Le Jour du dépassement, une date qui arrive toujours plus tôt
Journaliste / Secrétaire de rédaction
A partir de ce 28 juillet, l’humanité vit à crédit et entame le budget alimentaire et énergétique 2023. Chaque année, le Jour du dépassement marque la date à laquelle l’humanité a épuisé toutes les ressources que la Terre peut renouveler en un an. Un rendez-vous qui tombe toujours plus tôt depuis 1970. Même si en 2021, cette date est survenue le 29 juillet. Jugé utile par plusieurs ONG pour mesurer l’impact écologique de l’activité humaine, cet indice est encore très peu utilisé dans les modes de gouvernance mondiale. Et pourtant, il serait temps d’y accorder l’attention qu’il mérite.
En 1970, la date du dépassement de la consommation des ressources que la Terre peut régénérer en un an tombait le 29 décembre en 1970. Elle était encore datée à l’automne en 1990 où le Jour du dépassement était alors noté en date du 11 octobre en 1990. 32 ans plus tard, l’indice fatidique tombe ce jeudi 28 juillet, creusant ainsi un peu plus la dette écologique envers la planète.
Le déficit de nos ressources se creuse
Si cette date a pu signaler des améliorations sur les cinq dernières décennies, il s’agit en réalité d’exceptions, dues à des moments de crise. En 2020, la pandémie de Covid-19, et les confinements à répétition qu’elle a engendrés, avait ainsi conduit à repousser le Jour du dépassement au 22 août.
« Le déficit se creuse de plus en plus sans qu’il y ait un réel sursaut du système politique », regrette-t-on auprès du Fonds mondial pour la nature (WWF). Reconnaissant aussi que de rares reculs de cette date sont visibles lors des chocs pétroliers, de crises financières ou, comme en 2020, lors d’une pandémie mondiale.
Le Luxembourg pointé du doigt
Cet indicateur varie considérablement d’un État à un autre. Le plus mauvais élève pour l’année 2022, selon la liste établie par le think tank Global Footprint Network (en charge du calcul de l’indice), est le Qatar, qui atteint son Jour de dépassement le 10 février, suivi de près par le Luxembourg, le 14 février.
Pour la Belgique, le jour du dépassement est intervenu le 26 mars dernier. Chez nos voisins français, il est intervenu cette année le 5 mai. « Au niveau mondial, repousser de six jours tous les ans le Jour du dépassement permettrait d’atteindre la date du 31 décembre d’ici 2050 », explique Global Footprint Network, à l’origine de ce calcul.
Depuis 2003, le think tank cherche à interpeller l’opinion publique sur le phénomène. Le hashtag #MoveTheDate appelle ainsi les internautes à proposer des solutions concrètes pour faire reculer la date. L’ONG met également à disposition depuis 2007 une plateforme permettant de calculer son empreinte écologique.
Sur la base de données de rapports de l’ONU, Global Footprint Network croise l’empreinte écologique par personne (la quantité de surface nécessaire à un humain pour s’alimenter, se déplacer, se loger…) et la biocapacité mondiale (capacité des écosystèmes à se renouveler) par personne, permettant d’établir le Jour du dépassement. Un indice dont il serait souhaitable – pour la porte-parole de l’ONG, Laetitia Mailhes « que les États souverains se servent pour mesurer d’autres aspects de la crise écologique ».
Un avis que partage la directrice de WWF France, Véronique Andrieux, pour qui le Jour du dépassement présente une méthodologie « robuste et solide » qui va au-delà de l’empreinte carbone. « On ne parle pas uniquement de crise climatique mais aussi de crise écologique dans son ensemble et notamment de l’effondrement de la biodiversité. »
Faire prendre conscience
Pour l’heure, néanmoins, rares sont les États à recourir à cet indicateur. Seuls certains pays comme le Monténégro basent leur stratégie de développement durable sur l’empreinte écologique. Certaines municipalités ont également déjà opté pour cette méthode de calcul. C’est le cas d’une vingtaine de villes du Portugal.
Comment participer à notre niveau à œuvrer à faire reculer cette date ? En réduisant notre empreinte carbone, en utilisant moins son véhicule, en mangeant aussi moins de viande, miser davantage sur les alternatives végétales, réguler nos dépenses énergétiques, entre autres. Et puis, évidemment, c’est aux décideurs de mettre en place les politiques nécessaires allant dans ce sens.
Même si l’intérêt du recours à l’indice du Jour du dépassement au niveau de la gouvernance étatique reste à démontrer, celui-ci représente un outil qui a fait ses preuves dans la sensibilisation du grand public aux enjeux environnementaux. Le Jour du dépassement demeure extrêmement parlant qui a pour but se réveiller les consciences quant à ce qui peut paraitre abstrait. Et nous donner, qui sait, une petite idée, de vers où vont les ressources naturelles de notre si belle planète bleue. Un indice témoignant clairement de vers où on va, simplement, si nous n’agissons pas autrement rapidement.