DEVELOPPEMENT DURABLE

Jour du Dépassement: “Il est urgent que les gouvernements fassent preuve de courage”

Le 29 juillet 2021 était marqué par le Jour du Dépassement de la terre. Cette année, nous avons encore perdu 24 heures. Cette journée nous rappelle que la persistance du dépassement, depuis maintenant plus d’un demi-siècle, a entraîné un déclin considérable de la biodiversité, un excès de gaz à effet de serre dans l’atmosphère et une concurrence accrue pour les ressources alimentaires et l’énergie. Les recherches de Global Footprint Network démontrent que plus de 3 milliards de personnes vivent aujourd’hui dans des pays qui produisent moins de nourriture qu’ils n’en consomment et génèrent moins de revenus que la moyenne mondiale. Mise en ligne hier, la plateforme Power of Possibility entend attirer l’attention sur certaines des nombreuses solutions disponibles pour lutter contre le changement climatique et assurer la sécurité des ressources. Explication avec Laetitia Mailhes, porte-parole de Global Footprint Network.

Global Footprint Network est une organisation internationale qui aide le monde à vivre selon les moyens de la Terre et à répondre au changement climatique. Depuis 2003, elle s’engage avec plus de 60 pays, 40 villes et 70 partenaires mondiaux à fournir des informations scientifiques qui ont permis de prendre des décisions politiques et d’investissement à fort impact.
« La sécurité des ressources est en train de devenir un paramètre essentiel de la puissance économique. Il n’y a aucun avantage à attendre que les autres agissent en premier. Au contraire, il est dans l’intérêt de chaque ville, entreprise ou pays de protéger sa propre capacité à fonctionner dans un avenir inévitable marqué par le changement climatique et des ressources seront de plus en plus limitées, »  commente Mathis Wackernagel, fondateur de Global Footprint Network.

Encore un jour de moins en 2022

La date du Jour du Dépassement de la terre est calculée chaque année par Global Footprint Network, à partir des données des Comptes nationaux d’empreinte écologique et de biocapacité.  En 2022, nous avons encore perdu un jour, puisque ce dépassement est tombé ce 28 juillet. Un dépassement qui se manifeste, entre autres, par de plus en plus par de vagues de chaleur inhabituelles, des sécheresses et des inondations. Si les autorités de nos pays semblent rester sourdes à agir concrètement et urgemment pour réduire ce dépassement de la biocapacité de notre planète, certains autres comme l’Equateur, le Montenegro ou de grandes villes portugaises agissent et réagissent. Afin de sensibiliser toujours davantage à cette urgence capitale pour la survie de notre planète, il est primordial d’informer et de communiquer.

L-Post : Comment peut-on faire reculer la date du Jour du Dépassement de la terre qui, rappelons-le, survenait  encore fin décembre en 1970 ?

Laetitia Mailhes : Concrètement, il faut réduire le gaspillage alimentaire ; 40% des produits de consommation produit chaque année ne sont jamais consommés ; réduire sa consommation de viande rouge est aussi une solution. Non pas ne plus manger de viande du tout, ce n’est pas ce que l’on dit mais diminuer sa consommation. Les élevages intensifs d’animaux déconnectés de la terre sont nourris pas des céréales importées, c’est d’ailleurs également le cas pour les élevages laitiers. Nous devons revoir nos méthodes agricoles et revenir à des cheptels moins importants, nourris plus naturellement. L’agriculture intensive dépend largement de la mécanisation donc des énergies fossiles. Tout est lié. Il est urgent de changer nos méthodes d’élevage.
Vous savez, si la consommation de viande rouge était réduite de 50 % au niveau mondial, cela permettrait de faire reculer la date du Jour Dépassement de 17 jours. Et comme tout est lié, ce calcul prend également en compte la réduction de méthane. On peut également agir sur l’empreinte carbone en revoyant aussi la mobilité. On doit agir sur l’alimentation, évidemment, mais aussi, sur les productions de textile, le matériels de construction. Si on continue à se retrouver en déficit chaque année un peu plus, on creuse la dette écologique et nous ne disposons pas de planète B pour nous renflouer.

Ce qu’il manque face à la faillite écologique : une véritable volonté et un courage politique.

L-Post : Comment expliquez-vous la lenteur d’action des politiques tous niveaux confondus ?

L.M. : On ne se l’explique pas hélas, c’est pourquoi, il faut miser sur le rabattage médiatique, la communication et l’information du public, des industriels, des indépendants, des jeunes et du politique. Il faut parvenir à faire prendre conscience de l'urgence et inciter les autorités à passer à l'action. Il faut cesser de se contenter de mesurettes qui mèneront à terme à la faillite écologique. Il est urgent d’agir. Les chiffres ne sont pas abstraits, c’est de cela qu’il faut bien prendre conscience. Les pays doivent cesser de camoufler la paralysie de leurs actions derrière les accords internationaux. On doit cesser d’attendre que le voisin répare son bateau pour réparer le nôtre afin de faire face à la tempête. Les autorités politiques de chaque pays doivent avoir le courage et l’audace d’agir maintenant. Quand on voit de quelle manière, au début de la crise du Covid, les gouvernements du monde ont pu prendre des décisions rapidement pour réagir face à l’épidémie, c’est fascinant ! En quelques semaines, ils ont transformé le monde dans lequel nous vivions. Cela prouve qu’on est capable d’agir quand la volonté politique est là. Voilà ce qu’il manque face à la faillite écologique : une véritable volonté et un courage politique.
Actuellement, il y a un gouffre entre les paroles et les actes. Il faut, je le répète, avoir le courage de prendre les mesures qui s’imposent, sans quoi, cela signifiera que le politique entend endosser la responsabilité des catastrophes à venir. Il faut qu’il comprenne que l’empreinte écologique est inférieure à la biocapacité de la terre, c’est le socle sur lequel aucun développement durable ne sera jamais possible si on ne change pas rapidement les choses. En 2015, l’ONU a établi une liste de 17 objectifs à atteindre en la matière. Mais sur un socle aussi fragile que celui dont nous disposons actuellement, ces objectifs sont caducs.

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