Règlement européen sur les essais cliniques et selon Pfizer-Bio-NTech lui-même, une personne qui fait partie des groupes à risques non encore étudiés (femmes enceintes, immunodéprimés, etc.) doit donner son consentement exprès pour recevoir le vaccin. Un professionnel de la santé, qui fait partie des mêmes groupes à risque, pourrait par contre se voir imposer le vaccin en vertu de la loi en discussion ? C’est une atteinte directe au principe d’égalité et de proportionnalité et au droit international », nous explique l’avocat.

La compassion ne soigne pas

En décembre 2021 déjà, un collectif pluridisciplinaire de scientifiques, juristes et éthiciens issus de plusieurs universités adressait une note éthique et scientifique aux différentes instances concernées du pays, en particulier au Comité Consultatif de bioéthique (CCB), pour qu’elles réévaluent leurs positions à propos de l’obligation vaccinale. Selon les auteurs de la note, une obligation vaccinale avec les vaccins anti-covid actuels ne serait en rien « ni inoffensive, ni proportionnée, ni nécessaire ni suffisante » pour trois raisons essentielles :

« (…) Premièrement même s’il existe des vaccins obligatoires pour le personnel soignant (hépatite B par exemple), il s’est écoulé 10 ans entre la mise sur le marché du vaccin et l’obligation vaccinale. Cette temporalité permet à l’Etat de garantir sa mission de protection et de sécurité envers ses sujets, en vérifiant que le taux d’effets secondaires graves rapportés dans la population vaccinée est extrêmement faible (…)  

 Deuxièmement, dans le cas du personnel soignant, les rapports Sciensano ne recensent sur le terrain qu’un nombre limité de clusters et infections nosocomiales dans les établissements médicaux, comparativement aux autres activités de la population (…)

 Troisièmement, il convient d’éviter toute mesure qui serait susceptible de produire un effet contraire à la fin recherchée. Or, lorsqu’est prise en compte la limitation factuelle du vaccin à empêcher toute contamination (limitation proportionnellement croissante dans le temps, quelque temps après l’injection et selon divers paramètres encore trop méconnus à ce jour), les partisans de l’obligation vaccinale développent une version faible de leur premier argument. Cette version consiste à soutenir que si le vaccin diminue les risques de transmission, fût-ce seulement de 5 à 30%, il contribue de ce fait à accroître la protection des personnes et participe, parmi d’autres stratégies, à affaiblir les chaînes de transmission (dans le secteur des soins de santé et ailleurs). Or, tout ce qui contribue à cette réduction du risque épidémique devrait être mis en œuvre et imposé aux personnes pour leur bien et le bien de l’ensemble de la communauté (…) »

Effets secondaires et prudence

En résumé, le constat des scientifiques est clair : imposer une norme d’obligation vaccinale dans l’objectif de protéger les plus faibles ne permet pas en soi d’atteindre l’objectif recherché. L’argument compassionnel ne soigne pas. La vaccination obligatoire des « plus forts » n’est pas une garantie de protection des « plus faibles ». De l’avis des scientifiques, le fait que les vaccins contre le Covid-19 soient encore en essais cliniques jusqu’en 2022 vient aussi affaiblir le débat.

« Au regard de ces données, une obligation vaccinale précipitée, pour une partie de la population qui n’en a pas besoin, constituerait une infraction grave aux principes éthiques de précaution et de non-malfaisance, dans un régime démocratique qui confère à l’Etat une obligation de protection de l’ensemble de ses sujets quel que soit leur état de santé. Il s’agit d’ailleurs, historiquement, d’une des missions fondatrices de l’Etat de droit dans la tradition contractualiste libérale », ponctue le collectif de scientifiques.

Maître M. Modrikamen insiste aussi sur « le principe de prudence qui doit être appliqué au regard des effets secondaires dont de trop nombreux décès déclarés à EudraVigilance ou au VAERS américain, sans compter les effets secondaires à long terme dont nous ne savons encore rien. Les premières études sur cette question sont toutefois inquiétantes (atteinte potentielle à l’ADN humain, etc.) ».

Une mesure liberticide à contretemps

La discordance est de plus en plus manifeste entre les mesures politiques prises et les études scientifiques qui s’accumulent en sens contraire. Rappelons que pour restreindre un droit fondamental garanti, il faut un objectif légitime.
Il faut aussi démontrer en quoi consistent cet objectif et que la restriction soit proportionnelle et nécessaire, soit que l’on ne pourrait pas atteindre l’objectif autrement qu’en restreignant la liberté fondamentale. Maître Modrikamen rappelle que si le texte du ministre de la Santé Frank Vandenbroucke (Vooruit) devait être voté dans son contenu actuel, l’Etat pourrait voir sa responsabilité engagée.