En dépit du contexte tendu autour de ce vote, le gouvernement belge a ratifié ce mercredi 20 juillet, le traité belgo-iranien sur le transfert des condamnés. Vivement critiqué par l’opposition, les opposants iraniens en exil en Europe et une grande partie de la communauté internationale, qui y voient la porte ouverte à la remise à Téhéran de détenus iraniens, jugés en Belgique et condamnés pour crimes terroristes, une requête pour extrême urgence a été introduite devant la cour d’Appel de Bruxelles qui a provisoirement interdit à l’État belge, par une ordonnance rendue ce vendredi 22 juillet, « de faire procéder, par quelque moyen que ce soit, au transfèrement d’Assadollah Assadi », condamné en 2021 par la justice anversoise à une peine de 20 ans de prison pour avoir participé à la planification d’un attentat déjoué lors d’un congrès, à Paris, rassemblant des milliers de personnes. Ce n’est sans doute que le début d’une saga judiciaire. Maître Georges-Henri Beauthier fustige, au nom de ses clients, un « traité anticonstitutionnel ». « Nous n’en sommes qu’au début des procédures », assure-t-il.
Défendu par le gouvernement, le projet de loi portant sur la ratification d’un traité entre la Belgique et l’Iran au sujet de l’échange de détenus, a été approuvé à une large majorité, par 79 voix pour, 41 contre, et onze abstentions à la Chambre. Dès l’annonce de ce traité, signé le 11 mars dernier, de nombreux Iraniens, opposants au régime politique en place en Iran, l’ont vivement critiqué. Ils estiment que le texte ouvre la voie à une remise à Téhéran – et à une possible grâce ensuite – d’Assadollah Assadi.
La loi fraîchement votée n’est pas encore publiée au Moniteur belge, mais les autorités pourraient l’appliquer sans attendre et le détenu pourrait être transféré de la prison belge où il purge sa peine. Les victimes de l’attentat terroriste déjoué, dont Maryam Radjavi, le leader de la Résistance iranienne, l’ancien Premier ministre algérien Seyed Ahmed Ghazali, l’ancien ministre italien des Affaires étrangères Giulio Trezzi, le sénateur Robert Torricelli et Ingrid Betancourt, ont donc introduit un requête pour extrême urgence devant la cour d’Appel de Bruxelles.
Dans son ordonnance rendue ce 22 juillet, la cour a décidé d’interdire temporairement à l’Etat belge, représenté par le Premier ministre, le ministre de la Justice et le ministre des Affaires étrangères, de procéder, par quelque moyen de transport que ce soit, au transfèrement du diplomate terroriste vers le régime iranien, comme vers tout autre Etat, sous peine d’astreinte de 500.000 euros.
La cour a notamment relevé que les droits des demandeurs « pourraient être violés de façon irrémédiable en cas de remise de M. Assadi aux autorités iraniennes et ce, sans qu’aucun débat contradictoire ait pu se tenir ».
Notre droit pénal reconnaît aux victimes le droit d’être entendues. Les plaignants doivent donc avoir la possibilité de prendre les mesures juridiques et légales nécessaires leur permettant de présenter leurs arguments. L’interdiction prononcée vaut donc « jusqu’à ce qu’un débat contradictoire puisse se tenir ».
La justice n’est pas à vendre
Lors de la discussion générale qui s’est tenue à la chambre avant la ratification du traité, la nouvelle ministre des Affaires étrangères, Hadja Lahbib, a défendu le texte. « Les services de renseignement soutiennent la ratification de ce traité car il favorisera, selon eux, la sécurité des Belges dans la région », a-t-elle indiqué. « Dans les négociations qui ont mené à la conclusion du traité, il n’a toutefois jamais été question de cas individuels », a-t-elle tenu a assuré.
Et pourtant, malgré que l’Etat belge démente tout échange qui aurait été « négocié », le texte semble taillé sur mesure pour Assadollah Assadi. Un choix politique confirmé par le ministère de la Justice, Vincent Van Quickenborne : « «Il y a plus de 200 Belges en Iran, chacun d’eux pourrait être le prochain incarcéré si le traité n’est pas ratifié, Il faut donc réagir au plus vite. Il y a des vies humaines en jeu, ce ne sont pas mes mots, ce sont ceux de nos services de sécurité », a-t-il quant à lui déclaré.
Les plaignants, victimes de l’attentat déjoué à Paris, sont représentés par maître Georges-Henri Beauthier, maître François Tulkens, maître Rik Vanreusel et maître William Bourdon, avocat au Barreau de Paris. Pour les conseils, la justice n’est pas à vendre. Le traité tel que ratifié est un blanc-seing donné au terrorisme. Si le texte comporte « des garanties », et « n’oblige en rien » les Etats signataires « à accepter une requête de transfèrement », comme l’a précisé le ministre de la Justice, le contexte ne se veut toutefois pas rassurant. Dans la balance, « il y a le pétrole, le gaz et des otages », nous rappelle maître Beauthier.
La Cour réexaminera l’affaire mercredi 28 juillet prochain. Le Premier ministre, le ministre de la Justice et le ministre des Affaires étrangères doivent être présents afin d’exprimer leur point de vue. De leur côté, les plaignants entendent introduire un recours devant la cour Constitutionnelle pour contester la constitutionnalité du texte signé.
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