Politique

A l’été 1941, le « train des mineurs » conduisait 273 Gueules noires vers la mort


Le 13 juin 1941, pour avoir fait grève et refusé de collaborer à la machine de production allemande, 273 mineurs de fond étaient déportés pour avoir refusé de se soumettre et de collaborer. Ce matin-là, entassés dans un train aux wagons plombés, 273 mineurs de fond du Nord et du Pas-de-Calais sont emmenés par les Allemands à la citadelle de Huy ; 244 d’entre eux poursuivront leur triste voyage vers le camp de concentration de Sachsenhausen, le 23 juillet. Plus d’un sur deux, 136 exactement, n’en reviendront pas. Ce mardi 26 juillet, la Ville de Huy leur rendra hommage.

Le convoi de la mort du 13 juin 1941 est connu dans l’histoire de la résistance et la mémoire ouvrière sous le nom de « train des mineurs ». Souvent oubliée des manuels d’histoire ou des grandes commémorations officielles, cette page sinistre de l’occupation allemande dans notre région rappelle aussi la force de l’engagement, au prix de leurs vies, des mineurs de fond contre la soumission à l’occupant nazi.

Ce 26 juillet, une cérémonie d’hommage à ces 273 mineurs français du Nord-Pas-de-Calais déportés au Fort de Huy les 13 juin et 2 juillet 1941, puis à Sachsenhausen, le 23 juillet pour 244 d’entre eux. Un accueil est prévu ce mardi à 11h, au pied du fort de Huy en présence du bourgmestre f.f. Eric Dosogne et des autorités françaises concernées. Parmi elles, Christian Champiré, le Maire de Grenay (Pas-de-Calais), Jean-Paul Fossier, membre du conseil d’administration de l’Institut d’Histoire sociale Mines-Energies (IHSME), et d’une délégation française composée d’élus du Nord-Pas-de-Calais, de responsables syndicaux et dirigeants d’associations attachées aux droits de l’homme, aux valeurs démocratiques. Il s’ensuivra, dans l’après-midi, à l’Hôtel de Ville Huy, la Signature du pacte d’amitié entre les villes de Huy et de Grenay.

En quelques jours, 100 000 mineurs partent en grève

Bloquer le charbon, le carburant de la machine de guerre nazie

Pour alimenter sa machine de guerre, l’Allemagne en effet a besoin de charbon. De beaucoup de charbon. Depuis juin 1940, le Nord-Pas de Calais est directement administré par les Allemands depuis Bruxelles et, dès le mois de juillet, l’Allemagne exige de la direction des mines, à Lens, d’organiser la production de toutes les concessions à son profit exclusif. Docilement relayées par la direction, les exigences de l’occupant sont exorbitantes : augmentation de la production, quasi doublement des cadences de travail et baisse des salaires.

Malgré la guerre et la répression, les responsables et militants syndicaux du bassin minier, de même que les délégués des mineurs, sont toujours sur le terrain. Parallèlement, en amont, depuis l’été 1940, des élus communistes et des groupes militants œuvrent dans l’ombre depuis des mois pour organiser une grande grève des mineurs. Objectif : bloquer l’outil de production et organiser une résistance populaire.

C’est un tout jeune syndicaliste de Montigny-en-Gohelle, Marcel Brûlé, qui la déclenchera. Le 27 mai 1941, à l’heure de l’embauche du matin, il fait stopper les compresseurs de la fosse du Dahomey, à Montigny. La plus grande grève de l’Europe occupée vient de commencer, rejointe en quelques jours par plus de 100 000 Gueules noires sur les 120 kilomètres du sillon minier, de Bruay-sur-l’Escaut à Bruay-en-Artois. Elle durera quinze jours et, rapidement, le charbon, et donc la production électrique, commence à manquer.

Implacable répression de l’armée allemande

En soutien aux mineurs, des ouvrières des filatures de Liévin et de Lens organisent alors de grandes manifestations. Dépassée par l’ampleur du mouvement dans les villes, la police française en appelle alors à l’armée allemande. Sa réponse sera terrible. Immédiatement, elle fait arrêter des centaines de mineurs dont les noms figurent tous sur la liste des grévistes du bassin minier. Parmi eux, les 273 du train des mineurs de Sachsenhausen.

Une autre page d’Histoire souvent négligée à ne pas oublier. En France, en novembre 2014, sous l’impulsion de Christiane Taubira, alors garde des Sceaux, l’Assemblée nationale décidera de valoriser les engagements et les valeurs des « gueules noires » lors des grèves de 1941, 1948 et 1952. Une commission sera créée. présidée par le maire de Grenay, Christian Champiré, elle prendra le nom de « Norbert Gilmez », héros de la lutte opiniâtre des mineurs, victime de la répression lors des grèves de 1948.

Le 1er décembre de la même année, plus de 65 ans après, le Sénat a voté la reconnaissance de licenciements abusifs pour certains mineurs grévistes de 1948 à 1952. Ils recevront, eux ou leurs héritiers, une allocation de 30.000 euros chacun. « Une oeuvre de justice», saluée par Christiane Taubira

 


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