JUSTICE

Els Clottemans et le meurtre au parachute : le bracelet électronique n’est pas une libération

BELGA

Après quatre semaines de procès, Els Clottemans a été condamnée, en 2010, à 30 ans de prison par les assises du Limbourg, pour l'assassinat de sa rivale amoureuse, Els Van Doren, dont elle avait saboté le parachute peu avant un saut. Cette dernière, âgée de 38 ans au moment des faits, s'était écrasée dans un jardin à Opglabbeek (Oudsbergen) le 18 novembre 2006. L’institutrice flamande, qui a toujours clamé son innocence, a été reconnue coupable d’assassinat. Après 16 ans d’incarcération, elle a pu, il y a quelques jours, quitter la prison où elle était incarcérée sous bracelet électronique. Mais celle qui avait été soutenue massivement à l’époque pour avoir été condamnée malgré l'absence de preuve matérielle la confondant, fait débat en Flandre. Devait-elle sortir ?

Rétroactes

Els Clottemans, que l’on appelait « Babs », partageait avec Els Van Doren une même passion pour la chute libre, mais aussi un amant, Marcel Somers, l’instructeur du club de parachutisme de Zwartberg qu'elles fréquentaient toutes les deux.

Le 18 novembre 2006, un groupe de douze parachutistes monte à bord d'un Cessna. Parmi eux, Els Clottemans, Els Van Doren, Marcel Somers ainsi qu'un quatrième homme. Ils doivent réaliser une figure en étoile en plein ciel. Arrivée à 4000 pieds d'altitude, Els Clottemans saute de l'avion en retard et ouvre directement son parachute. Ses compagnons réalisent donc une figure à trois, puis se séparent pour ouvrir à leur tour leur parachute.

Mais celui d'Els Van Doren, parachutiste expérimentée, ne s'ouvre pas. Son parachute de secours refuse lui aussi de se déployer. La mère de trois enfants finit sa chute dans un jardin, tuée sur le coup.

La caméra frontale d’Els Van Doren filme sa lutte désespérée pour tenter de libérer son parachute de secours. La vidéo s'arrête alors qu'elle se fracasse au sol. Onze secondes au total dans lesquelles on n'aperçoit pas Els Clottemans. Elle est plus haut, en retrait. Elle dira plus tard au procès qu'elle a « raté sa sortie » de l'avion. Une explication qui ne jouera pas en sa faveur. Certains la soupçonnent d'être restée délibérément en arrière pour « jouir du spectacle ». L'enquête révèlera en effet que les deux parachutes d’Els Van Doren ont été sabotés. Deux courroies ayant été sectionnées.

Dénégations

Les soupçons se tournent rapidement vers Els Clottemans. Les enquêteurs découvrent que la jeune femme était chez Marcel Sommers à Eindhoven, aux Pays-Bas, une semaine avant le saut fatal, lorsqu’Els Van Doren s'y est également présentée. Le Néerlandais avait alors décidé de passer la nuit avec cette dernière, contraignant Els Clottemans à dormir sur un matelas dans le salon, où le parachute d'Els Van Doren avait été déposé. Ils supposent alors que c’est là qu’elle mettra à exécution de plan diabolique : saboter le matériel de vol.

Malgré 112 heures d’interrogatoires, le jour, la nuit, réveillée parfois plusieurs fois de suite pour être questionnée, Els Clottemans n’avouera cependant rien. Elle se dit innocente. Sa version n'a jamais varié depuis. D’ailleurs, n'est-ce pas elle qui, dès le début, s'est précipitée vers les policiers pour leur dire qu'elle ferait une coupable idéale, mais jurant de son innocence ? Et qui a retrouvé en haut d'un arbre la pièce manquante du parachute saboté ? « Ce n'est pas le comportement d'une coupable », plaideront ses avocats.

Certes, elle a refusé de se soumettre au détecteur de mensonges (Marcel Somers et Jan De Wilde, le mari de la victime, un temps soupçonnés, ont passé l'épreuve avec succès). Mais elle expliquera à la cour que c'est parce qu'elle prend des antidépresseurs qui altèrent son comportement. Elle a d’ailleurs fait plusieurs tentatives de suicide, dont une en détention préventive, après son incarcération.

Els Clottemans accuse ainsi les enquêteurs d'avoir suivi aveuglément la thèse du « sabotage par dépit amoureux » et fait aussi valoir qu'il n'y a ni aveux, ni preuves matérielles, ni témoins pour l'accabler.

 

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Les pièces à conviction présentées au procès devant la Cour d'assises de Tongres le 24 septembre 2010. (BELGA PHOTO YORICK JANSENS).

Un ménage à trois, mais une favorite

Si l’on recontextualise, à l'époque, en 2005, Marcel Somers a 41 ans, Els Clottemans tout juste vingt de moins. Instructeur doué et charismatique, l’homme lui fait faire ses premiers pas dans le monde du parachutisme, mais aussi en amour. Dès le début de leur histoire, il est cependant clair. Els Clottemans sera invitée à partager ses nuits le vendredi.
La deuxième nuit du week-end, il la passera avec son autre maîtresse dont le prénom, coïncidence troublante, est aussi Els et qui est, elle aussi, est mordue de parachutisme. Els Clottemans est donc sa « numéro 2 ». Avec sa maîtresse « numéro 1 », Els Van Doren est mariée, mère de deux enfants et bijoutière à Ranst, près d'Anvers. Ils ont une liaison depuis cinq ans déjà. Dans le club, c'est elle l'officielle. Et Els Clottemans ne doit rien laisser filtrer de ce secret.

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