Politique

Prisonnière politique des mollahs, Massoumeh Raouf s’évade et témoigne


Il y a 40 ans, Massoumeh Raouf, journaliste activiste, sympathisante des Moudjahidines du peuple d’Iran, était emprisonnée  par le régime des mollahs. Après 8 mois d’incarcération dans la prison de sécurité maximale de Racht, une ville du nord du pays, elle décide d’envoyer un message clair et fort au régime des mollahs en s’échappant. A l’occasion de la sortie de son livre témoignage, « Evasion de la prison d’Iran », aux Editions Balland, elle revient sur son incarcération et sur son évasion. Du rêve de lumière du printemps 1979 à la noirceur des fondamentalistes religieux présidant au massacre de l’été 1988, le récit détaillé nous invite à questionner nos démocraties occidentales quant au rapport qu’elles entretiennent actuellement avec la république des mollahs. Dans cette lutte, elle a aussi perdu ses parents et son jeune frère dont elle a raconté le martyre dans une bande dessinée en 2018, « Un petit prince au pays des mollahs ».

Interpellée, torturée et condamnée

Parce que les drames humains s’effacent au cours du temps, pour tous les êtres aspirant à la liberté et au respect des droits humains fondamentaux, Massoumeh Raouf nous rappelle que l’Iran des mollahs est toujours une véritable prison. Interpellée en 1982, torturée et condamnée à 20 ans d’emprisonnement en septembre 1981 pour soupçons d’appartenance à l’opposition politique, elle nous détaille par le menu comment elle est parvenue à s’évader quelques mois plus tard et à rejoindre la France.

« Je n’ai passé que quelques mois dans les cachots des mollahs iraniens. Pourtant, il me semble que j’y ai passé presque toute ma vie. Car toute ma vie s’est trouvée changée du fait de cette épreuve. J’ai toujours eu l’impression que j’avais survécu à cette aventure par hasard ! J’ai survécu alors que ceux qui comme moi étaient réellement passionnés par leurs idéaux et leurs objectifs ne sont plus là », écrit-elle.

Mais plus qu’une simple histoire d’évasion, l’autrice de ces carnets nous raconte la vie en Iran depuis la confiscation de la révolution populaire du printemps 1979 par le fondamentalisme religieux. Elle explique comment les promesses faites au peuple par Rouhollah Khomeyni, alors qu’il était exilé à Neauphle-Le-Château, dans le département des Yvelines (France), se sont muées en dictature tyrannique. Le 1er février 1979, l’ayatollah Rouhollah Khomeini est accueilli triomphalement sur le tarmac de l’aéroport de Téhéran, après 14 années d’exil. Il y proclame la République islamique d’Iran et met fin à 2.500 ans de monarchie.

Un crime contre l’humanité

Massoumeh Raouf se saisit de son histoire personnelle pour expliquer ce qu’est l’Iran depuis l’investiture des mollahs en 1979 : « J’écris ce livre pour les lecteurs qui entendent le nom de mon pays dans l’actualité mais ne savent pas ce qu’il se passe réellement en Iran. À travers mon histoire et mon vécu, je veux raconter les crimes qui y sont perpétrés en toute impunité, (…) la souffrance d’un peuple enchaîné qui lutte toujours pour sa liberté. Ce qu’il se passe là-bas est atroce ! »

Le régime s’est aussi vengé sur sa famille. Les mollahs ont arrêté sa mère, alors atteinte d’un cancer. Faute de soin, elle décèdera peu après sa libération. Son frère cadet, Ahmad, âgé de 16 ans à l’époque est arrêté avant sa fuite. Accusé de complicité dans son évasion, il sera à nouveau interrogé et torturé. En 1988, il est exécuté avec 30.000 autres prisonniers politiques appartenant au Moudjahidine du peuple d’Iran, sur l’ordre et la fatwa de Khomeiny.

Alors que le pays est au bord de l’explosion, ne serait-il pas possible pour nos démocraties d’envisager de lâcher les dirigeants iraniens actuels avant un nouveau bain de sang?

Un génocide barbare et inhumain

L’auteur nous rappelle que des milliers d’Iraniens sont devenus les victimes d’un génocide barbare et inhumain. « Des milliers qui ont payé le prix fort pour avoir dénoncé ce régime, mais qui n’ont pas eu la chance ni le temps de faire connaître et comprendre les enjeux de cette terrible tyrannie religieuse au reste du monde ».
Pour faire la lumière sur le massacre de 1988, Massoumeh Raouf a participé à plusieurs projets de recherche sur les prisons du régime de Khomeiny. Les livres Massacre des prisonniers politiques et Des héros enchaînés sont le résultat de cinq années de travail pendant lesquelles elle a réussi à recueillir les témoignages d’anciens compagnons de cellule de son frère, et donc des informations sur ses conditions d’incarcération.

Une alternative politique existe

Massoumeh Raouf invite aussi les pays occidentaux à s’interroger sur les relations, notamment d’ordre commercial, qu’ils entretiennent avec un état tyran, capable d’élever au rang de président, un homme reconnu comme l’un des principaux artisans du massacre de 1988, un homme que de nombreuses ONG souhaitent ardemment voir jugé par un tribunal international.

« Alors que le pays est au bord de l’explosion, ne serait-il pas possible pour nos démocraties d’envisager de lâcher les dirigeants iraniens actuels avant un nouveau bain de sang pour entrer dans une ère de négociations plus apaisée avec le peuple iranien dans son ensemble ? L’alternative politique existe. Elle s’appelle CNRI et regroupe toutes les voix d’Iran et milite au travers d’un programme politique reconnu internationalement pour l’égalité complète des femmes et des hommes dans les droits politiques, sociaux, culturels et économiques, la participation égale des femmes à la direction politique et l’abolition de toutes formes de discrimination », affirme l’auteur.

Un combat infatigable

Engagée dans la Campagne du mouvement (en l’occurrence les moudjahidines du peuple, mouvement d’opposition au pouvoir fondé sous le Shah en 1963 et poursuivant la lutte encore aujourd’hui face aux mollahs) pour la justice en faveur des victimes du massacre de 1988, Massoumeh Raouf se bat aujourd’hui pour faire traduire en justice les auteurs de ce crime contre l’humanité restés impunis.

« La volonté de celui qui croit en un idéal élevé et des valeurs humaines est infinie. Ce sont ces volontés qui changent le cours de l’histoire. En tant que femme musulmane progressiste, ce que font les fondamentalistes et les terroristes me dégoûte. J’écris pour faire avancer la cause que je défends (…) Iran, Afghanistan, Daech, ces régimes punitifs commencent par réprimer les femmes, c’est pour ça qu’il y a une volonté chez les femmes plus forte pour lutter, pour résister et avancer pour la liberté »


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