ECONOMIE

Victime collatérale : le FMI reconnaît que les sanctions contre la Russie affaiblissent… l’Europe


L’économie russe devrait, être moins pénalisée par les sanctions internationales que ce qui était attendu annonce le Fonds monétaire international (FMI). La croissance du produit intérieur brut (PIB) de la Russie devrait se contracter de 6,0% en 2022, anticipe le FMI, soit bien moins que le plongeon de 8,5% sur lequel il tablait lors de ses précédentes prévisions, publiées en avril. En revanche, les plus grandes économies du monde marquent le pas et les conséquences pour les perspectives mondiales sont importantes. L’inflation est au centre des préoccupations. De nombreux risques baissiers signalés dans l’édition d’avril des Perspectives de l’économie mondiale ont commencé à se concrétiser. L’horizon s’assombrit. Le monde est « au bord d’une récession mondiale ».

Les pays occidentaux ont, depuis le début de l’invasion russe en Ukraine le 24 février, pris à l’encontre de la Russie une salve de sanctions destinées à l’étrangler financièrement et économiquement.
Mais, « l’économie russe devrait s’être contractée moins que prévu au deuxième trimestre, les exportations de pétrole brut et de produits non énergétiques se maintenant mieux qu’attendu (…) De plus, la demande intérieure fait également preuve d’une certaine résilience grâce à la maîtrise de l’effet des sanctions sur le secteur financier intérieur et à un affaiblissement du marché du travail plus faible que prévu», détaille l’institution dans son dernier rapport de juillet. Par contre, l’économie mondiale, qui ne s’est pas encore remise de la pandémie, fait face à des perspectives de plus en plus sombres et incertaines avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Un effet de surprise

« Les effets de la guerre sur les principales économies européennes ont été plus négatifs que prévu », précise le FMI. Une inflation forte, en particulier aux États-Unis et dans les pays européens les plus importants économiquement, provoque un durcissement des conditions financières mondiales.

En Chine, le ralentissement a été plus prononcé qu’attendu sur fond de flambées de COVID-19 et les confinements. La production mondiale s’est donc contractée au deuxième trimestre de cette année. Les prévisions de croissance économique pour 2022 ont été abaissées pour l’Allemagne (-0,9 point à 1,2%), la France (-0,6 point à 2,3%) ou encore l’Espagne (-0,8 point à 4,0%).
Ces conséquences plus fortes sont dues à « la hausse des prix de l’énergie, ainsi qu’à la baisse de confiance des consommateurs et au ralentissement de l’activité manufacturière résultant de perturbations persistantes de la chaîne d’approvisionnement et de la hausse des coûts des matières premières », détaille le FMI.

Une inflation à la hausse

Bien que l’activité ralentisse, l’inflation mondiale a été révisée à la hausse, en partie du fait de l’augmentation des prix des denrées alimentaires et de l’énergie.
« L’inflation devrait atteindre cette année 6,6 % dans les pays avancés et 9,5 % dans les pays émergents et les pays en développement, soit une révision à la hausse de 0,9 et 0,8 point de pourcentage, respectivement, et elle devrait rester élevée plus longtemps. Elle s’est en outre étendue à de nombreux pays sous l’effet des tensions sur les prix provoquées par les perturbations des chaînes d’approvisionnement et une pénurie de main-d’œuvre historiquement forte », précise l’institution.

Des projections pessimistes

Les perspectives se sont ainsi nettement assombries depuis avril. « Un soutien budgétaire ciblé peut contribuer à amortir l’effet de ce resserrement sur les couches les plus vulnérables de la population », précise le Fonds. « Mais, devant des budgets publics déjà obérés par la pandémie et la nécessité d’adopter une politique macroéconomique globalement désinflationniste, il faudra contrebalancer tout soutien budgétaire par une hausse des impôts ou une baisse des dépenses publiques afin de veiller à ce que la politique budgétaire n’entrave pas le fonctionnement de la politique monétaire ».

Ces difficultés surviennent à un moment où de nombreux pays ne disposent pas de marge de manœuvre budgétaire et où 60 % des pays à faible revenu présentent un risque élevé de surendettement ou sont déjà en situation de surendettement, contre 20 % environ il y a dix ans. La hausse du coût de l’emprunt, la diminution des flux de crédit, le renforcement du dollar et l’affaiblissement de la croissance mettront davantage encore de personnes en difficulté.

Une cessation complète des exportations de gaz russe réduirait « nettement » la croissance dans la zone euro en 2022 et 2023.
Dans ce scénario plausible, « l’inflation augmentera et la croissance mondiale ralentira davantage pour atteindre environ 2,6 % cette année et 2 % l’année prochaine. Depuis 1970, ce rythme a été plus lent à seulement cinq reprises. Les États-Unis, tout comme la zone euro, connaîtraient une croissance proche de zéro l’année prochaine, ce qui entraînerait des conséquences négatives pour le reste du monde. Cela forcerait en effet les pays européens à mettre en place un rationnement de l’énergie, touchant les secteurs industriels majeurs ».

« Il sera essentiel de coopérer au niveau multilatéral dans de nombreux domaines, de la transition climatique à la préparation aux pandémies, en passant par la sécurité alimentaire et le surendettement. Alors que les défis et les troubles sont considérables, une coopération renforcée demeure le meilleur moyen d’améliorer les perspectives économiques et d’atténuer le risque de fragmentation géoéconomique », ponctue le rapport du Fonds.