Un livre écrit par Marc Dutroux : son avocat compile ses « mémoires »
Le 20 octobre 1996, plus de 300.000 personnes défilaient dans les rues de Bruxelles, à l’occasion d’une Marche Blanche en soutien aux familles de Julie, Mélissa, An, Eefje, Laetitia et Sabine et à la mémoire de tous les autres enfants victimes de prédateurs sexuels. Si cette marche a fait date dans l’histoire de la Belgique, les parents des disparues réclament depuis un apaisement nécessaire à leur deuil. Une volonté que Marc Dutroux ne semble pas vouloir respecter. Entre la vérité promise et les contre-vérités alimentées, il maintient en haleine et tourmente. Enième effet d’annonce médiatique, par l’entremise de son avocat, maître Bruno Dayez, ses « révélations » sont à nouveau annoncées dans de futurs écrits.
Des dizaines de feuillets noircis
Bruno Dayez, l’avocat de Marc Dutroux, a récemment confié à nos confrères de Sudinfo que son client menait une enquête sur des crimes non-élucidés liés à son dossier. Depuis sa cellule, le détenu le plus célèbre du pays souhaite que sa version soit dévoilée au grand jour. Maître Dayez, qui est le seul à avoir actuellement tout lu, promet que cela arrivera tôt ou tard et qu’un livre sera publié compilant l’ensemble de ces feuillets. « Marc Dutroux est encagé, je suis son seul interlocuteur vivant à l’exception du personnel pénitentiaire. Dans ce dossier, on est depuis le début à l’intersection entre le public et la justice. Il y a des infos qui méritent d’être divulguées », précise-t-il.
Des vœux d’écriture réitérés
Ces vœux ne sont pas les premiers. En 2010, Marc Dutroux entretient une correspondance avec une journaliste, avec laquelle il échange par ailleurs quelques coups de fils. Il se dit dépressif et affirme déjà vouloir publier un livre pour livrer sa version de l’affaire.
En 2014, il passe à l’action en version « courte ». Dans une missive de 44 pages destinée à Jean-Denis Lejeune, le père de Julie, il livre cette « vérité » annoncée sur toute l’affaire. Des prétendues « révélations » aussi abracadabrantes que nauséabondes.
En 2018, désirant bénéficier d’une libération anticipée, c’est le troisième essai tenté. Marc Dutroux envoie cette fois, par l’entremise de maître Dayez, une lettre aux parents de ses victimes. Son avocat précise : « si les victimes le demandent, elles auront droit à la vérité, à sa vérité. Dutroux est dans une attitude qui tranche par rapport à son procès. Dutroux reconnaît les faits plus graves. Les contestations demeurent périphériques ».
« Il y a eu 22 ans pour donner sa vérité. Les victimes ne sont pas emmurées dans la douleur. Elles demandent qu’on les laisse tranquilles », répondra alors par voie de presse, Georges-Henri Beauthier, l’avocat de Jean-Denis Lejeune et Laetitia Delhez.
Une analyse graphologique cinglante
Ces écrits seront passés au crible. Une étude graphologique est demandée par Het Laatste Nieuws, qui s’est procuré des extraits de cette lettre.
« Ce qui frappe, de prime abord, c’est l’écriture monotone. Il écrit comme le tic-tac d’une montre, pas comme la respiration d’un être humain. Cette lettre aurait très bien pu être écrite par un ordinateur, tellement elle a un côté monocorde. Le même schéma se répète tout au long des 44 pages. Cela en dit long sur sa personnalité. Stéréotypée, pénible, il n’y aucune vie dans cette missive (…) Son écriture manuscrite témoigne d’une intelligence moyenne, mais de très bonnes capacités mémorielles. Il fait attention à tous les détails, qui ne cessent d’être présents dans sa tête. En revanche, pas d’innovation, pas de changement (…) Dutroux fait souvent usage d’un (double) soulignement et de points d’exclamations. Cela aussi semble être une obsession. Il souligne en permanence ce qui lui semble important, mais il le fait si souvent que cela n’a plus d’effet (…) Contrairement au reste du texte, la signature de Dutroux est assez élégante et plus grande. Cela indique qu’il veut se présenter comme quelqu’un de mieux qu’il n’est en vérité », précisera la graphologue bruxelloise.
Un rapport psychiatrique accablant
Depuis le printemps 2017, maître Bruno Dayez s’est mis en campagne pour faire sortir son client de prison. En 2019, un nouveau rapport psychiatrique est demandé en préalable à une demande éventuelle de libération conditionnelle.
Dans ce rapport de 90 pages, produit en 2020, les trois experts-psychiatres chargé d’évaluer l’état mental de Marc Dutroux le décrivent comme un « profil psychopathique, une personnalité asociale, dénuée de toute empathie, qui présente des traits narcissiques et pervers, mais aussi ce qui pourrait s’apparenter à un sadisme sexuel ». En conséquence, le rapport préconise de « maintenir Marc Dutroux dans un cadre strict et fermé car il reste potentiellement dangereux et présente un risque élevé de récidive ».
Psychopathe pour toujours
Maître Bruno Dayez ne désespère toutefois pas de solliciter la libération de son client un jour. Il estime qu’il est inimaginable qu’il meure en prison. C’est oublié que la psychopathie ne se guérit pas en l’état actuel des connaissances.
Et Marc Dutroux est un psychopathe, doublé d’un prédateur sexuel. Ce paramètre a été établi lors du procès d’Arlon par une kyrielle d’experts et il demeure immuable vingt-six ans plus tard. En outre, en termes de récidive prédictive, les statistiques sont cinglantes. 98% des psychopathes en libération conditionnelle récidivent avec une gradation dans la lourdeur des faits et dans l’agir criminel.
Copyright – Extrait de la lettre envoyée à Jean-Denis Lejeune en janvier 2014