DISPARITION

Décès de Leonardo Del Vecchio, le Roi de la lunette et deuxième fortune d’Italie


Cinq ans après avoir bouclé la fusion avec Essilor, Leonardo Del Vecchio, président du géant mondial de l’optique Essilor Luxottica et seconde fortune d’Italie, est décédé ce lundi, à Milan, à l’âge de 87 ans. Ultrasecret, ce dernier grand produit du « miracle italien » des années 60, s’est hissé à la tête d’une des plus grosses fortunes transalpines. À partir d’une petite fabrique créée en 1961 dans la région de Venise, Leonardo Del Vecchio, nommé Chevalier du Travail en 1986, est devenu le premier fabricant et fournisseur mondial de lunettes et de lentilles. Jusqu’au bout, celui qui a commencé à travailler dès l’adolescence défendait sa vision du capitalisme italien. Il laisse un grand vide. 180.000 employés dans le monde, 18.000 boutiques et près d’un demi-million de points de vente desservis sont aujourd’hui orphelins. La nouvelle de son départ bouleverse également les milieux politiques et financiers internationaux.

Né à Milan en 1935, de parents émigrés originaires des Pouilles, Leonardo Del Vecchio est le plus jeune d’une fratrie de 4 enfants. Son père décède peu après sa naissance et sa mère le place durant toute son enfance dans un internat au collège de Martinitt, où grandir d’ailleurs d’autres grands noms de l’entrepreneuriat italien, comme Edoardo Bianchi (fabricant de vélos) et Angelo Rizzoli (cinéaste).

Une success story à l’italienne

À l’âge de 14 ans, il trouve un emploi d’apprenti chez Johnson, une usine où l’on grave des tasses et des médailles. Il travaille pendant la journée et suis des cours à l’Académie Brera en soirée, pour apprendre la conception et l’incision.
Leonardo Del Vecchio devient ensuite contremaître et s’installe à Agordo, dans la province de Belluno, où la communauté montagnarde offrait des terres à quiconque créait une entreprise dans la région. Leonardo Del Vecchio a 26 ans. C’est ainsi que commence l’aventure Luxottica, d’abord comme sous-traitant, avec un petit atelier de 14 ouvriers, ensuite de manière indépendante.

Le véritable envol a lieu en 1971, quand l’entreprise cesse de fabriquer pour des tiers afin de se consacrer uniquement à la réalisation et à la commercialisation de lunettes. Dix ans plus tard, en 1981, la société, devenue forte et solide, part à la conquête du marché américain.

A partir de 1995, Luxottica devient le plus grand producteur et distributeur sur le marché mondial de l’optique. Propriétaire de Ray Ban, Oakley ou encore Sun Glass Hut, le mastodonte fabrique également des lunettes pour des marques prestigieuses telles que Chanel, Prada ou Versace.
En 2000, Luxottica est cotée en bourse. Le nouveau millénaire coïncide avec une série d’acquisitions internationales dans les domaines de la production et de la distribution de lunettes de soleil et de lunettes de vue.

Il avait ainsi offert 140.000 actions Luxottica à ses salariés italiens d’une valeur de 9 millions d’euros

Un homme bien

Comme tous les milliardaires, l’homme aussi avait son yacht de 62 mètres, le « Moneikos », sa villa à Beaulieu-sur-Mer et sa résidence monégasque. Mais Leonardo Del Vecchio n’a jamais été un milliardaire comme les autres. Il suffisait de le voir s’entretenir avec les ouvriers et ses employés pour s’en rendre compte.
« Nous devons d’abord commencer à abattre les murs sociaux pour créer des champions nationaux, puis européens, pour rivaliser sur un pied d’égalité avec les géants internationaux », disait-il encore récemment dans l’une de ses dernières interviews, accordée fin 2021 au quotidien Corriere della Sera.

A l’occasion de son 80ème anniversaire, il avait ainsi offert 140.000 actions Luxottica à ses salariés italiens d’une valeur de 9 millions d’euros. « Ce sont eux les véritables artisans du succès de notre entreprise. Cela doit être remercié », dira-t-il.

Un génie entreprenariat

 L’homme était aussi perspicace et visionnaire. L’auteur d’un ouvrage italien dédié à son parcours, et paru début 2022, le décrit ainsi : « d’une part, il est toujours prêt à saisir les opportunités de croissance pour son entreprise, à embrasser le changement technologique en s’alliant aux leaders mondiaux de l’ère sociale comme en témoignent les spectacles qu’il a développés avec Meta, Facebook à l’époque, et d’autre part, il reste au centre de l’attention du monde financier pour son activisme en tant qu’investisseur dans les banques et les compagnies d’assurance ».

Copyright : Mark Zuckerberg et Leonardo Del Vecchio – 2022

Un hommage unanime

Leonardo Del Vecchio souffrait d’une pneumonie et se trouvait depuis plusieurs semaines en soins intensifs à l’hôpital San Raffaele de Milan. Essilor Luxottica lui a un rendu un vibrant hommage: « Aujourd’hui, le monde a perdu un visionnaire, un génie entrepreneurial, un bon ami pour beaucoup et un homme incroyable à tous points de vue ».
« Del Vecchio était un grand Italien », a réagi dans la foulée le chef du gouvernement Mario Draghi. « Figure de proue de l’entrepreneuriat italien depuis plus de soixante ans, Del Vecchio a créé l’une des plus grandes entreprises du pays à partir de débuts modestes ».

Depuis la fusion, en 2017, entre Luxottica et le groupe français Essilor, le groupe Essilor Luxottica a dépassé les 80 milliards de capitalisation et vise les 100 milliards.

En 2021, il a réalisé un bénéfice net d’1,4 milliard d’euros et un chiffre d’affaires de 17,8 milliards d’euros. Le groupe compte plus de 180.000 employés dans le monde, 18.000 boutiques et près d’un demi-million de points de vente desservis.
Leonardo Del Vecchio laisse derrière lui six enfants, nés de trois mères différentes. Sa richesse personnelle était estimée en avril dernier à 27,3 milliards de dollars par le magazine Forbes.