Copyright : Image extraite du film « Wadjda » (2012) - Synopsis : Wadjda, dix ans, habite dans une banlieue de Riyadh, capitale de l'Arabie Saoudite. Issue d'un milieu conservateur, elle cherche toujours à en faire plus que ce qui lui est permis. Un jour, elle aperçoit un vélo à vendre…
Alors que la Grande Boucle s’est achevée ce dimanche 24 juillet, avec l’arrivée sous l’Arc de Triomphe des équipes masculines, l’édition féminine s’est concomitamment élancée sur son Tour de France, un parcours scandé par huit jours de compétition. L’événement sportif, qui renaît de ses cendres après plusieurs années, est aussi l’occasion de s’intéresser à une pionnière du cyclisme féminin : Annie Cohen Kopchovsky, alias Annie Londonderry. Cette Américaine est la première à avoir effectué un tour du monde à bicyclette à la fin du XIXème siècle. Depuis la révolution industrielle, le vélo n’a ensuite cessé de conquérir les femmes, jusqu’à devenir, dans certaines parties du monde, un outil au service de leur liberté. Aujourd’hui encore, en Arabie saoudite, en Afghanistan, en Egypte, l’accès à la bicyclette fait partie de leur combat au quotidien. Les femmes bravent les autorités morales ou religieuses pour pouvoir enfourcher un vélo, symbole d’émancipation personnelle dans un espace public revendiqué plus juste.
Créées au début du XIXème siècle, les premières bicyclettes – les draisiennes – étaient exclusivement réservées aux hommes. Principalement constitués de corsets, de très longues robes et de cerceaux, les vêtements de l’ère victorienne (1837-1901) que portaient les femmes ne permettaient pas de faire du vélo correctement.
Également faussement pensés dangereux pour les organes reproducteurs, et donc pour la fertilité féminine, et décriés pour leur manque d’élégance, les vélos attendront d’être équipés de pédales et de pneumatiques pour être utilisés par les femmes et devenir un incontournable dès la fin du XIXème siècle. Et c’est là qu’Annie Cohen Kopchovsky entre dans l’histoire.
Annie Cohen Kopchovsky, 24 ans à l’époque, est la première femme à avoir effectué un tour du monde à bicyclette. Le 25 juin 1894, sur la place du Capitole, à Boston, devant les marches du palais du gouvernement de l’État du Massachusetts, elle s’élance pour son grand périple à la force de ses mollets.
Tout est parti d’un pari lancé par deux hommes fortunés qui se défient à 20.000 $ contre 10.000 $ – des sommes très conséquentes alors – qu’aucune femme ne pourrait effectuer un tour du monde à bicyclette en quinze mois. À la clef : 5.000 $ pour celle qui parviendrait à leur prouver le contraire. Annie, qui n’avait alors pas un sou en poche, relève le défi. Elle est pourtant une candidate improbable pour cet exploit. Elle n’a tout simplement jamais fait de vélo. Elle est en outre une épouse et la mère de trois enfants en bas âge. À une époque où on considère que la place des femmes est au sein du foyer, l’aventure devient autant physique que symbolique pour toutes les femmes.
Avec le droit de pédaler, les femmes gagnent le droit à la mobilité, le droit d’aller où elles veulent, quand elles le veulent
La jeune femme parvient à parcourir 13 à 16 km par jour. Après Chicago et San Francisco, elle rejoint New-York où elle embarque pour la France qu’elle traverse du Havre à Marseille pour prendre le bateau pour Alexandrie puis enchaîne les étapes.
Après l’Égypte, Annie passe notamment par le Yémen, le Sri Lanka, Singapour, Saïgon, Hong Kong, Nagasaki et Kobe avant de reprendre le bateau, en mars 1895, en direction de San Francisco. De là, elle part en direction de Los Angeles et traverse l’Arizona et le Nouveau-Mexique.
Dans le Nebraska, en raison de routes trop boueuses, elle effectue certaines étapes en train. Enfin, elle parvient au terme de son tour du monde, à Chicago, le 12 septembre 1895. Elle a deux semaines d’avance sur son objectif de quinze mois, et collecte son prix.
Annie Cohen Kopchovsky sera alors mise en avant par les mouvements féministes pour son aventure démontrant que les femmes sont capables d’autant de prouesses que les hommes. Avec le droit de pédaler, les femmes gagnent le droit à la mobilité, le droit d’aller où elles veulent, quand elles le veulent et avec qui elles veulent. Seules sur leur vélo, elles se dérobent à la surveillance des hommes, découvrent une nouvelle liberté de circulation.
Annie Cohen Kopchovsky, la première femme à réaliser le Tour du monde à bicyclette. Boston studio
À la tribune du congrès féministe de Paris, en 1896, Maria Pognon, journaliste et féministe engagée sous la IIIᵉ République, porte un toast significatif à la « bicyclette égalitaire et niveleuse par laquelle se fera l’émancipation de la femme ». De nombreuses affiches fleurissent sur les murs des villes, montrant des femmes chevauchant un vélocipède Peugeot, Helios ou Excelsior, les cheveux au vent et l’air triomphal.
Progressivement, le vélo devient pour les femmes un outil de lutte pour faire tomber les inégalités hommes/femmes. Ailleurs dans le monde, dans les pays où les droits des femmes sont encore loin de ceux des hommes aujourd’hui, deux siècles plus tard, le vélo reste un combat de tous les jours.
Au Caire, la pratique est toujours très mal vue. Les femmes cyclistes s’exposent au harcèlement sexuel de rue pour une posture considérée comme « indécente ». Même combat au Yémen où ce moyen de transport reste impensable pour la gent féminine.
« Adolescente, je me rappelle de certaines de mes amies dont les parents leur interdisaient de faire non seulement du vélo, mais aussi du roller, prétendant que cela pouvait mettre en danger leur virginité », témoigne Clarence Rodriguez, journaliste correspondante en Arabie Saoudite dans Révolution sous le voile.
Petite victoire, en 2013, deux mois après la sortie du film « Wadjda », la Commission de promotion de la vertu et de prévention du vice leur a finalement accordé ce droit, à condition d’être entièrement voilée, accompagnée d’un homme de leur famille et d’utiliser le vélo à des fins récréatives et non pas comme un moyen de locomotion.
En Afghanistan, Shannon Galpin, une activiste, aventurière et productrice américaine du film « Afghan Cycles », en 2018, y a vu un espoir d’ouverture pour les femmes du pays. Depuis, à travers son ONG Mountain2Mountain, elle les encourage à faire leur « vélorution » et à se battre pour leurs droits.
D’autres initiatives naissent ailleurs, comme l’association Go Bike en Egypte, qui organise des balades à vélo et aide les femmes à se réapproprier la ville. Même au Qatar, le gouvernement a choisi d’organiser un Tour du Qatar féminin, afin d’en faire la vitrine de la politique d’émancipation des femmes dans l’émirat, même si dans les faits celles-ci restent encore largement sous l’emprise de leur mari.
Tout comme en Occident au début du XXème siècle, la petite reine fait son office en Orient. Les femmes enfourchent leur vélo, bravent les autorités morales ou religieuses, et font, à chaque coup de pédale, un peu plus tomber les barrières pour plus d’égalité.
Copyright : Image extraite du film « Wadjda » (2012) – Synopsis : Wadjda, dix ans, habite dans une banlieue de Riyadh, capitale de l’Arabie Saoudite. Issue d’un milieu conservateur, elle cherche toujours à en faire plus que ce qui lui est permis. Un jour, elle aperçoit un vélo à vendre…
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